L'art en fabrication

La notion de réalité supposant des objets, des événements et des espèces définis indépendamment du discours et prétendument non affectés par la manière dont ils sont décrits ou présentés, doit être remplacée.
Reconnaissons que ces objets, ces événements et ces espèces appartiennent, eux aussi, au récit.
Nelson Goodman et Catherine Z. Elgin [1]

1À suivre Nelson Goodman, philosophe américain des « langages de l’art », il n’y a pas de « monde » décrit par le récit qui soit indépendant de toute « manière » de le décrire ou de le raconter. Mais qu’est-ce que « le monde » ? Et quel est le lien entre « le monde » et le récit ? Selon lui, rien n’est inné et tout est induit par notre activité de connaissance. Pourtant, la clé des interrogations concernant « le monde » et sa description se trouve dans la « manière » de décrire ce monde [2] : gardant à l’esprit la référence à l’original anglais, Ways of Worldmaking[3], on est en droit de supposer que toute description est une « voie » (way), dont le monde et sa description sont indissociables. Je voudrais attirer l’attention sur ces « voies », parce que ce terme renvoie non seulement à différentes possibilités de composer, de re-composer ou de dé-composer le « monde » en question, mais aussi à une continuité ou à des continuités des processus constructifs. Affirmer le choix des « voies » pour « faire des mondes », peut-être même pour « faire-monde », permet de souligner qu’il s’agit de suivre l’une des directions d’investissement existentiel de tout un chacun, des activités se classant alors sous le titre « faire-monde » (worldmaking), et les « mondes » pouvant ainsi être vus comme ensembles de certaines pratiques : celles de l’art, mais aussi de la science, de la philosophie ou autres. Les voies pour l’exploration de ces pratiques se présentent comme celles de la recherche : elles ne se résument pas à un ensemble de « procédés » techniques, mais il s’agit plutôt, à chaque fois, d’une nouvelle investigation dans la direction choisie, où, suivant des étapes, il faudra ajuster des résultats, des liens selon des chaînes de renvois, et en vérifier toute la construction selon un cadre de référence[4] convenable.

2Toujours d’après Goodman, nous avons accès au monde à l’aide de descriptions, de représentations, c’est-à-dire avec un instrument de révélation de son contenu dans un texte, un tableau, une formule mathématique, un dessin géométrique… Il s’agit de fonctionnement du symbole, où le symbole est ce qui « tient lieu de » quelque chose (stands for) et n’a pas de corrélat fixe de significations. Le symbole prend sens ; il commence à « fonctionner » dans un système symbolique concret.

3Du fait que les « langages de l’art » sont l’un des procédés ou des voies choisies pour décrire le monde parmi d’autres « ways of worldmaking », l’art sera lui-aussi compris comme une activité de connaissance parmi d’autres. L’avantage de l’esthétique de Goodman consiste à inviter ceux qui veulent connaître l’art à ne pas faire confiance à leurs sentiments purement subjectifs, mais à s’élever en tant que connaisseurs, ou comme il l’écrit : « Nous ne nous faisons pas connaisseurs pour distinguer dans l’art le bon et le mauvais : nous apprenons à distinguer le bon du mauvais pour devenir des connaisseurs – des gens qui comprennent l’art et, à travers l’art, des univers [5] ». Comprendre l’art comme symbole est, peut-être, moins intriguant que voir dans l’art une source d’interprétations à différents niveaux. En tout cas on est obligé de constater qu’on n’a guère souvent recours à la théorie de Goodman dans les discours sur l’art, et en particulier sur l’art contemporain. Pourtant aujourd’hui, quand l’art cherche à fuir sa propre définition, sa théorie de la symbolisation ouvre des « voies » nouvelles pour l’exploration des arts, et des possibilités de créer de nouveaux liens entre « faire l’objet d’art » et « réfléchir sur cet objet ».

Des récits dans tous les sens, ou : l’art contemporain, ses contextes et ses significations [6]

4Sous le nom d’« art contemporain », on rassemble des faits qui n’appartiennent pas toujours aux genres canoniques de l’art, et même si certains historiens de l’art trouvent cette appellation trop générale et superficielle, beaucoup d’entre eux s’accordent à reconnaître que l’art contemporain ne se réduit pas aux pratiques de la peinture ou de la sculpture, et plus encore, qu’il échappe à toute définition en dépassant le champ des objets conçus pour l’art [7]. Ainsi, le fameux article d’Arthur Danto, « Artworld [8] », fait suite à l’exposition d’objets qui ne se distinguent pas des produits du commerce, des objets de la vie quotidienne.

5Apparemment, l’art contemporain veut se débarrasser d’un matériau ou d’un médium particulier et ne se réduit ainsi plus aux genres ou aux typologies de l’art. Arthur Danto, Rosalind Krauss et Donald Judd ont écrit sur le sujet. Par exemple, des outils langagiers s’introduisent dans l’œuvre d’art contemporaine : le texte, l’objet, le ready-made, l’image, le document de la vie quotidienne et beaucoup d’autres choses entrent en correspondance, effaçant les frontières entre différents médiums artistiques. À l’époque de la parution de l’article de Danto, Donald Judd expose à la Green Gallery et publie ensuite son texte selon lequel l’art n’est réservé à aucun médium présupposé par le travail des historiens. Il propose d’accentuer « l’organisation [9] » d’une œuvre d’art, au lieu de se référer à sa forme d’expression. Il s’agit, entre autres, du plan permettant de transmettre l’expression visuelle d’une surface dans l’espace à trois dimensions. Cette façon de voir les choses lui permet de dépasser les frontières entre les arts.

6Pour sa part, Goodman ne s’appuie plus sur un modèle préférentiel d’expression, verbal ou notationnel, par exemple. Le fonctionnement symbolique du système se réalise à travers la classification et la re-classification des étiquettes, c’est-à-dire noms, prédicats, gestes, images et autres, par rapport aux objets nommés. En effet, une étiquette, d’après la proposition goodmanienne, ne vise pas un objet précis : il s’agit d’un ensemble extensionnel d’étiquettes alternatives appliquées à un champ d’extension des objets de référence. La référence, dans le cas de la dénotation, va de l’étiquette à l’objet dénoté. Des étiquettes de différentes sortes peuvent nous fournir du matériel classificatoire. Pour Goodman, l’invention du roman et l’appropriation de l’œuvre picturale sont des expériences de structuration d’un des secteurs de connaissance, et des expériences de réorganisation des étiquettes, afin d’obtenir une nouvelle information. Nous devons choisir dans un réseau d’étiquettes, parce que l’étiquette n’est pas une, mais toute la collection, tout le faisceau d’étiquettes, et ainsi de suite. L’ensemble des étiquettes classe un domaine ; le règne (realm) est un agrégat des domaines d’extension des étiquettes alternatives appliquées à un schème [10]. Par conséquent, l’inversion d’ordre du récit modifie et restructure le classement des étiquettes. Dans ce processus de classification et de reclassification, nous utilisons des symboles divers (picturaux, graphiques, textuels), ce qui correspond bien à la situation actuelle, dans laquelle il n’y a plus l’art de la peinture à l’huile ou de la sculpture, mais il y a de l’art « tout court ». C’est pour comprendre l’art selon cet effacement des frontières entre ses différentes formes d’expression que l’analyse goodmanienne des « langages de l’art » nous fournit des outils conceptuels.

7Une autre caractéristique de l’art contemporain, traitée de façon originale dans sa théorie, est liée au fait qu’avec l’avènement de l’époque néo-dada et pop, l’art sort de ses définitions et se mélange avec les significations de la vie quotidienne. Ainsi, dans l’article mentionné, Arthur Danto pose la question du discernement de l’art à l’époque où l’objet exposé n’a plus de traits visiblement caractéristiques de son appartenance aux arts dits « visuels ». Il propose de voir ce moment d’indiscernabilité entre l’art et ce qui n’en est pas, dans le contexte du « monde de l’art » (artworld) défini de façon quelque peu ambiguë comme un monde « divin » à côté d’un monde « terrestre »… S’il existait un monde de l’autre côté du miroir, où des prédicats commenceraient à fonctionner esthétiquement, alors ce monde serait, semble-t-il, celui de l’art. Néanmoins, à ce qu’il paraît, ce déplacement magique est compris selon l’accompagnement théorique du prédicat en question.

8La nouvelle approche que propose Danto pour déterminer le champ des arts est importante à bien des égards. Il suggère notamment, au lieu de se focaliser sur un objet comme tel, d’examiner les conditions de fonctionnement de l’objet à partir d’un point de vue esthétique. Mais comment peut-on voir ces conditions du fonctionnement esthétique ? George Dickie signale une autre possibilité pour définir l’art, selon des conventions institutionnelles, en proposant une procédure de l’appréciation d’un objet en tant qu’œuvre d’art [11]. Goodman, lui, prend ses distances par rapport aux nombreuses discussions sur les solutions pour définir l’art [12], ce qu’il explique dans les termes suivants : « Contrairement à ce que l’on suppose parfois, je ne souscris pas à une théorie ‘institutionnelle’ de l’art. L’institutionnalisation n’est qu’un moyen, parfois surestimé et souvent inefficace, d’implémentation [13]. Ce qui compte, c’est le fonctionnement, plus que toute façon particulière de l’effectuer. La pierre de la plage peut être faite pour fonctionner artistiquement, dès l’instant où on la distingue, là où elle se trouve, en la percevant comme un symbole qui exemplifie certaines formes et d’autres propriétés [14]. » Goodman ne cherche pas à définir l’art : il essaie de voir quand ou dans quelle situation un symbole fonctionne esthétiquement.

9Maintenant, dans quel sens parle-t-il d’« implémentation » et de « fonctionnement » de l’art ? Pour bien le comprendre, il faudrait revenir au clivage entre « regarder » et « voir » ou entre « écouter » et « entendre » : il se passe, entre le premier et le deuxième fait associé au premier ou au deuxième terme, quelque chose de comparable au « saisir » de Wittgenstein, à ceci près que pour Goodman ce passage est compris dans le système du fonctionnement symbolique. Nous pouvons dire que les œuvres d’art fonctionnent seulement quand elles sont activées. Et en effet, une œuvre ne peut pas être « vue » sans que l’implémentation ait eu lieu. Comme il l’explique : « dans l’implémentation, j’inclus tout ce qui permet à une œuvre de fonctionner. Or, une œuvre fonctionne, selon moi, dans la mesure où elle est comprise, où ce qu’elle symbolise et la façon dont elle le symbolise (que ce soit par description, dépiction, exemplification ou expression […] est discerné […]) [15] ». Actuellement, l’implémentation est de première importance pour accéder aux significations de l’art. Qui accomplit ce travail d’activation des symboles et comment l’accomplit-il ? Goodman lui-même écrit sur l’éducation artistique : pour lui, en tant que philosophe du understanding, l’implémentation s’associe à toutes les activités d’éducation artistique, y compris les musées [16]. En même temps, ce qui fascine dans son approche est le fait qu’il ne veut pas que l’on explique l’art sans recourir à ses outils artistiques propres. L’implémentation peut effectivement s’inscrire dans le processus de la réalisation artistique, par exemple quand une projection de diapositives aide à comprendre le dessin [17].

L’implémentation – exemplification

10Certains symboles représentent les qualités définies qu’ils possèdent et auxquelles ils renvoient en même temps [18]. Si la référence dans le cas de la dénotation fonctionne seulement dans un seul sens, si elle indique son objet marqué par l’étiquette correspondante, alors l’exemplification sous-entend, comme l’écrit Goodman, « la sous-relation converse de la dénotation[19] ». Dans le dernier cas, l’objet présente l’échantillon d’une des qualités du symbole analysé. Ainsi la dénotation du symbole rouge se réfère-t-elle à l’objet qu’on peut nommer à partir de ce symbole : le drapeau rouge. L’exemplification est une sous-relation dans le cadre de la dénotation, parce que l’échantillon n’exemplifie pas toutes les étiquettes et que seulement quelques-unes d’entre elles correspondant au cadre de référence. Comme il le déclare, « là où l’exemplification est présente, il nous faut refréner notre habitude de passer immédiatement du symbole à ce qu’il dénote [20]. »

11Dans l’œuvre numérique d’Alexey Buldakov, « Le livre des erreurs », l’artiste russe met côte à côte deux suites d’images. Les deux représentent le même objet, le texte imprimé de Diderot, « L’arbre de connaissance ». Après avoir photographié le texte, l’artiste commence à froisser le papier qui le supporte et continue à prendre les photos de chacun des résultats du froissement. Nous voyons donc sur l’écran, premièrement, le texte en tant que tel ; et, progressivement, les photos du papier déformé, ce qui ne nous empêche pas pour autant, et jusqu’à un moment assez avancé, de lire ce qui y est écrit. L’œuvre de Buldakov est présentée sous format PDF et chaque séquence est formée par des pages en regard, sur lesquelles les photos des textes froissés (à gauche) sont, tout au long de la suite des cadres, accompagnées par une image à droite. Il faudrait ajouter que, sur les premières séquences, il est difficile de remarquer la différence entre les deux pages du document. Seulement, le procédé permettant de produire l’image numérique sur la page droite est tout à fait autre : il s’agit de scans, ce qui fait que la machine fixe le matériau en question et déchiffre le texte afin qu’il soit lisible. Dans ce but du déchiffrement ou du décodage, on utilise d’habitude des programmes qui font que le graphisme des lettres peut être reconnu en tant que mots. Mais le froissement du papier finit par transformer la suite de ces pages de droite, au point que la machine n’arrive plus à décoder le texte. En revanche, sur la photo à gauche on voit le papier froissé, complètement déformé, mais le texte est encore reconnaissable, même si on ne réussit à lire que des bouts de mots. À droite, le texte a perdu son sens ; on y aperçoit de temps en temps des mots reconnaissables, mais souvent la machine ne retient que quelques lettres ou des gribouillis techniques…

12Que s’est-il passé ici ? Disons que Buldakov inclut l’implémentation dans le processus de la réalisation de son œuvre. Les deux pages en regard exemplifient le même texte, en effet, mais ce qui compte, à part sa lisibilité, ce sont les nuances du papier, les nuances du trait, les taches d’encre de l’imprimante. L’exemplification, selon Goodman, fait le lien de renvoi entre un symbole et un autre symbole, donc entre l’image et le texte en image. Mais les relations au sein de cette œuvre sont pensées d’une façon plus sophistiquée. Les deux images renvoient au (ou selon Goodman : dénotent le) même objet, à savoir le texte de Diderot. Cependant, l’artiste invite ces deux symboles à fonctionner en instaurant une chaîne référentielle avec le repli sur soi : chacune des empreintes, outre le fait de dénoter le même texte, se réfère à l’autre en exemplifiant les traits lisibles, et, par conséquent, elle en mobilise toutes les références ou exemplifications. Une erreur de décodage a le sens d’une ouverture : paradoxalement, le cercle des enchaînements référentiels fait ressortir des fautes de sens en échantillons graphiques inattendus, et donc sans repère et sans un lien de dénotation inclus dès le premier moment. Chacun des photo-cadres suivants renvoie au texte, à l’échantillon déformé ou illisible (à côté), à un effet inattendu qui s’est produit antérieurement, etc. La conclusion est simple : une erreur forme une nouvelle connaissance. Mais justement, il faudrait rappeler ici ce que disait Goodman à propos des commentaires textuels dans les musées : il pensait que le musée et d’autres institutions artistiques devraient plutôt appliquer des moyens artistiques pour faire fonctionner une œuvre en tant qu’œuvre. Les relations symboliques dépassent les frontières langagières d’une œuvre d’art ; elles nous aident à faire des liens inattendus et à activer ou à faire fonctionner l’art.

Relations symboliques : l’image et l’écrit se complètent de différentes manières

13Il conviendrait maintenant de dire un mot au sujet du « commentaire », car l’intérêt qu’on porte à cette notion complète l’analyse des « langages de l’art » et des conditions de leur fonctionnement. Le commentaire joue souvent le rôle de médiateur dans le parcours de l’appropriation de ces « langages ». Le lieu de la manifestation du « langage de l’art » paraît double ou ambigu. L’accent est mis souvent soit sur l’image, soit sur le texte : un autre texte, complémentaire, ou une autre image, remplissent une fonction explicative. Le terme général et neutre de Goodman – symbole – a plus de validité en ce sens. En tout cas, la symbolisation s’opère selon un cadre de référence et contribue à évaluer des systèmes symboliques multiples. Autrement dit, quel type de symbole tient le premier rôle et lequel de ces symboles joue le rôle de commentaire ? On verra que le lien n’est pas évident. Le rôle complémentaire du commentaire s’affirme comme une des manières de symboliser au même titre que d’autres symboles rapportés à « l’œuvre ». Ainsi, nous proposons de parler de relations « trans-symboliques », ou relations entre différents types de symboles dans le cadre d’un système. Nous précisons ce que nous entendons par analyse « trans-symbolique ».

tableau im1
Interrelations entre image et texte : Image Texte Image Texte Image Texte Absence d’image Texte

14Cette table met en évidence le fait que la subordination référentielle n’est pas stricte. La diversité des liens de compilation se réalise aussi bien dans les rapports entre images et textes que dans les interrelations des images et des symboles composés de deux formes, verbale et non-verbale. La table n’est pas complète et nous pouvons en effet supposer encore beaucoup d’autres types d’interrelations « image – texte », par exemple « image – image+texte », « image – texte+schème », etc. Nous souhaitons seulement esquisser quelques-uns de ces types, afin d’introduire la notion de « relations trans-symboliques ».

15Les flèches précisent le caractère de la subordination explicative. Premièrement, une image peut être commentée par le texte. Un exemple de cette relation de renvoi peut être celui d’une encyclopédie botanique : le dessin d’une marguerite est accompagné de sa description détaillée. Le commentaire contient alors une référence dénotationnelle : le dessin est dénoté par le nom « marguerite ». En art, on trouve plutôt des interrelations réciproques : une image est dénotée par le texte et, en même temps, elle en exemplifie quelques caractéristiques.

Introduction tautologique : le commentaire dans le cadre de référence du langage de l’art

16Selon Joseph Kosuth, l’absence d’image laisse le champ libre à la tautologie. Ce que l’on regarde sera un commentaire du fait artistique. Son raisonnement commence par l’invocation du « non-dit [21] » : bien qu’il précise d’entrée de jeu qu’il oppose la philosophie traditionnelle à la philosophie analytique qui se préoccupe du « dit », on pourrait supposer que la référence au « non-dit » correspond en réalité à l’invocation du « non-dépeint » par son geste artistique. La négation du « non-dit » et du sens caché et « indicible » trouve un échantillon du geste négatif dans un échantillon du symbole verbal. Quand Kosuth décide d’exposer le « dit », il expose, en toute rigueur, un échantillon du « non-dépeint », l’absence d’une image exemplifiée.

17Le visiteur de l’exposition a tout d’abord devant lui une vue d’ensemble. C’est en s’approchant de la toile (ou du carton) qu’il lit le texte. Il voit du coup qu’il n’y a là aucune image, mais seulement des mots écrits en blanc sur un fond noir et carré [22]. Il est possible d’observer des mots écrits en noir sur un support non spécifique, sur les murs d’une galerie. En tout cas, un transfert du schème métaphorique est engendré par une pré-orientation du regard qui distingue des graphèmes plastiques. Le symbole verbal exemplifie donc le « dit » dans le sens négatif du « dépeint », dont les caractéristiques correspondent au « non-dit », parce qu’elles ne sont pas articulées. Le fonctionnement symbolique s’accomplit ici dans un règne clos : le texte ne se réfère pas aux objets dénotés (l’eau, le carré, le blanc) ; il dénote ses propres propositions hors contexte ; il décrit par le texte et exemplifie un échantillon de la négation (l’absence) de l’image. En accord avec l’instauration de ce règne clos des symboles artistiques, Kosuth compare le langage de l’art à une tautologie : « Les œuvres d’art sont des propositions analytiques […] Une œuvre d’art est une tautologie, en ce sens que c’est une présentation de l’artiste, autrement dit, que celui-ci déclare que cette œuvre d’art-ci est de l’art [23] […] ». Kosuth part donc de la description du discours philosophique et finit par comparer le langage de l’art au discours esthétique. Le langage de l’art remplit ainsi les fonctions du discours esthétique de la définition ou de la « dé-définition » (dans les termes de H. Rosenberg [24]) de l’art.

18La notion de commentaire apparaît dans l’article de Kosuth quand il cite le philosophe A.-J. Ayer : « Si nous continuons à considérer les formes artistiques comme étant le langage de l’art, nous comprendrons alors qu’une œuvre d’art est en quelque sorte une proposition avancée dans le contexte artistique en tant que commentaire sur l’art [25]. » Nous en retenons qu’une œuvre d’art est « en quelque sorte » seulement une proposition. Pour Kosuth, il est important de préciser le caractère auto-définitionnel de l’art.

19Des commentaires artistiques correspondent au fonctionnement de leurs cadres de références artistiques. Selon Kosuth, des relations « trans-symboliques » peuvent trouver leur accomplissement dans des tautologies. Mais une proposition en tant que telle ne doit pas être associée à une œuvre d’art, parce que cette équivalence simplifie et appauvrit la palette des symbolisations au sein des langages de l’art : « En réalité, un caractère atomique, tel qu’un mot d’une seule lettre, est encore une description, tandis qu’une image composée, tel un portait de groupe, est encore une représentation. La différence significative réside dans la relation d’un symbole à d’autres, au sein du système dénotatif [26]. » Bien que des systèmes symboliques présentent l’unité des modes de fonctionnement, on ne doit pas négliger leurs caractéristiques sémantiques et syntaxiques selon les cadres de référence des systèmes. Distinguer dans un système, à première vue verbal, des relations « trans-symboliques », approfondit notre compréhension de l’ensemble de l’œuvre. Même le commentaire verbal de l’artiste, « avancé » dans le contexte de l’œuvre, et toute forme verbale ou non verbale liée de quelque façon que ce soit au commentaire écrit par l’artiste, présentent des niveaux et des chaînes complexes de fonctionnement symbolique.

Ilya Kabakov : relations « trans-symboliques » complexes

20La version russe de l’art conceptuel apparaît un peu plus tard que le courant américain, et les œuvres des artistes russes se distinguent finalement de façon significative de celles de leurs contemporains occidentaux. La différence principale réside en ce que les artistes russes, se considérant comme conceptuels, ne produisent pas de tautologies : leurs œuvres fonctionnent à partir de règnes symboliques surtout ouverts.

21Ilya Kabakov propose dans ce contexte des œuvres caractéristiques de la tendance dite « conceptuelle », de l’École conceptuelle de Moscou. Il est mondialement reconnu à présent, mais comme la plupart des artistes de ce courant, c’est un peu dans la clandestinité qu’il a commencé à élaborer son style. La présence de textes dans son œuvre est liée au rôle accordé au papier dans ses travaux. Le papier est le matériau principal utilisé par les artistes de l’École de Moscou, la plupart d’entre eux travaillant professionnellement dans les métiers du livre. Dans les conditions de la censure culturelle imposée aux arts plastiques pendant la chasse faite au « formalisme », les arts appliqués se sont trouvés hors du champ d’attention de la censure. L’art du livre a une tradition particulière – et forte – en Russie. Les artistes du cercle « Monde de l’Art » accordaient beaucoup d’attention aux œuvres graphiques, pendant que les avant-gardes russes se livraient à beaucoup d’expérimentations avec le livre [27]. Le fondateur de la théorie de l’art du livre est l’artiste Vladimir Favorski [28], qui a influencé de larges cercles d’artistes moscovites. Il voyait dans le livre une œuvre architecturale et considérait l’ensemble du livre comme une construction, non comme un ornement. Dans ce contexte, le papier du volume joue le rôle de l’espace. S’appuyant, dans leur activité, à la fois sur les repères de la théorie de Favorski et sur leur pratique professionnelle dans les métiers du livre, les artistes de l’École conceptuelle de Moscou nourrissaient un grand intérêt pour la composition. Chez eux, chaque page était un « espace » limité par des bords. Favorski apprenait à dessiner des cadres (au sens propre) et demandait à ses disciples de chercher à l’intérieur de ces cadres des lignes « de force », des flux « énergétiques », liant par des diagonales les angles des cadres ou passant par des axes horizontaux et verticaux. Il fallait faire correspondre ces lignes « de force » à une image figurée à l’intérieur du cadre [29].

22Deux points deviennent ainsi importants : d’une part, le rôle du papier et son assimilation à l’espace, d’autre part le rôle du cadre pris au sens strict. Les relations trans-symboliques se définissent selon ces deux particularités. Le premier point est lié à la conception du livre de Favorski, tandis que le second est tributaire de toute la tradition de la technique graphique occidentale, où les bords d’une planche correspondent à ceux d’une gravure, d’une xylographie, d’une eau-forte. La première caractéristique de ces formes de relations trans-symboliques est liée à la blancheur du fond que l’on ne conçoit pas comme une surface privée de toute figuration, mais comme une extension définie de l’espace. Favorski définissait ces caractéristiques par rapport aux bords des cadres, et la « profondeur » au milieu de ces cadres se différenciait donc de la « profondeur » aux bords. (Nous ne développerons pas ici cette différence : premièrement, parce que elle ne revêt pas une importance décisive pour l’analyse de l’œuvre de Kabakov, et secondement parce que cette différence est plutôt liée à la superposition d’une grille de la perspective sur la surface du papier blanc.) Nous avons déjà vu que des types différents d’espace « représentationnel » résultent des effets d’application de différentes géométries. Ainsi, tracer des frontières revient à voir plus précisément les interrelations entre les symboles, à observer la nécessité et la possibilité de leur fonctionnement d’ensemble.

23Le traçage à proprement parler des bords visuels (le cadre au sens propre) permet à Kabakov de visualiser ses chaînes de référence. L’absence de l’image ne cède pas ainsi la place à son substitut, le texte, mais fonctionne sur le mode exemplificationnel. Le cadre au sens propre a ainsi une fonction d’exemplification, au sens que Goodman accorde à ce mot.

Étiquette d’un tableau : relations trans-symboliques

24Une grande partie des travaux de Kabakov est réalisée à partir d’un point de vue imaginé de telle façon que l’on voit le champ du support vidé de son contenu. Néanmoins, l’absence d’image se transforme en une suite de dessins, en l’image d’un objet dont l’absence a été au premier abord une illusion d’optique et conceptuelle provoquée par l’auteur.

25Un des albums de dessins à l’encre et crayons de couleur sur papier est « Dans l’armoire » (1971-1974). Le dessin « Olga verse le thé » est composé d’un cadre graphique complètement coloré à l’encre noire et d’une phrase qui donne le titre du dessin, écrite au crayon brun sur un fond jaune, dans un encadrement en-bas à droite. « Olga verse le thé » est littéralement une étiquette, dans le sens des étiquettes accrochées aux tableaux. Le rôle de ce genre d’étiquettes se clarifie au fil du travail d’analyse du système symbolique d’une œuvre d’art. En réfléchissant sur le fonctionnement de ce type de symboles par rapport aux caractéristiques propres au style pictural de l’artiste, Michel Butor précise : « Il s’agit de ce petit rectangle, cuivre, papier doré ou plexiglas, sur le cadre ou tout proche sur le mur, que je ne puis m’empêcher d’interroger, surtout dès que quelque chose me frappe comme étant nouveau, inconnu, et qui m’apporte au moins deux renseignements fondamentaux : le nom de l’auteur et le titre [30]. » L’étiquette dénote l’auteur et le titre ; et son fonctionnement, visiblement « externe » au tableau, est inclus dans le cadre de référence de son système symbolique. C’est ainsi que nous pouvons confirmer que le cadre de référence d’un tableau, comme de toute autre œuvre d’art, ne doit pas être associé aux caractéristiques des limites visuelles d’un support. L’étiquette avec le nom de l’auteur et le titre de son œuvre sert à classer ce système parmi d’autres et remplit alors une fonction de symbolisation, de la même façon qu’elle indique des propriétés telles que l’épaisseur du trait, le coloris, etc.

26En même temps, l’image fonctionne surtout sur un mode d’exemplification. Par conséquent, l’étiquette qui se trouve détachée du champ du fonctionnement exemplificationnel peut donner des repères classificatoires complémentaires ou plus précis. Comme l’expose Goodman, « l’étiquetage semble jouir d’une liberté que n’a pas l’échantillonnage. Je puis accepter que n’importe quoi dénote des choses rouges, mais je ne puis accepter que n’importe quoi qui n’est pas rouge soit un échantillon de rouge [31]. » Ainsi, le titre d’un tableau n’est pas lié nécessairement à des exemplifications propres au système.

27Dans un petit article intitulé « Sur les titres », l’artiste surréaliste René Magritte remarque que les titres et les tableaux sont liés par l’intermédiaire de significations complémentaires que l’on pourrait supposer : « Les titres des tableaux ne sont pas des explications et les tableaux ne sont pas des illustrations des titres. La relation entre le titre et le tableau est poétique, c’est-à-dire que cette relation ne retient des objets que certaines de leurs caractéristiques habituellement ignorées par la conscience, mais parfois pressenties à l’occasion d’événements extraordinaires que la raison n’est point encore parvenue à élucider [32]. » Évidemment, cette relation « poétique » est surtout caractéristique de l’œuvre de l’artiste Magritte. Pour notre part, nous voulons montrer que l’étiquette de titre ne doit pas doubler le fonctionnement symbolique du tableau, que cette étiquette contribue à former le cadre de référence de son système.

28Nous revenons à Kabakov pour insister sur le fait que le cadre de référence de l’ensemble des ses dessins se construit par l’ajustement de deux cadres narratifs inclus dans un cadre compositionnel commun. Le symbole verbal dénote des objets de son cadre compositionnel et permet de constituer le règne symbolique d’un système de type ouvert. En effet, le domaine du cadre-étiquette du premier dessin sera celui des membres de famille devant la table à manger. Éventuellement, le règne symbolique du dessin sera ouvert pour toute personne se mettant à cette table. L’effet d’un rideau exemplifié par le fond noir donne un échantillon d’un caractère plastique indéfini. Nous avons vu plus haut qu’un échantillon a des caractéristiques beaucoup plus précises qu’une étiquette, parce qu’une étiquette peut fonctionner de différentes façons métaphoriques tandis qu’un échantillon exemplifie l’une de ses propriétés. Mais dans le cas du fond noir ou du rideau obstruant le champ visuel, un échantillon exemplifie surtout cet obstacle à la vision que l’on comprendra dans la suite de dessins comme l’intérieur de l’armoire. Cet échantillon permet d’inclure plusieurs symboles dans la chaîne de référence, tels que des membres de la famille, des voisins, des invités, des objets de la chambre, des actions, etc. L’étiquette « Olga verse le thé » utilise le transfert du schème dans un univers sonore, où tous les bruits ont leurs couleurs : le claquement des portes, des fenêtres, les sons de la rue, les sons de la conversation, l’entrechoquement des tasses et ainsi de suite.

29La construction du système symbolique de Kabakov est coordonnée aux axes supposés par l’introduction de relations trans-symboliques entre les symboles verbaux de cadres-étiquettes et les cadres compositionnels de l’échantillon de l’obstacle à la vision se transformant au fil des dessins. La constitution du cadre de référence n’est possible que par la distinction de sous-cadres « scéniques ». L’artiste propose ainsi l’accès à son cadre de référence par la distinction de sous-éléments constructionnels. Ces éléments sont rassemblés dans une carte.

Cartes : relations trans- et méta-symboliques

30La constitution du cadre de référence est semblable à l’élaboration d’une carte, pour laquelle il est nécessaire de préciser les signes conventionnels et le système de coordonnées. Dans nombre d’œuvres de Kabakov, ce cadre de référence est mis à nu, comme dans son dessin à l’encre et au crayon de couleur sur papier, « L’histoire d’Anne Petrovna [33] », de 1973. Avant que d’être dépeinte, cette « histoire » est ici décrite : le dessin présente littéralement la carte du voyage d’Anne Petrovna sur la côte sud de la Crimée, avec des signes conventionnels (des cercles et des ovales) qui correspondent aux personnages avec lesquels elle communique pendant son trajet. Les noms associés aux signes conventionnels exemplifient certaines caractéristiques des personnages par l’équivalent sonore du symbole verbal. Mis à nu de cette façon, le cadre de référence réduit le fonctionnement exemplificatoire de l’œuvre à son strict minimum.

31La constitution d’un récit est étudiée à l’aide d’une carte où des symboles verbaux dénotent les personnages du règne symbolique qui sont, à leur tour, exemplifiés par des signes conventionnels. Toutes leurs caractéristiques sont alors réduites à leurs positions sur la carte, en même temps que des sonorités correspondant à leurs symboles verbaux exemplifient métaphoriquement quelques qualités de ces personnages que l’on ne peut pas décrire autrement [34].

32Nous pouvons imaginer que la carte d’une narration n’est pas nécessairement associée à une composition d’ordre temporel, certains éléments de la carte correspondant aux caractéristiques spatiales du récit ou à ses propriétés rythmiques. Pour revenir à Goodman : « La classification qui supplante ou subordonne la chronologie ne se réalise pas toujours sur la base de caractères topiques. Parfois, elle se réalise plutôt à partir de qualités expressives ou d’autres qualités esthétiquement appropriées, comme cela se produit dans une pièce de théâtre dont les épisodes sont agencés à la manière d’un jeu de hockey, à partir de propriétés dynamiques et rythmiques, en un ensemble de mouvements comparables à ceux d’une œuvre musicale. En pareil cas, l’histoire devient plus une symphonie qu’une étude [35]. » Nous voyons maintenant que, chez Kabakov, la carte fonctionne de manière classificatoire, ce qui correspond à la fonction du cadre de référence du système symbolique. La carte clarifie les interrelations du système auquel appartiennent les symboles verbaux et plastiques.

33Les relations constructives du système symbolique, que nous appelons des relations « trans-symboliques », sont fondées sur le fonctionnement de la référence tel que Goodman l’expose dans la théorie des Langages de l’art. Il s’opère à travers différents types de symboles, où le symbole plastique peut se spécifier selon ses différences syntaxiques et (ou) sémantiques.

34Pour conclure, disons qu’il existe un grand nombre de voies possibles pour « l’art en fabrication », l’art en cours de réalisation. Se concentrer sur les différences entre ce qui serait de l’art et ce qui n’en serait pas, entre l’artistique et le non-artistique, est bien moins fécond que de se consacrer aux pratiques de symbolisation, par lesquelles un travail de référence propose, à l’art, des lignes constitutives pour réfléchir à l’art-même, frayant du même pas le chemin aux « erreurs » créatives et à l’inattendu qui sont à l’origine des découvertes des mondes.

Notes

  • [1]
    Esthétique?et?connaissance (Pour?changer?de?sujet), traduction et présentation par Roger Pouivet, Éditions de l’Éclat, coll. « tiré à part », 1990, p.31.
  • [2]
    « Quoi qu’on ait à décrire, on est limité par les manières de décrire. À proprement parler, notre univers consiste en ces manières plutôt qu’en un monde ou des mondes ». N. Goodman, Manières?de?faire?des?mondes (Ways?of?Worldmaking), tr. par M.-D. Popelard, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambon, 1992, p.11.
  • [3]
    N. Goodman, Ways?of?Worldmaking, Hackett Publishing Company, 1978.
  • [4]
    Le cadre de référence appartient au système de description (N. Goodman, Manières?de faire?des?mondes, p.10), et il permet de focaliser la recherche, d’ordonner les symboles dans un système symbolique, de chercher à ajuster les symboles, et d’élaborer un système de coordonnées. « Si je veux me renseigner sur le monde, vous pouvez proposer de me raconter comment il est selon un ou plusieurs cadres de référence ; mais si j’insiste pour que vous me racontiez comment est le monde indépendamment de tout cadre, que pourrez-vous me dire alors ? » Ibid.,p.11.
  • [5]
    N. Goodman et C. Elgin, Esthétique?et?connaissance, p.89.
  • [6]
    Je me réfère au titre du premier chapitre du livre L’Art?en?théorie?et?en?action, de Nelson Goodman : « Des histoires dans tous les sens (ou histoire, étude et symphonie) ».
  • [7]
    Il s’agit des boîtes Brillow par Andy Warhol, et de la refléxion d’Arthur Danto sur ce sujet, en 1964.
  • [8]
    A. Danto, « The Artworld », 1964, The Journal of Philosophy, Volume 61, n°19, American Philosophical Association Eastern Division Sixty, First Annual Meeting, p.571-584.
  • [9]
    Il s’agit ainsi d’organiser une vision de l’espace, où les particularités d’un médium s’effacent devant une nécessité d’organiser cet espace : « Il s’agit… d’un plan situé quelques centimètres devant un autre plan, le mur, qui lui est parallèle. La relation qui unit ces deux plans est spécifique, c’est une forme en soi. Tout ce qui se trouve à la surface du tableau, ou qui est représenté légèrement dans le plan du tableau, doit être organisé latéralement. »
    Donald Judd, « De quelques objets spécifiques »/« Art en théorie, 1900-1990 », une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan, 1997, p.893.
  • [10]
    « On peut nommer règne l’agrégat des domaines d’extension des étiquettes dans un schème. Il se compose des objets que le schème explore, à savoir les objets dénotés par l’une au moins des étiquettes alternatives », N. Goodman, Langages?de?l’art, p.243.
  • [11]
    G. Dickie. « Defining Art » (American Philosophical Quarterly, 1969) : Aesthetics :?An Introduction, New York, Pegasus, 1971 ; et Art?and?the?Aesthetic :?An?Institutional Analysis, de 1974.
  • [12]
    Voir J.-P. Cometti (org.), Les?Définitions?de?l’art, Bruxelles, La lettre volée, 2004.
  • [13]
    Pour bien saisir le sens de ce mot, nous remarquons ces deux phrases : « L’implémentation d’une œuvre peut être distinguée de sa réalisation (execution) … La réalisation consiste à produire une œuvre, l’implémentation consiste à la faire fonctionner. » N. Goodman, L’Art?en?théorie?et?en?action, tr. par J.-P. Cometti et R. Pouivet, Éd. de l’Éclat, coll. « tiré à part », 1996, p 54-55.
  • [14]
    Ibid., p.58.
  • [15]
    Ibid., p.55.
  • [16]
    Dans « L’art en action », partie II de L’art?en?théorie?et?en?action, Goodman parle du Projet Zéro, projet éducatif et de recherche sur les stratégies de la politique culturelle à l’Université de Harvard, et de la « mission du musée ».
  • [17]
    « […] Par exemple, la pièce de théâtre multimédia Hockey?Seen. La réalisation des dessins, de la danse et de la musique sont tous des éléments de la réalisation de l’ensemble, même si les dessins n’ont pas été faits dans cette intention. Mais la réalisation de la pièce de théâtre est, elle aussi, un pas vers l’implémentation des dessins. La projection des dessins combinée avec la danse et la musique est une façon de les faire fonctionner – une façon qui, à la différence de certaines autres, incorpore la réalisation d’une autre œuvre. », N. Goodman, L’Art?en?théorie?et?en action, p.57.
  • [18]
    N. Goodman et C. Elgin, Reconceptions?en?philosophie, p. 20 : « Dans une explication strictement nominaliste de l’exemplification, on ne parle plus de propriétés possédées, mais d’étiquettes instanciées. Un symbole exemplifie alors une étiquette qu’il instancie et à laquelle, en même temps, il fait référence. »
  • [19]
    N. Goodman, Langages?de?l’art, p.92. Dans la page précédente, on lit : « Là où il n’existe pas de semblables liens avec le langage, et où symboles et référents sont non verbaux, on peut parfois déterminer ce qui distingue en direction dénotation et exemplification à partir de traits formels. Si un diagramme référentiel est tel que toutes ses flèches soient à un seul sens, l’exemplification en est absente […] ».
  • [20]
    N. Goodman, L’Art?en?théorie?et?en?action, p.47.
  • [21]
    Joseph Kosuth, « Art after philosophy », dans Studio?International, octobre-novembre 1969, traduit en français dans Artpress, n° 1, décembre-janvier 1973, repris dans L’art?conceptuel, une?perspective, catalogue de l’exposition au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, 22 nov. 1989 – 18 févr. 1990, Paris, Paris-Musées, 1989, p. 236 : « La philosophie traditionnelle, presque par définition, s’est préoccupée du non-dit. L’intérêt exclusif de la linguistique analytique du xxe siècle pour le dit correspond à l’affirmation répandue selon laquelle le non-dit est non-dit parce qu’il est indicible. »
  • [22]
    Titled?(Art?as?idea?as?idea), 1967 (« Documentation » pour la réalisation de Titled ; par exemple, définition du mot « Theory », collé sur carton).
  • [23]
    Kosuth, art. cit., p.239.
  • [24]
    H. Rosenberg, La?Dé-définition?de?l’art, tr. par C. Bounay, Éditions Jacqueline Chambon, 1992. L’auteur veut montrer comment les changements des langages de l’art provoquent les changements du discours esthétique, ce dernier se liant à l’expression verbale artistique.
  • [25]
    Kosuth, art. cit., p.239. Il cite A.-J. Ayer, Language,?Truth?and?Logic, New York, Dove, p.78.
  • [26]
    N. Goodman, Langages?de?l’art, p.272.
  • [27]
    Le livre futuriste, les collages, des livres imprimés sur des morceaux de tissu (Rosanova) en présentent les exemples.
  • [28]
    Vladimir Andréiévitch Favorski (1886-1964), graveur, illustrateur de livres, enseigne les arts graphiques aux Svomas de Moscou (Svobodnyié?masterskiyé, ou Ateliers libres) de 1918 à 1920, puis au Vkhoutémas, dont il est le recteur de 1923 à 1925. Son travail, d’une grande rigueur classique (couvertures pour Les?Imaginaires?en?géométrie de Florenski ou Le?Livre?de?Ruth), a marqué l’art soviétique des années vingt. Voir Jean-Claude Marcadé, L’Avant-garde?russe,?1907-1927, Paris, Flammarion, p.429.
  • [29]
    V. Pivovarov, De?l’Amour?entre?mot?et?image, Moscou, 2004, p. 30.
  • [30]
    Michel Butor, Les?Mots?dans?la?peinture, « Les sentiers de la création », Genève, Skira/Paris, Flammarion, 1969, p.10.
  • [31]
    N. Goodman. Langages?de?l’art, p.92.
  • [32]
    R. Magritte, Les?mots?et?les?images, Bruxelles, Labor, 1994, p.80.
  • [33]
    « L’histoire d’Anne Petrovna », catalogue d’exposition chez Dina Verny, Paris, 1985.
  • [34]
    Il y a certaines images-standard qui s’assimilent à des prénoms, à leurs conjonctions avec des noms, etc.
  • [35]
    N. Goodman, L’Art?en?théorie?et?en?action, chapitre « Des histoires dans tous les sens (ou histoire, étude et symphonie) », p.24.