TR 34 ; ISTANBUL

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1 « Istanbul – ville ancienne, ville moderne, ville future, ville de contrastes, marquée par les entrechocs de processus de transformations religieuses, politiques, économiques et sociales. Plus que tout autre métropole, Istanbul symbolise les grands thèmes de notre époque. »

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2 Les images reproduites ici sont des détails prélevés sur des images de la série photographique TR 34 ; ISTANBUL, créée par Maria Sewcz à Istanbul durant la période extrêmement tendue qui s’étend entre la tentative d’un coup d’état en juillet 2016 et le référendum constitutionnel, Hayır–evet (« non-oui »), en avril 2017. Ce travail est le résultat d’une résidence artistique de six mois qui a conduit Maria Sewcz à développer une forme de réflexion photographique apte à répondre aux défis que présente cette ville : l’hybridation intense, la simultanéité de diverses stratifications historiques et l’instabilité radicale de ses structures. La série originale qui en est issue révèle un espace public dont le bouleversement continuel résonne avec la situation politique, plus qu’il ne la représente. Les myriades de processus simultanés de transformation urbaine s’y conjuguent selon un bourdonnement visuel qui reflète la dissonance entre une modernité occidentale et un traditionalisme religieux, entre une spiritualité pluriculturelle et une monoculture de la consommation – sans oublier la hantise du moment présent par un passé et un futur toujours aux aguets.

3 La sélection présentée ici s’entend comme étant le résultat de photographies à l’intérieur de photographies, ou comme une photographie secondaire. Ce processus délibéré donne lieu à une nouvelle série conçue spécialement pour le dossier de ce numéro. Celle-ci privilégie une puissance métonymique et métaphorique des images, qui chasse un regard sans guide de navigation préétabli à travers des coupes vertigineuses. Il serait juste de dire de ce regard qu’il enjambe les multiples strates architecturales, sociales et historiques de l’espace urbain selon la logique presque audible d’un empirisme déchaîné.

4 Nonobstant l’assaut visuel de structures et de dynamiques d’apparence contingentes, déconcertant tout désir de perspective simple, ce regard affranchi du langage sémantique convenu (ein Sehen ohne Vorbild) est néanmoins l’expression d’une grande exigence analytique et formelle. Celle-ci se révèle surtout dans la juxtaposition des images en série, qui nous propulse dans le flux des superpositions du sens et de l’hétérogénéité qui traverse cette ville. Ainsi mobilisé, le regard prend la cadence, se précipite avec vitalité à travers l’étroitesse de cette ville, enjambant les paliers historiques de ses transformations et de ses extensions improvisées toujours plus vertigineuses. Le silence de l’image, et l’inertie de l’instant photographique capturé, s’ouvrent alors à l’énergie brute qui alimente le grincement des plaques tectoniques historiques et culturelles : l’Europe, les Balkans, le Proche et l’Extrême-Orient. La photographie devient alors une surface de résonance du bruit visuel de l’histoire.