Roland Barthes et Cy Twombly : le « champ allusif de l'écriture »

1L’artiste américain Cy Twombly a eu pendant longtemps une carrière assez confidentielle. Bien qu’il ait partagé avec son ami Robert Rauschenberg les premiers scandales des successeurs de l’Expressionnisme abstrait, et bien qu’il ait été pris en charge par le galeriste Leo Castelli chez qui sont passés les plus grands artistes américains de cette génération, Twombly n’a pas eu de reconnaissance immédiate, ce qu’il faut attribuer à la fois à son installation en Italie à la fin des années cinquante et à une œuvre difficile et relativement inclassable, en tout cas dans les termes de l’historiographie américaine.

2En France, et à l’exception d’une discrète exposition organisée par Pierre Restany en 1961, Twombly apparaît sur la scène artistique avec deux expositions chez Yvon Lambert en été 1971 et au printemps 1974. Très vite le galeriste entreprend un catalogue raisonné des œuvres sur papier de la période 1973-1976, dont il demande à Roland Barthes d’écrire la préface [1].

3Cette préface, intitulée « Non multa sed multum », est datée de 1976 et le catalogue paraît en 1979. C’est à cette date que le musée Whitney d’Art américain organise la première grande rétrospective de l’artiste à New York ; celui-ci demande à Barthes d’écrire un nouveau texte pour la préface du catalogue. Ce texte, « Sagesse de l’art », est écrit, si l’on en croit un passage, dans la nuit du 31 décembre 1978, et reprend pour l’essentiel le premier, quoique dans une construction assez différente [2].

4Entre 1976 et 1979, Entre le Roland Barthes par Roland Barthes et La chambre claire, ces deux textes éclairent la pensée de Barthes non seulement sur l’œuvre de Twombly, mais sur la question de l’écriture.

Une érotique du geste

5Une part de l’œuvre de Twombly consiste en ce que la critique a fort malencontreusement rapproché du graffiti, mais plus justement du gribouillis (planches 1 et 2). Twombly raconte avoir fait certains de ses premiers dessins dans le noir, lors de son service militaire, ce que Barthes commente ainsi :

6

« […] le “gauche” (ou le “gaucher”) est une sorte d’aveugle : il ne voit pas bien la direction, la portée de ses gestes ; sa main seule le guide, le désir de sa main, non son aptitude instrumentale ; l’œil, c’est la raison, l’évidence, l’empirisme, la vraisemblance, tout ce qui sert à contrôler, à coordonner, à imiter, et comme art exclusif de la vision, toute notre peinture passée s’est trouvée assujettie à une rationalité répressive. D’une certaine façon, Twombly libère la peinture de la vision, car le “gauche” (le “gaucher”) défait le lien de la main et de l’œil : il dessine sans lumière (ainsi faisait Twombly, à l’armée) ».

7Cette phrase fournit à elle seule une définition remarquable de ce que l’histoire de l’art appelle classiquement le disegno, que l’on traduit, faute de mieux, par dessin, quoique le sens en soit plus général. Par son activité héritée de l’automatisme, Twombly libère, en somme, le dessin (activité graphique) du disegno (principe rationnel de la peinture).

8La question d’un dessin qui, selon les termes de Barthes, assujettit la peinture à une rationalité répressive, se doit immanquablement d’être resituée dans son opposition historique à la couleur. Une anecdote du Roland Barthes rappelle la lutte de sa propre gaucherie dans la petite société du lycée :

9

« […] je dessinais, par contrainte, de la main droite, mais je passais la couleur de la main gauche : revanche de la pulsion ».
(RB, 102)

10Le gauche et la couleur se voient ici associés dans une même pulsion. Le commentaire de Barthes trouve ainsi un écho dans celui, contemporain, de Jean-Claude Lebensztejn selon lequel « l’histoire de la couleur dans l’art occidental, entre la Renaissance et l’impressionnisme, est avant tout l’histoire d’un refoulement » [4]. Précisément :

11

« Mais qu’est-ce que la couleur? une jouissance ».
(NM, 10)

12Dans « Sagesse de l’art », ne subsiste de l’isotopie de la jouissance qu’un passage à la fin – qui éclaire le titre du texte et la nature de cette sagesse. Parlant du désir de faire la même chose et de l’exploration par le spectateur de son impuissance face à la puissance de l’artiste :

13

« Voici Age of Alexander : oh, cette seule traînée rose… ! Je ne saurais jamais la faire aussi légère, raréfier l’espace autour d’elle ; je ne saurais pas m’arrêter de remplir, de continuer, bref de gâcher ; et de là, de mon erreur même, je saisis tout ce qu’il y a de sagesse dans l’acte de l’artiste : il se retient d’en vouloir trop ; sa réussite n’est pas sans parenté avec l’érotique du Tao : un plaisir intense vient de la retenue ».
(SA, 21)

14L’expression de la jouissance graphique (où Barthes réhabilite paradoxalement un certain contrôle) prend ici la forme d’une écriture elle-même orgastique dans son rythme, en particulier dans le jeu de l’exclamation (« oh, cette seule traînée rose… ! ») précédée graphiquement d’une suspension (la retenue).

15L’érotisme de l’écriture réside donc en première analyse dans la jouissance gestuelle d’une activité rhéologique – comme le dit plus vigoureusement Philippe Sollers : « à la force du poignet qui tourne » [5]. Mais cette jouissance de geste n’est qu’une part de ce qui est ici en jeu.

Glissement

16Il n’est sans doute pas innocent que, dans NM, le commentaire que fait Barthes de la condamnation morale de l’anomalie, de la déficience, de la faute du gauche y associe une autre « métaphore sentimentale » :

17

« […] de même voit-on, dans un autre coin de notre langue, une métaphore sentimentale donner son nom à une substance toute physique : l’amoureux qui s’enflamme, l’amado, devient paradoxalement le nom de toute matière conductrice du feu : l’amadou ».
(NM, 8)

18Dans NM, Barthes énonce ainsi l’idée de l’essence de la trace de Twombly :

19

« Réfléchissons par comparaison. Qu’est-ce que l’essence d’un pantalon (s’il en a une)? Certainement pas cet objet apprêté et rectiligne que l’on trouve sur les cintres des grands magasins ; plutôt cette boule d’étoffé chue par terre, négligemment, de la main d’un adolescent quand il se déshabille, exténué, paresseux, indifférent. L’essence d’un objet a quelque rapport avec son déchet : non pas forcément ce qui reste après qu’on en a usé, mais ce qui est jeté hors de l’usage. Ainsi des écritures de TW. Ce sont les bribes d’une paresse, donc d’une élégance extrême ; comme si, de l’écriture, acte érotique fort, il restait la fatigue amoureuse : ce vêtement tombé dans un coin de la feuille ».
(NM, 7)

20Par cette comparaison – qui disparaît du texte américain, sans doute à cause de sa trop grande évidence autobiographique [6] – Barthes opère un glissement : d’une érotique du geste, on passe à l’écriture considérée comme un rapport amoureux.

Une érotique du nom propre

21Barthes pose la question : « comment peut-on avoir un rapport amoureux avec des noms propres? » (RB, p. 55) ; il en appelle, parallèlement à une linguistique des noms propres, à une érotique.

22La rencontre de Twombly devait lui donner l’occasion d’en préciser les termes. L’œuvre du peintre est en effet envahie par les noms. La critique invoque le plus souvent la « résonance magique des noms répétés » [7], ce qui, pour n’être pas forcément inexact, ne saurait suffire à l’analyse. Barthes, à son habitude, est plus retors, lorsqu’il parle de la « gloire nominaliste » de Twombly :

23

« Lorsque TW écrit et répète ce seul mot : Virgil, c’est déjà un commentaire de Virgile, car le nom, inscrit à la main, appelle non seulement toute une idée (au reste vide) de la culture antique, mais aussi opère comme une citation : celle d’un temps d’études désuètes, calmes, oisives, discrètement décadentes : collèges anglais, vers latins, pupitres, lampes, écritures fines au crayon. Telle est la culture pour Twombly : une aise, un souvenir, une ironie, une posture, un geste dandy ».
(NM, 8)

24Le verbe appeler (une idée) suppose un processus d’identification qui constitue une première description linguistique des noms propres (quoique dans un terme inusité et problématique) : celle de l’étiquette identifiante, ce que confirme la parenthèse – « une idée (au reste vide) » [8]. Une interprétation répétée dans le texte de 1978 :

25

« En écrivant Virgil sur sa toile, c’est comme si Twombly condensait dans sa main l’énormité même du monde virgilien, toutes les références dont ce nom est le dépôt ».
(SA, 11), planche 3

26Cette hypothèse est paradoxalement aussitôt démentie par le recours de Barthes à la citation de ce dont le nom donne une idée cette fois non totalement vide. Virgil n’est plus tant la dénomination du parangon de « la culture antique » ou du « monde virgilien » que celle de l’ensemble de souvenirs subjectifs qui leur sont associés : c’est « le temps d’études désuètes » pour Barthes – un « cours de latin » pour Rosalind Krauss qui, à lire son article, n’a manifestement pas suivi les mêmes cours que Barthes et Twombly [9] – : la métaphore scolaire doit tout aussi bien aux fantasmes et à l’histoire personnels des deux critiques – qui se trouvent en l’occurrence être des enseignants.

27Conformément aux hypothèses linguistiques contemporaines, Barthes situe donc la signification du nom entre le vide et l’infini (ou l’indéfini) de l’expérience subjective [10].

28Dans La chambre claire, Barthes renouvelle à propos de l’image photographique ce déni du processus de référence :

29

« Telle photo, en effet, ne se distingue jamais de son référent (de ce qu’elle représente) ».
(CC, 16)

30

« […] le référent adhère ».
(CC, 18)

31

« […] toute photo est en quelque sorte co-naturelle à son référent ».
(CC, 119)

32Et cette adhérence du référent est encore une fois traversée par la métaphore amoureuse :

33

« On dirait que la photographie emporte toujours son référent avec elle, tous deux frappés de la même immobilité amoureuse ou funèbre ».
(CC, 17)

34Barthes lie donc le refus de la référence à la question du désir (ici lié à la mort, conformément à une dualité ancienne). De même qu’à propos du geste, Barthes définissait l’essence d’un objet par une comparaison amoureuse (le pantalon de l’adolescent), il définit « la vérité du nom » (SA, 11) par une « gloire nominaliste » qui assume certes ses connotations théologiques (« la gloire de Dieu c’est la manifestation de son être », SA, 9), mais aussi ses implications érotiques (Virgile dans la discrète décadence des collèges anglais).

De l’érotisme à la mélancolie

35On vient de voir que dans La chambre claire, la mort rodait à l’entour de la métaphore amoureuse. Reprenant l’idée de l’adhérence ou de la co-naturalité du référent et de l’image photographique, Barthes nomme le noème de la photographie : « Ça-a-été » (CC, 120) ; « il a été là, et cependant tout de suite séparé » (CC, 121), où réside ce qu’il appelle aussi la Mélancolie même de la photographie (CC, 124) – perte et séparation formant une des clés d’un livre articulé autour de la figure de la mère.

36De fait, dans tous les textes de cette période, le « discours amoureux » est traversé d’une autre isotopie : le geste défini comme la somme des paresses (NM, 7), la fatigue amoureuse (ibid.), les études oisives (NM, 8), le studium défini dans CC comme « le champ très vaste du désir nonchalant » (CC, 50), le nom propre défini dans le Roland Barthes comme « le terme d’une langueur » (RB, 55) : ce lexique relie la métaphore amoureuse au paradigme du désœuvrement, de l’indolence ou de la déréliction : un paradigme fondamental dans l’œuvre de Twombly.

37En deçà de toute « rationalité répressive », le gribouillis de Twombly et ses prolongements cryptographiques ou verbaux se donnent comme l’expression du psychisme pur. Durant la seconde moitié des années cinquante, en effet, Twombly se livre à un travail de déconstruction du « savoir dessiner » tel que Paul Klee l’a mené entre 1905 et 1914 ; un travail de régression, si l’on peut dire, duquel surgit un langage inédit, non redevable d’une culture ou d’une rationalité. Ce langage informe (met en forme) des représentations issues d’un fond où rien ne saurait se dire – un fond irreprésentable.

38Le texte « Sagesse de l’art » s’ouvre sur une question : « Qu’est-ce qui se passe, là? » ; et sur le projet d’« interroger Twombly sous le rapport d’un événement ». L’événement, c’est « quelque chose qui advient » dans une terminologie très lacanienne [11], et entre autres événements, « il se passe un fait » (pragma) : Twombly impose le matériau comme une matière absolue, comme materia prima : « la materia prima est ce qui existe antérieurement à la division du sens » (SA, 9).

39Là réside une première mélancolie : le gribouillis, si proche de la materia prima, de « ce qui existe antérieurement à la division du sens », exprime dès son apparition l’impossibilité consubstantielle au langage à dire ce qu’il y a à dire – omnia locutio ineffabile fatur : « Ça-a-été, et cependant tout de suite séparé ».

40D’autre part, dans cette accession compulsive de l’artiste au langage, et à côté du gribouillis, surgit – comme chez Paul Klee – une activité pictographique massivement érotique qui montre que ces représentations archaïques sont ancrées dans la sexualité (figure 1, planche 4).

Figure 1

Cy Twombly, Delian Ode, 1961, crayon, pastel, crayon à bille, crayon-feutre sur papier, 38,8 x 35,7 cm, coll. part.

Figure 1

Cy Twombly, Delian Ode, 1961, crayon, pastel, crayon à bille, crayon-feutre sur papier, 38,8 x 35,7 cm, coll. part.

41Le fait que Twombly mêle ce travail d’ordre régressif à l’exploration d’une culture classique et même humaniste pourrait paraître contradictoire. Bien au contraire, cette ambivalence constitue une clé pour comprendre le sens de son œuvre. Léonard de Vinci, par exemple, à qui Twombly rend hommage dès 1960 (To Leonardo) et pendant au moins vingt ans, dévoile dans les mêmes modalités la face cachée, névrotique et obsessionnelle que l’artiste voit dans la Renaissance [12].Ainsi dans les folios 132v et 133v du Codex Atlanticus, très controversés quant à leur authenticité, les dessins obscènes généralement attribués aux assistants de Léonard [13], montrent surtout, au détour d’une autre théorie du vélo, la « revanche de la pulsion » au sein même d’une activité qu’on appellerait aujourd’hui une science[14]. Ces velléités rationnelles et cette exploration d’une culture humaniste coexistent sur la toile de Twombly avec le « retour de la pulsion » et montrent la totalité d’un sujet pris dans le jeu d’une conscience traversée par des manifestations de l’inconscient.

Cy Twombly Panorama, 1954, huile, craie grasse et craie sur toile, 254 x 340,5 cm, courtoisie galerie Thomas Ammann Fine Art, Zurich

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Cy Twombly Panorama, 1954, huile, craie grasse et craie sur toile, 254 x 340,5 cm, courtoisie galerie Thomas Ammann Fine Art, Zurich

Cy Twombly Sans titre, 1954, craie et crayon de couleur sur papier, 48,3 x 63,4 cm, coll. Robert Rauschenberg

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Cy Twombly Sans titre, 1954, craie et crayon de couleur sur papier, 48,3 x 63,4 cm, coll. Robert Rauschenberg

Cy Twombly Virgil, 1973, huile, craie grasse et crayon sur papier, 69,8 x 99,6 cm, coll. Marx

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Cy Twombly Virgil, 1973, huile, craie grasse et crayon sur papier, 69,8 x 99,6 cm, coll. Marx

Cy Twombly Ilium (One Morning Ten Years Later), 1964, huile, crayon, craie grasse sur toile, triptyque, dimension totale : 203 x 686 cm, The Eli and Edythe L. Broad Collection, en depôt à la collection Menil, Houston, courtoisie Gagosian Gallery, New York

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Cy Twombly Ilium (One Morning Ten Years Later), 1964, huile, crayon, craie grasse sur toile, triptyque, dimension totale : 203 x 686 cm, The Eli and Edythe L. Broad Collection, en depôt à la collection Menil, Houston, courtoisie Gagosian Gallery, New York

42Là se renouvelle la mélancolie qui était attachée au langage. Dès son introduction Barthes apportait une réponse obvie à l’énigme de l’œuvre de Twombly :

43

« Twombly provoque en nous un travail de langage ».
(NM, 7)

44La symbolisation compulsive du fantasme chez Twombly comme la récurrence de la métaphore amoureuse chez Barthes montrent l’inscription d’Eros, c’est-à-dire du désir au cœur du langage. Et si le gribouillis exprime l’impossibilité consubstantielle au langage à dire ce qu’il y a à dire, c’est que l’objet du désir est insaisissable : comme celui de la mélancolie classique, de la Sehnsucht des romantiques allemands et de l’angoisse pathologique, l’objet de la mélancolie ne lui est pas préalable : c’est un objet perdu, celui que Lacan définit comme le manque ordonnant le désir. Ça-a-été, dit Barthes, et cependant irrémédiablement perdu.

45* * *

46

« Une toile de Twombly, c’est seulement ce qu’on pourrait appeler le champ allusif de l’écriture ».
(NM, 7)

47Bien que Barthes parle ici de l’écriture au sens graphique du terme, il est aisé d’y reconnaître un jeu de mots – dans une parenthèse où se décèle peut-être quelque ironie, il précise la définition de l’allusion, « figure de rhétorique consistant à dire une chose avec l’intention d’en faire entendre une autre » (ibid.).

48Un texte de Barthes, donc « c’est le champ allusif de l’écriture » ; ou, comme il le dit encore de Twombly, Barthes « fait référence à l’écriture ». Et comme pour l’image photographique ou les noms de Twombly, Barthes « adhère » à son référent, il lui est « co-naturel », dans cette immobilité amoureuse et cette nonchalance où se décèle une mélancolie.

49

« J’écris un texte, et je l’appelle R. B. Je me passe de l’imitation (de la description) et je me confie à la nomination. Ne sais-je pas que, dans le champ du sujet, il n’y a pas de référent? ».
(RB, 60)

50Profitant de cette « ambiguïté précieuse » du mot sujet, Barthes indique que « chez Twombly, le sujet, c’est, bien sûr, ce dont la toile parle, […] [et que] le sujet, c’est Twombly lui-même » (SA, 20). Encore une manière de confidence. Chez Barthes, le sujet c’est Twombly, bien sûr, et c’est Barthes lui-même, dans une véritable transsubstantiation voire une transverbération, pour parler en termes d’extase amoureuse.

ESL’empire des signes, Genève, Skira, 1970.
RBRoland Barthes par Roland Barthes, Paris, Le Seuil, coll. « Écrivains de toujours », 1975.
NM« Non multa sed multum », in Yvon Lambert (éd.), Catalogue raisonné des œuvres sur papier de Cy Twombly, vol. VI, 1973-1976, Milan, Multipha, 1979, p. 7-13 [rééd. in L’obvie et l’obtus, Paris, Seuil, 1982, p. 145-162 ; Kalejdoskop, n° 6, 1983, p. 13-29 ; The Responsability of Forms, New York, 1985, p. 157-176 ; Museumjournaal, vol. 30, n° 5, 1985, p. 309-320].
SA« Sagesse de l’art / The Wisdom of Art », in Cy Twombly – Paintings and Drawings, 1954-1977, New York, Whitney Museum of American Art, 1979, p. 9-22 [rééd. in L’obvie et l’obtus, op. cit., p. 163-178 ; The Responsability of Forms, op. cit., p. 177-194].
CCLa chambre claire, Note sur la photographie, Paris, Éditions de l’Étoile, Gallimard, Le Seuil, 1980.

Notes

  • [1]
    Yvon Lambert avait aussi demandé à Michel Foucault d’écrire un texte sur Twombly, mais cela n’intéressait pas le philosophe (conversation avec l’auteur, 1997).
  • [2]
    Le texte de 1976 cultive une écriture du fragment, « à sauts et à gambades » : la construction de l’essai se fonde sur la succession de six thèmes de longueur variable (« écriture », « culture », « gauche », « support », « corps », « moralité »), à l’intérieur desquels des paragraphes indépendants ne suivent pas particulièrement une marche argumentative – plutôt associative. Le texte de 1978 est plus construit, soumis à un dessin d’ensemble : les cinq parties (numérotées) sont annoncées dans l’introduction comme le développement de cinq catégories d’événements : pragma (fait), tyché (hasard), telos (issue), apodeston (surprise), drama (action), chaque catégorie pouvant également se subdiviser – il y a par exemple plusieurs types de faits : griffure, tache, salissure, noms.
  • [3]
    Du point de vue neuro-sensoriel, l’exécution du geste d’écrire ou de dessiner s’accompagne d’un double contrôle, sensitif et visuo-manuel. Twombly, se privant de l’œil, laisse à sa seule main la « responsabilité » de la ligne.
  • [4]
    Jean-Claude Lebensztejn, « Les textes du peintre », Critique n° 324, mai 1974 : 400-433
  • [5]
    Philippe Sollers, « Les épiphanies de Twombly », in Yvon Lambert (éd.), Catalogue raisonné des œuvres sur papier de Cy Twombly, vol. VII, 1977-1982, Milan, Multipha, 1991, p. 10.
  • [6]
    L’allusion, ici transparente, disparaît de la préface du catalogue du musée Whitney : « Prenez un objet usuel : ce n’est pas son état neuf, vierge, qui rend le mieux compte de son essence, c’est plutôt déjeté, un peu usé, un peu sali, un peu abandonné : le déchet, voilà où se lit la vérité des choses » (SA, 11).
  • [7]
    « […] the magic resonance of the iterated name » (Kirk Varnedoe : « Inscriptions in Arcadia », in Cy Twombly – A Retrospective, New York, Museum of Modern Art, 1994, p. 45).
  • [8]
    « Alors que les noms communs sont pourvus d’une extension (ensemble d’entités auxquelles ils permettent de référer) et d’une intension (ensembles de traits sémantiques distinctifs), les noms propres ont bien une extension, mais pas d’intension : ils n’ont pas, à proprement parler, de sens […] » (Michel Arrivé et al., La grammaire d’aujourd’hui, Paris, Flammarion, 1986, p. 416-417). Sur cette hypothèse d’une « étiquette vide », cf. Jean Dubois et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1973, p. 414 ; Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale II, Paris, Gallimard, 1974, p. 200 ; Georges Kleiber, Problèmes de référence : descriptions définies et noms propres, Centre d’Analyse Syntaxique, Université de Metz, 1981, p. 11-14, ou Jean-Claude Chevalier et al., Grammaire du français contemporain, Paris, Larousse, 1989, p. 163.
  • [9]
    Rosalind Krauss, « Le cours de latin », Les Cahiers du Musée National d’Art Moderne, n° 53, Paris, automne 1995 : 5-23.
  • [10]
    « […] d’un côté, l’individu constituant une substance irréductible à l’un ou l’autre de ses accidents, le nom propre ne saurait être qu’une étiquette qui le désigne […] ; d’un autre côté, et en application du principe qui veut que l’intension d’un concept varie en sens inverse de son extension, on dira que le concept qui a l’extension la plus restreinte a l’intension la plus riche et que le nom propre est alors le mot dont la signification est la plus vaste » (Jean Molino, « Le nom propre dans la langue », in Jean Molino et al., Le nom propre, Langages n° 66, Paris, Larousse, juin 1982 : 5-20, p. 13). Barthes reste attentif aux évolutions de la linguistique, citant Austin et la théorie des performatifs à propos de la dédicace, dans SA, 12.
  • [11]
    La référence au dernier Lacan de la triade Réel/Imaginaire/Symbolique traverse tous ces textes. Dès les premières pages de La chambre claire, Barthes cite le Séminaire XI paru en 1973 (« la Tuché, l’Occasion, la Rencontre, le Réel dans son expression infatigable », CC, 15) ; la tuché étant aussi une des cinq catégories d’événements structurant SA, et de manière plus explicite encore dans NM : « tout l’art, en tant qu’il est emmagaziné, consigné, publié, est dénoncé comme imaginaire : le réel, à quoi vous rappelle sans cesse le tracé de Twombly, c’est la production […] » (NM, 11).
  • [12]
    « He recognizes that Italian Art, often talked about in terms of sunlight and Renaissance clarity, also has a dark, neurotic, and obsessive side – and he situates Leonardo there » (Kirk Varnedoe : « Inscriptions in Arcadia », op. cit., p. 41).
  • [13]
    Cf. Daniel Arasse, Léonard de Vinci, Hazan, 1997.
  • [14]
    Twombly ne connaissait pas ces dessins du Codex (conversation avec l’auteur). Découverts dans les années soixante, leur publication est d’ailleurs postérieure aux œuvres de Twombly présentant de semblables tratti puerili (A. Marinoni, « The Bicycle of Leonardo » in The Unknown Leonardo, McGraw Hill Book, London, 1974).