La banalité résiliente des catastrophes : d’Après Fukushima de Jean-Luc Nancy

1 – « Résurrection Fukushima »

1 Un an après ce qu’on appelle la « catastrophe de Fukushima » du 11 mars, je me suis rendu dans la ville du même nom. Sortant de la gare principale de Fukushima, qui est aussi ma ville natale, j’ai aperçu un paysage qui restait presque inchangé. Plus précisément, plus vif qu’avant : les bâtiments paraissaient plus neufs, plus modernisés ; il y avait plus de gens qui circulaient dans la rue ; alors que certaines boutiques avaient gardé les rideaux baissés, c’était comme ça depuis longtemps comme dans toutes les villes en province, surtout au Nord-Est de ce pays. Et en regardant à gauche, j’ai découvert, sur le mur d’un bâtiment commercial, une affiche annonçant : « Résurrection Fukushima ».

2 Certes, apparemment, la vie quotidienne a repris à Fukushima. Les habitants retrouvent une vie presque « normale », dans cette ville à 60 kilomètres de la centrale nucléaire, tout en restant exposés à une dose qu’on n’a jamais connue auparavant.

3 Devant cette « quotidienneté » de Fukushima, peut-on encore parler de la « catastrophe » ? En quel sens est-on à même de le faire ? Et qu’en est-il d’un livre consacré à ce sujet, écrit par un philosophe français ? Il s’agit particulièrement de L’Équivalence des catastrophes de Jean-Luc Nancy, sous-titré précisément Après Fukushima[1]. J’ai eu l’occasion de le traduire en japonais avec deux autres essais du philosophe, à savoir De la struction et Vérité de la démocratie[2].

4 Comme le dit Nancy, dès le début de l’ouvrage, les termes qu’il emploie devraient troubler les lecteurs japonais : si le terme « catastrophe » leur rappelle une « fin » ou une « ruine finale », n’est-ce pas exagéré de l’appeler ainsi et surtout de l’associer au nom géographique qui désigne un département suffisamment grand et peuplé de deux millions d’habitants ? Cela ne revient-il pas à privilégier un nom au détriment d’autres départements, non moins endommagés par le tsunami et le tremblement de terre du 11 mars 2011 ?

5 Au contraire, même convaincu que ce rapprochement entre « catastrophe » et « Fukushima » est pertinent, on ne manquerait pas de se poser d’autres types de question, concernant cette fois la portée du terme « équivalence ». Chaque catastrophe n’est-elle pas, par définition, un événement démesuré et singulier ? Dès lors que cette « catastrophe » doit se situer dans le contexte social, politique ou géopolitique propre à « Fukushima », comment serait-il possible de la comparer à d’autres « catastrophes », telles que Hiroshima, Tchernobyl ou encore Auschwitz ?

6 À partir de ces questions, soulevées en effet par certains lecteurs japonais, le présent essai se propose de mesurer les enjeux et la portée de la réflexion de Nancy sur la catastrophe. D’après lui, la « catastrophe » de « Fukushima » ne se réduit ni à un malfonctionnement technologique ni à un facteur imputable à des hommes en charge, mais révèle au fond le système d’équivalence générale qui soutient toute une civilisation – qui ne se limite pas d’autre part à l’interdépendance techno-scientifico-industrielle de notre société contemporaine mais concerne « une mutation de civilisation » qui remonte à « tous les siècles de l’Antiquité méditerranéenne [3] ». Il faut alors se demander sous quelle forme se cristallise un tel système dans le contexte de l’« après Fukushima ». Nous nous référons au discours de l’ingénierie de la sûreté puis de la résilience au Japon, qui montre de façon surprenante des correspondances singulières avec la réflexion de Nancy. Pour ce faire, il faut constater d’abord une pluralité sémantique du terme « catastrophe », pour le comprendre non seulement comme irruption soudaine et tragique mais aussi comme processus concluant et révélateur. Ce qui se révèle par la catastrophe, ce n’est pas simplement, comme on le verra avec Martin Heidegger, des phénomènes angoissants ou anormaux, mais aussi et surtout une condition presque ontologique qui ordonne le fonctionnement normal de la vie quotidienne. Nous examinerons enfin avec Günther Anders ce qui est en cours dans cette « technosphère », qui s’avère finalement semblable à une auto-transformation de l’humain.

2 – Sens de la catastrophe : du renversement au processus révélateur

7 Examinons brièvement ce que le terme « catastrophe » a désigné dans le lexique européen.

8 On sait qu’il s’enracine dans le vocabulaire du théâtre. Dans la tragédie grecque, rappelle Jean-Luc Nancy au début de L’Équivalence des catastrophes, « le dénouement de la tragédie grecque dans la katastrophè portait le drame en même temps à son extrémité et à sa résolution [4] ». Toutefois, on peut souligner aussi le fait que, à la lumière d’une certaine interprétation étymologique, une telle compréhension – à savoir la catastrophe comme une fin tragique –, était plutôt secondaire. Alors qu’on ne trouve pas le mot « katastrophè » dans la Poétique d’Aristote, on s’aperçoit sans difficulté que ce texte classique du théâtre grec confère un rôle considérable à l’effet de « renversement » dans la tragédie. Mais il s’agit de peripeteia et non de katastrophè. C’est plutôt le « dénouement (lysis) » qui se laisse rapprocher de ce qu’on appelle actuellement catastrophe : « J’appelle dénouement tout ce qui est depuis l’endroit, où ce changement (metabasis) a commencé jusqu’à la fin [5]. » Lorsque les auteurs latins développent la théorie du théâtre à partir des Grecs, le terme « catastrophe » se voit thématiser de plus en plus au sens du dénouement aristotélicien, mais de façon tout à fait intéressante. Selon Evantius, la « catastrophe » est la dernière des quatre phases qui constituent une pièce de théâtre et peut se définir comme « conversion » qui peut conduire à une « heureuse solution » : « catastrophe : conuersio rerum ad iucundos exitus patefacta cunctis cognitone gestorum[6] ». Prenant l’exemple d’Œdipe, on pourrait dire que ce n’est pas la fin tragique comme telle qui est catastrophique, mais un processus constitué d’une série d’événements, à savoir la révélation de la vérité, la suicide de la mère, et le départ d’Œdipe aveuglé…, autant d’actes qui aboutissent finalement à une certaine solution [7]. Dans cette perspective, la « catastrophe » désigne toute la partie concluante d’une pièce de théâtre ; elle peut déboucher même sur une « fin heureuse » comme le dit Evantius. Cette conception se conserve jusqu’à la première moitié du XVIIIe siècle : Furetière reprendra la même idée en disant que la « catastrophe » est « le principal changement, ou la révolution heureuse, ou malheureuse qui se fait dans un Poëme dramatique, et qui le termine ordinairement ». Si la plupart des « catastrophes » sont tragiques, c’est simplement « parce que d’ordinaire les actions qu’on représente dans les Poëmes dramatiques sérieux sont sanglantes, et funestes [8] ».

9 On a dû attendre, comme on le sait, le XVIIIe siècle pour que le mot « catastrophe » vienne s’appliquer aux phénomènes naturels ; il va sans dire que le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 a fait naître une conscience moderne de la catastrophe. Au lieu d’entrer dans les détails de la transformation historique tout à fait significative de ce terme [9], nous nous limitons à en dégager deux éléments qui sont importants pour notre propos.

10 En premier lieu, comme on l’a vu, le mot « catastrophe » ne signifie pas nécessairement un point final renversant, mais plutôt toute une partie concluante qui mène à une fin, qu’elle soit tragique ou non. En deuxième lieu, il ne désigne pas tant un événement dévastateur comme tel qu’un processus de « révélation » ou de « reconnaissance » (anagnorisis, selon Aristote), processus dans lequel l’intrigue, jusqu’alors occultée et inaperçue, se manifeste aux yeux des spectateurs.

11 S’il en est ainsi, il nous faudra nous interroger sur ce que la « catastrophe » de « Fukushima » a révélé, sans pour autant s’en tenir au problème de la diffusion ou de la contamination de la radioactivité ou à la structure industrie-politique-scientifique de l’administration du nucléaire typique au Japon. À ce sujet, comme on le verra tout de suite, un examen du discours de l’ingénierie japonaise concernant les « problèmes de la sûreté » liés à l’utilisation industrielle de l’énergie nucléaire, nous donne des pistes.

3 – Du « facteur humain » à la « résilience » : métamorphose du discours de l’ingénierie japonaise

12 Cette compréhension de la « catastrophe » non comme une « fin » tragique mais comme un renversement révélateur qui déclenche une phase concluante, nous permet de mieux comprendre, à mon sens, ce que Jean-Luc Nancy appelle l’« équivalence générale » des catastrophes.

13 Selon lui, la catastrophe de Fukushima a ceci d’« exemplaire » qu’elle fait apparaître une interconnexion ou une interdépendance de plusieurs facteurs qui forment ensemble un système des équivalences générales :

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Un séisme et le tsunami qu’il engendre deviennent catastrophe technique, qui devient elle-même séisme social, économique, politique et enfin philosophique, en même temps que cette série s’entrecroise ou s’enlace avec les séries des catastrophes financières, de leurs effets sur l’Europe en particulier et des contrecoups de ces effets sur l’ensemble des rapports mondiaux[10].

15 Il est vrai que la conception nancyenne de la catastrophe comme équivalence générale peut bien apporter une explication philosophique à ce qu’on appelle aujourd’hui catastrophes complexes ou pluridimensionnelles : un élément, qu’il soit naturel, humain, social, économique, politique ou technique, peut déclencher un processus catastrophique, étant donné que tous les éléments sont pris dans « l’ensemble des rapports mondiaux », constitué au fond comme un système des équivalences générales. Toutefois, elle ne met pas seulement en lumière le système d’interdépendances généralisées saisi au niveau plutôt statique. La compréhension de la catastrophe comme processus révélateur, telle que nous l’avons vue plus haut, nous incite à la saisir au niveau surtout diachronique ou dynamique. En d’autres termes, elle fait apparaître en retour le contexte lui-même dans lequel elle s’est inscrite. Pour reprendre une expression d’Adorno, qui reste inaperçue à l’ombre de la phrase célèbre qu’on lui impute, il s’agit de saisir dans un moment d’« après » Fukushima la situation dans laquelle Fukushima « était possible[11] ».

16 Or ce contexte se trouve manifestement dans le domaine strictement lié à l’ingénierie de la sûreté concernant la gestion des risques et des catastrophes. Par exemple, le tableau cité, intitulé « Évolution des problèmes de la sûreté », nous aide à comprendre, de façon exemplaire, la manière dont l’amplification indéfinie d’un enchevêtrement des moyens et des fins au niveau technologique, telle que Nancy la conceptualise dans son texte sur l’équivalence générale, procède de fait du développement effectif de plusieurs « catastrophes » contemporaines entre elles.

Tableau

Évolution des problèmes de la sûreté

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Évolution des problèmes de la sûreté

17 Ce tableau est tiré d’un livre édité par un groupe de recherche attaché à l’Association japonaise de l’énergie nucléaire (Nihon Gensiryoku Gakkai), « Groupe Humain-Machine-Système ». Intitulé Dix principes des facteurs humains : connaissances et méthodes de base pour prévenir les erreurs humaines (publié en 2008), ce livre retrace chronologiquement l’évolution des mesures de sûreté prises par rapport aux accidents liés à l’utilisation industrielle de l’énergie nucléaire. Et le tableau montre clairement comment ces accidents se développent au fur et à mesure de l’accroissement de la complexité des systèmes.

18 Or ce schème en tant que tel n’est pas la création des auteurs du livre ; il ne résulte pas non plus exclusivement des recherches sur les désastres nucléaires. Il se fonde sur l’idée ergonomique d’une gestion des risques et des erreurs industrielles concernant toutes sortes d’usages humains de la technique et il est partagé par plusieurs disciplines – technologie médicale, production des appareils électroniques, industrie aérienne, etc. [12]

19 La première époque, « époque de la technique », correspond à la période de la Révolution industrielle, du XIXe siècle aux premières années du XXe siècle, où la cause d’un accident était cherchée dans la technique elle-même, par exemple dans les détraquements ou les défauts d’une machine. La deuxième, celle de l’« erreur humaine », dure jusqu’à l’accident de Three Miles Islands (TMI-2) de 1979. À cette étape, le facteur d’un accident ne se cherche plus dans la technique mais dans l’homme : même si la machine fonctionne normalement, un comportement des hommes qui la manipulent peut devenir un « facteur » de désastre grave, au cas où, intégrés dans le système technologique, ils se comportent de façon inadéquate ou déviée par rapport à la norme. Dans la troisième étape, l’évaluation de risque ne concerne pas seulement des facteurs indépendants, qu’ils soient techniques ou humains, mais la formation d’une société elle-même : c’est ainsi qu’on a imputé la cause de Tchernobyl à la bureaucratie communiste qui dirigeait la société soviétique. Vient enfin la quatrième période, celle qui se constitue comme interdépendance de plusieurs systèmes, qui s’enlacent de plus en plus au fur et à mesure de l’accélération de la mondialisation (JCO se réfère à un grave accident de criticité qui a eu lieu en 1999 dans l’usine nucléaire de Tōkai du Japan nuclear fuel Conversion Office, tandis que JR (Japan Railway) à un accident ferroviaire d’Amagasaki en 2005 avec 107 morts).

20 Ainsi, l’ingénierie de la sûreté construit une théorie selon laquelle il faut accorder une grande importance à la gestion (management) au sens de prévision et de prévention tout en tirant les leçons des erreurs et des accidents passés, afin de maîtriser la sûreté d’un système entier ; et dès lors que l’échelle de ces erreurs s’élève au fur et à mesure du développement de ce système, la gestion doit s’amplifier elle-même (d’où « l’évolution des problèmes de la sûreté »). Les auteurs affirment qu’on « vise à une amélioration de la sûreté, de la confiance et de l’efficacité du système, y compris les hommes, en tirant parti de leurs avantages et en recouvrant de façon adéquate leurs traits négatifs », pour faire en sorte que « la totalité du système social puisse déployer ses propres performances [13] ».

21 Quant au tableau cité, qui est tiré d’un ouvrage de 2008, il ne serait pas interdit d’y trouver une sorte de concrétisation, par l’ingénierie contemporaine, de l’idée de l’équivalence générale telle que Nancy l’entend. Mais en même temps, on peut imaginer sans difficulté que s’y ajoutera une nouvelle étape qui marque l’« après Fukushima », en exigeant une nouvelle norme de « sûreté ». Dès lors, si l’« après » d’« après Fukushima » ne se réfère pas tant à une rupture plus ou moins renversante qu’à un certain processus qui révèlerait son sens jusqu’alors caché, il faut s’interroger sur la manière dont celui-ci se manifeste dans le discours dominant au Japon après 2011.

22 Le mot clef de l’ingénierie japonaise d’après le 11 mars est « résilience ». On s’en sert avec plusieurs sens : les physiciens l’utilisent au sens de l’élasticité ou la flexibilité surtout dans le domaine de l’énergie cinétique ; en psychologie, il signifie la capacité de se reconstituer en surmontant les chocs traumatiques ; et il est employé aussi dans le champ de l’ingénierie de la sûreté, et c’est là qu’il joue un rôle considérable, surtout depuis le 11 mars 2011, allant jusqu’à constituer un « nouveau paradigme ». « L’ingénierie de résilience, dit en effet un expert japonais en 2011, constitue un nouveau paradigme ergonomique qui évalue la résilience des individus ou des organisations pour en proposer des mesures d’amélioration [14] ». Ne s’étant plus contentée de dégager les facteurs et les causes d’un accident en vue de la prévention, la « technologie de résilience » a ceci d’original qu’elle préconise une réaction plus réceptive et flexible, qui consiste à bien s’adapter à la situation, y compris à une situation désastreuse voire imprévisible [15]. À l’encontre de l’opinion plus ou moins répandue selon laquelle le « 11 mars » aurait révélé la limite des méthodes de l’ingénierie de sûreté qui s’était focalisée sur l’évaluation et l’analyse prévisionnelles et préventives des risques, l’ingénierie de résilience se montre capable de la remplacer : en juin 2011, dans un discours intitulé « la leçon à tirer de l’accident de Fukushima », Masaharu Kitamura, un autre expert en ce domaine, a mis en avant la nécessité de se débarrasser d’une « étude d’après coup qui se fonde sur une perspective myope et rétrospective » et de chercher la possibilité de s’adapter de façon adéquate aux conditions [16]. » Autrement dit, la société d’une part, et, de l’autre, les individus qui y vivent, devraient disposer d’une telle « capacité de restitution » et d’une telle « flexibilité » pour surmonter –c’est-à-dire recevoir et non éviter – les chocs incertains pour reconstruire un système.

23 Ajoutons que c’est dans ce contexte que l’École doctorale de l’ingénierie de l’Université de Tokyo a établi un « groupe de travail (working group) urgent pour une vision d’une nouvelle ingénierie ». Ce dernier a publié un manifeste intitulé Que vise l’ingénierie après le désastre ?, dans lequel se lit une proposition de l’« invention de l’ingénierie de résilience ». Selon ce livre, « les ingénieries ont consisté, jusqu’à présent, à ‘‘ne pas penser l’imprévisible’’, tandis que la nouvelle ingénierie de résilience consiste, quant à elle, à ‘‘s’arranger pour pouvoir faire quelque chose même s’il arrive un fait imprévisible’’ [17] ». En se fondant sur cette proposition, la même École doctorale instaure en mai 2013 le Centre de recherches de l’ingénierie de résilience. Non pas prévenir l’imprévisible, mais devenir susceptible de s’adapter à l’imprévisible, telle est donc la nouvelle norme de l’Ère de résilience, prenant le relais du paradigme des risques.

24 Prenant le relais, parce qu’il y a une continuité certaine qui relie l’avant et l’après. Dans la conférence principale pour le colloque d’ouverture de ce même Centre, organisé le 20 mai 2013, le directeur, Kazuo Furuta, montre un tableau tout à fait similaire à celui cité plus haut. Une seule différence se trouve dans la quatrième étape : marquée auparavant « Ère de la relation de plusieurs organisations », elle change de nom pour devenir « Ère de la résilience » ; la facteur d’accident qui la caractérise est désormais « la fragilité par rapport à l’événement imprévisible ». Selon lui, la « résilience » est « un concept qui comprend non seulement les réactions à des accidents naturels, des erreurs, ou des attentats terroristes mais aussi la capacité d’adaptation à des changements moins sévères » et exige une « capacité de la société qui devient, à travers une force d’auto-réorganisation, plus robuste, plus prudente que celle qui ne s’était pas encore exposée à ce changement [18] ». C’est donc une telle perspective qui soutient le discours scientifique japonais à l’époque après Fukushima ; le terme « résilience » y devient une notion clé dans plusieurs domaines de recherche [19].

25 On ne saurait nier les bénéfices effectifs qu’a permis le résultat des recherches dans ces domaines. Et cependant, il n’en est pas moins possible d’y apercevoir une évolution significative de ce que Jean-Luc Nancy appelle un « paradigme constructif » [20], paradigme dirigé par la « pensée du mieux », pour reprendre les termes de L’Équivalence des catastrophes, qui tente de « refaire ou faire un monde et un homme meilleurs [21] ». En effet, la conception nancyenne des catastrophes comme équivalences générales nous donne à penser que la quête indéfinie de la « sûreté » et l’amélioration des dispositifs gestionnaires produisent, à travers la reconstruction et le renforcement de ce même système des équivalences, un état à la fois plus sûr et plus vulnérable, ou bien vulnérable puisque sûr. Car la « sûreté » en question ne désigne plus simplement un état à l’abri des risques mais une condition assez « résiliente » ou flexible pour pouvoir surmonter, en les récupérant et en se les appropriant, les risques développés. Pour que le fonctionnement « normal » de la société soit assuré, il faut que, exposée à des chocs de plus en plus développés, elle puisse s’y adapter et, plus précisément, devenir capable de les contenir en se transformant ou s’auto-réorganisant en un entité dotée de plus d’endurance et de robustesse. En tout cas, un discours qui prétend expliquer que produire de l’électricité par un vélo ou une centrale nucléaire aurait un même mécanisme [22], serait d’autant plus dangereux qu’il ne tient pas compte du « développement des problèmes de la sûreté ».

26 On pourra bien comprendre un tel état de choses avec ce terme apparemment contradictoire « banalité des catastrophes », dont nous tâcherons de saisir dans ce qui suit certains des enjeux, en nous référant à l’idée heideggérienne de l’étrangeté de la société où « tout fonctionne ». Mais sa portée ne se limitera pas simplement à une « normalisation » des catastrophes, en ce sens que celles-ci constituent une « situation durable, voire interminable » dans laquelle nous vivons [23]. L’un de ses enjeux les plus cruciaux consiste, nous semble-t-il, en ce qu’elle nous incite à nous demander si ces dispositifs n’entament pas ce qu’on peut appeler un processus de « transformation de l’humain ». Nous consulterons à ce sujet la pensée de Günter Anders pour la rapprocher de celle de Nancy sur la « struction ».

4 – L’étrangeté de « tout fonctionne » et la transformation de l’humain

27 Les enjeux de l’argument que développe Martin Heidegger dans sa conférence de 1956 « Le principe de raison » ne semblent pas encore être épuisés. Soulignant justement l’« existence de l’homme marquée par l’énergie atomique [24] », ce texte nous donne d’abord des pistes pour penser en profondeur ce qu’on appelle la banalité des catastrophes.

28 L’une de ces pistes est déjà donnée dans le célèbre entretien qu’il a eu avec Der Spiegel :

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S. : On pourrait cependant vous opposer tout à fait naïvement ceci : qu’est-ce qu’il s’agit de maîtriser ici ? Car enfin tout fonctionne. On construit toujours davantage de centrales électriques. La production va son train. Les hommes dans la partie du monde où la technique connaît un haut développement ont leurs besoins bien pourvus. Nous vivons dans l’aisance. Qu’est-ce qu’il manque ici finalement ?
H. : Tout fonctionne. C’est bien cela l’inquiétant, que ça fonctionne, et que le fonctionnement entraîne toujours un nouveau fonctionnement, et que la technique arrache toujours davantage l’homme à la terre, l’en déracine. […] Nous n’avons plus besoin de bombe atomique, le déracinement de l’homme est déjà là. Nous ne vivons plus que des conditions purement techniques[25].

30 Pour notre propos, nous nous intéressons moins au problème du déracinement de l’homme à l’époque de la technologie moderne qu’à celui de l’inquiétude face à la société industrielle où « tout fonctionne ». À ce sujet, la remarque de S. Zizek nous paraît tout à fait pertinente :

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the « normal » run of our societies is continually threatened by catastrophes, from war and terror to ecological outbreaks, so that while one should fight these ontic catastrophes, one should simultaneously bear in mind that the ultimate catastrophe is the very « normal » run of the « administered world » in the absence of any ontic catastrophe[26].

32 En se référant à l’entretien avec Der Spiegel, Zizek établit une distinction nette entre la « catastrophe ontique » et la « catastrophe ontologique ». Celle-là désigne des accidents concrets ou empiriques qu’on éprouve parfois sous telle ou telle forme, tandis que celle-ci est à chercher dans l’état « normal » de la société. De ce point de vue, les « anormaux » produits par tel ou tel accident qui créeraient éventuellement une rupture grave dans un cours ordinaire de la vie seraient « inauthentiques » en quelque sorte : l’« anormal » ou l’« étrangeté » authentique se trouve au contraire dans le fonctionnement « normal » du monde.

33 Dirigée par la question de savoir ce que veut dire « qu’un âge de l’histoire mondiale soit marqué par l’énergie atomique et par sa libération », la réflexion de Heidegger, développée dans Le Principe de raison, rend explicite les fondements conceptuels de cette saisie de l’étrangeté de la société « normale ». Dans cette conférence de 1956, qui s’est tenue donc seulement trois ans après le discours d’Eisenhower sur « Atoms for peace », Heidegger a déjà tenté de discerner le problème qui préside à la distinction, disons « ontique », de l’utilisation de l’énergie nucléaire : « Que l’énergie atomique serve à des usages pacifiques ou qu’elle soit mobilisée pour des fins guerrières, qu’une utilisation soutienne l’autre et l’appelle, ces questions demeurent secondaires [27] ». D’après Heidegger, l’ère atomique s’avère être celle qui est « régie par la puissance de cet appel qui […] menace de nous dominer complètement [28] ». Cet appel s’adresse aux hommes à travers la « science » moderne. Il s’agit d’une « science » dans la mesure où « la science doit fournir l’assurance que l’énergie atomique peut être utilisée, et tout d’abord calculée, et cette assurance doit être telle qu’à son tour elle rende constamment nécessaire la mise en place de nouvelles assurances [29] ». Il va sans dire que l’exploitation de l’énergie nucléaire exige une accumulation des savoirs : physique des réacteurs nucléaires, ingénierie de la fusion nucléaire, gestion de combustibles, de déchets radioactifs, hydraulique thermale, ou ingénierie radiologique etc. ; il faut aussi que, face à la mondialisation des risques, les dispositions juridiques et administratives en vue de l’assurance puissent être développées d’un niveau local –« communication des risques » avec les habitants, par exemple– à un niveau international. En disant que « le fonctionnement entraîne toujours un nouveau fonctionnement », Heidegger aurait prévu que l’utilisation de l’énergie nucléaire engendrerait une série de dispositifs formant un système d’interdépendance généralisée.

34 Dans tous les cas, la réponse à la question sur le sens de la détermination d’« un âge de l’histoire mondiale » comme l’ère atomique est tout à fait claire : selon Heidegger, « Ère atomique veut dire règne du matérialisme [30] ».

35 Ici « matérialisme » ne fait pas allusion au courant marxiste de la pensée européenne à cette époque, ni à l’Union Soviétique, dont la présence, élargie surtout à la suite du succès des essais nucléaires, avait pour effet d’inciter les Américains à tenir un discours sur l’utilisation pacifique du nucléaire ; il s’agit plutôt d’une modalité de pensée qui détermine les étants comme « matériels » ou « matières ». Ce qui a été déjà formulé dans Lettres sur l’humanisme : « l’essence du matérialisme consiste dans une détermination métaphysique selon laquelle tout étant apparaît comme la matière d’un travail [31] ».

36 Cela dit, il est à noter que, aussi paradoxal qu’il paraisse, Heidegger s’intéresse dans Le Principe de raison plus à la « forme » qu’au matériel ou à la matière. « Car, dit-il, le matérialisme n’a absolument rien de matériel. Il est lui-même une forme de l’esprit. […] le matérialisme est la forme de l’esprit plus menaçante [32] ». Et il va jusqu’à dire que cette ère du matérialisme est aussi celle de l’« in-formation » : « l’information, en tant que transmission de nouvelles, est donc aussi le dispositif qui donne à l’homme, à tous les objets et à tous les fonds (Bestände), une forme telle qu’elle suffise à assurer la domination de l’homme sur la terre entière et même au-delà de la terre [33] ». Par l’information, l’homme se trouve ainsi jeté dans un état d’abyme : d’un côté il se dote d’une force capable de dominer la nature en lui procurant une « forme », mais, de l’autre, il n’a jamais la maîtrise totale, la « forme » s’appliquant à cet homme lui-même. Dès lors, si l’ère du matérialisme peut être aussi celle de l’in(-)formation, n’est-ce pas que l’homme s’in-forme comme la matière d’un travail, n’étant plus la « fin » qu’on vise mais un moyen qu’on sert pour une fin quelconque ? Il ne s’agira pas simplement d’une réification ou d’une mécanisation de l’être humain, mais plutôt d’une transformation de la « forme (eidos) » de l’humain en « matière ».

37 C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre une référence soudaine et assez étrange, puisque rare, faite par le philosophe, au cours de la même conférence, à un article de Max Lerner. En effet, elle peut être considérée comme celle qui est à même de renforcer la thèse de Heidegger sur l’époque atomique en tant qu’époque à la fois du « matérialisme » et de l’« information ». Journaliste américain, né en 1902 en Russie et immigré aux États-Unis dès son enfance, Max Lerner est connu comme l’auteur d’un livre L’Amérique comme une civilisation : vie et pensée aux États-Unis contemporains[34]. Heidegger cite certaines phrases de la version allemande de « La grande technologie et un technicien neutre », article écrit en 1952 qui fera partie du même livre [35]. Alors que l’auteur fait référence à la fin de son article à des scientifiques américains qui se sentent « responsables » du lancement des bombes atomiques, l’attention de Heidegger ne s’est pas tant concentrée sur ce point que sur l’argument général de l’article. L’auteur y mentionne les traits constituant ce qu’il appelle « Big Technology » : l’évolution ou innovation de la technologie dans la situation d’une sorte de « révolution permanente », l’automatisation et la mécanisation de façon fordiste, le principe de gestion qui régit le processus de production, la transformation du savoir sur la technique en « savoir-faire » technologique, et enfin l’utilisation de l’énergie atomique ; voilà ce qui détermine, selon Lerner, la mentalité et surtout la modalité d’être des Américains. La société de « Big Technology » entraîne ainsi toujours davantage une sûreté plus assurée ; c’est le dispositif général qui permet le « tout fonctionne », en soutenant et en accélérant les interconnections des facteurs de l’équivalence générale, et en produisant en même temps une nouvelle modalité des êtres humains sous forme de matière.

38 La transformation de l’humain au cours de la banalisation des catastrophes – ce thème qu’on peut dégager de la réflexion de Nancy et celle de Heidegger– peut être mieux saisie en consultant un autre auteur auquel Nancy se réfère suffisamment dans son ouvrage : Günther Anders. Penseur des catastrophes qui ont marqué le XXe siècle – Auschwitz, Hiroshima et Nagasaki jusqu’à Tchernobyl –, ce dernier n’a cessé d’apporter des réflexions sur la condition de l’homme à l’époque où le développement de la société industrielle a élargi en même temps l’échelle des « catastrophes » et a permis ainsi une métamorphose de la modalité d’être humain. Le premier tome de L’Obsolescence de l’homme, publié en 1955, contient non seulement sa remarquable analyse sur « la bombe et les causes de notre aveuglement face à l’apocalypse » mais témoigne aussi d’une attention pénétrante à un discipline récemment apparue, à savoir le human engineering. Dans un texte de 1954, intitulé « Sur la honte prométhéenne », il écrit :

39

Le « human engineer » ne veut donc pas savoir ce qu’est sa nature physique, mais jusqu’à quel point elle peut subsister (sans atteindre son point de rupture). Il ne veut pas savoir comment elle s’est transformée, mais à quelles conditions extrêmes elle peut se « conformer » ; il ne veut pas non plus savoir quelles sont ses limites, mais lesquelles pourraient encore être reculées. Il ne s’intéresse aux situations physiques limites, construites artificiellement, que dans le but de les dépasser. […] Tel un pionnier, il repousse ses frontières toujours plus loin ; il s’éloigne toujours davantage de lui-même ; il se « transcende » toujours plus – et s’il ne se transporte pas dans la région du surnaturel, il change néanmoins, puisqu’il repousse les limites innées de sa nature vers le royaume de l’hybride et de l’artificiel[36].

40 Günther Anders met ainsi en lumière de façon surprenante des correspondances qui peuvent relier la visée de l’ingénierie nouvellement apparue, la vision heideggérienne de la matérialisation-in(-)formation de l’humain et ce que Jean-Luc Nancy nomme « struction ». D’après Anders, si les hommes se transforment en « hybrides » ou « artificiels », le problème n’est pas de savoir quelle est la « nature » de ce nouvel être transformé. Il ne s’agit pas d’en déterminer ou dé-limiter l’essence à travers la technologie d’ingénierie mais de transformer cette essence même en un processus de dépassement de ses propres limites. En ce sens, la transformation de l’humain peut être considérée à la fois comme in-formation au sens heideggérien du terme et comme auto-transcendance. Car le soi n’est plus simplement le sujet de l’acte de transcender mais aussi son objet, matériel pour cette auto-transformation.

41 On s’aperçoit que c’est ce double processus que Nancy observe à la fin de son article « De la struction » :

42

Nous ne sommes pas seulement les vivants techniciens perplexes devant le déploiement de leur art ou de leur savoir-faire, nous ne sommes pas seulement débordés et déconcertés par cette mise en jeu et en question de toutes les formes et allures du sens, mais nous sommes déjà pris nous-mêmes dans cette transformation. Nous nous insérons dans une technosphère qui est notre développement.
(p. 103)

43 « Nous sommes déjà pris nous-mêmes dans cette transformation » des « formes et allures du sens » de nous-mêmes, inscrits dans une « technosphère » dans laquelle « nous » ne sommes plus les « vivants techniciens ». Cette sphère n’est pas une scène sur laquelle nous changerons de rôle mais s’identifie avec « notre développement » parce qu’elle est constituée elle-même comme un processus d’auto-transformation des matières que nous sommes : il s’agit, en d’autres termes, de ce que Nancy appelle dans un autre texte « arborescences autogénérées et autocomplexifées – ou auto-embrouillées, auto-obscurcies [37] ».

44 « L’homme passe infiniment l’homme » (Pensée, B. 434) : cette phrase de Pascal, que Nancy cite dans Vérité de la démocratie[38] en la rapportant à la remise en cause de la notion de « sujet » en démocratie, aurait pu être attachée à la pensée d’Anders sur l’humain à l’époque du human engineering, à savoir l’humain qui « se ‘‘transcende’’ toujours plus ». Mais la destination de ce dépassement ne se trouve plus sur le plan surnaturel ; il est même probable qu’il ne s’oriente vers aucune « fin », étant donné que l’équivalence générale interdit toute distinction des moyens et des fins. « Nous sommes déjà pris nous-mêmes dans cette transformation », à savoir dans ce processus même de la « prolifération erratique [des] finalités infinissables [39] » : la référence de Nancy au terme derridien de « destinerrance » dans son article sur la struction peut être bien saisie dans cette perspective. Tout en se transcendant « toujours plus », on reste à l’état d’« errance », sans aucun destin préfiguré ou figurable.

45 Or, dans la perspective andersienne, l’effet de cette « destinerrance » peut se produire à travers le phénomène de « honte prométhéenne ». C’est une honte « devant l’humiliante qualité des choses qu’il [l’homme] a lui-même fabriquées [40] », mais il ne s’agit aucunement de la honte qu’on éprouve en vue de la mécanisation ou chosification de l’être humain. L’homme a la honte de « ne pas être une chose [41] ». C’est-à-dire qu’il a la honte puisqu’il ne peut pas suffisamment se mécaniser, à savoir qu’il reste encore trop humain en raison de ses spécificités propres à l’être humain. C’est ainsi que l’« ouvrier doit, écrit Anders, s’efforcer, avec la plus grande concentration, de travailler à la même cadence et au même rythme que la machine s’il veut travailler sans effort ; qu’on exige de lui qu’il mette en œuvre un automatisme tout en exerçant sur lui-même un contrôle strict ; qu’il doit se concentrer pour ne pas être-lui-même [42] » et c’est pourquoi il doit « repousse[r] les limites innées de sa nature vers le royaume de l’hybride et de l’artificiel ». Or, s’il en est ainsi, la capacité requise à un tel être ne consisterait-elle pas tant à conserver les caractères proprement « humains », qu’à endurer cet état erratique d’auto-transcendance et d’auto-transformation, c’est-à-dire de rester résilient en s’appropriant les stimulations indéfinies et imprévisibles, pour bien s’adapter aux nouvelles normes exigées dans cette « technosphère » ?

46 Hautement développée du point de vue de l’ingénierie de la sûreté, qui s’efforce d’assurer le fonctionnement normal de la vie « quotidienne », une telle « technosphère » peut montrer à un moment donné certaines de ces ruptures ; certainement, il sera presque impossible de prévenir ou prophétiser où et quand elle arrivera, dans la mesure où, pris dans le régime de l’équivalence générale, tous les agents et tous les facteurs sont désormais devenus interchangeables. Mais il reste tout de même capital de se demander qui (ou ce qui) va naître, ou « ressurgir », à travers ce processus de la banalisation résiliente des catastrophes.

Notes

  • [1]
    Jean-Luc Nancy, L’Équivalence des catastrophes (Après Fukushima), Paris, Éditions Galilée, 2012.
  • [2]
    Jean-Luc Nancy, Après Fukushima. Catastrophes, technique, démocratie [en japonais], textes rassemblés et traduits par Yotetsu Tonaki, Tokyo, Ibunsha, 2012. Outre L’Équivalence des catastrophes (Après Fukushima), nous avons ajouté « De la struction » (in Aurélien Barrau et Jean-Luc Nancy, Dans quels mondes vivons-nous ?, Paris, Éditions Galilée, 2011) et Jean-Luc Nancy, Vérité de la démocratie, Paris, Éditions Galilée, 2008 ainsi que l’entretien introductif, inédit en français, entre Nancy et le traducteur.
  • [3]
    Cf. Jean-Luc Nancy, « Après Fukushima », texte publié en traduction japonaise dans Une philosophie d’après Fukushima, édité par Katsuzo Murakami et International Research Center for Philosophy de l’Université Toyo, Éditions d’Akashi, 2015.
  • [4]
    Jean-Luc Nancy, L’Équivalence des catastrophes, op. cit., p. 20.
  • [5]
    La Poétique, 1455B.
  • [6]
    Evanthius, De fabula, IV, 5.
  • [7]
    Cf. Jean de La Bruyère, Les Caractères de la tragédie, Paris, Académie des Bibliophiles, 1870, p. 95.
  • [8]
    Furetière, Dictionnaire universel, 1725.
  • [9]
    Cf. Anne-Marie Mercier-Faivre et Chantal Thomas, L’Invention de la catastrophe au XVIIIe siècle. Du châtiment divin au désastre naturel, Genève, Éditions Droz, 2008 ; François Walter, Catastrophes. Une histoire culturelle. XVIe-XXIe siècles, Paris, Éditions du Seuil, 2008.
  • [10]
    Jean-Luc Nancy, L’Équivalence des catastrophes, op. cit., p. 56-57.
  • [11]
    Dans un séminaire contemporain de La Dialectique négative, Adorno affirme que le monde « après Auschwitz » est aussi un monde « où Auschwitz a été possible ». Theodor W. Adorno, Metaphysik. Begriff und Probleme, Theodor W. Adorno Nachgelassene Schriften, Bd. 14, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1998, S. 162.
  • [12]
    Cf. A. R. Hale and J. Hovden, « Management and culture : the third age of safety. A review of approaches to organizational aspects of safety, health and environment », in A. M. Feyer and A. Williamson (eds.), Occupational injury : Risk prevention and intervention, London, Taylor & Francis, 1998.
  • [13]
    Groupe de Humain-Machine-Système (ed.), Dix principes des facteurs humains : connaissances et méthodes de base pour prévenir les erreurs humaines [en japonais], Nikkagiren, 2008, p. 13.
  • [14]
    Shigeru Haga, « Des mesures prises à l’imprévisible et l’ingénierie de résilience » [en japonais], Denshi jôhô tsûshin gakkai kenkyu hôkoku, vol. 111, 2011.
  • [15]
    Cf. Erik Hollnagel et al., L’Ingénierie de rélisience. Concept et orientation, traduit par Masaharu Kitamura et al., Nikkagiren, 2012 ; Shigeru HAGA, « L’ingénierie de résilience », in Iryô no sitsu anzen gakkaishi, vol. 7, n°. 3, 2012.
  • [16]
    Masaharu Kitamura, « Leçons de l’accident de Fukushima et le problème de “nucléaire-société” », conférence donnée le 14 juin 2011 au Comité de l’énergie atomique situé au sein du Bureau du cabinet japonais : http://www.aec.go.jp/jicst/NC/iinkai/teirei/siryo2011/siryo21/siryo2.pdf
  • [17]
    Groupe de travail urgent pour une vision d’une nouvelle ingénierie (éd.), Que vise l’ingénierie après le désastre ?, École doctorale des technologies, Université de Tokyo, le 9 mai 2011.
  • [18]
    Kazuo Furuta, « La société résilience que vise l’ingénierie de résilience », colloque d’ouverture du Resilience Engineering Research Center, Université de Tokyo, le 20 mai 2013. Le hand-out en japonais peut se consulter : http://rerc.t.u-tokyo.ac.jp/html/symposium/20130520furuta.pdf.
  • [19]
    Le Conseil scientifique du Japon a pris l’initiative de déposer au Sommet du G8 en mai 2012 une proposition intitulée Bilding Resilience to Disasters of Natural and Technological Origin, puis a organisé en septembre 2014 un colloque pluridisciplinaire consacré à ce thème : « Toward Enhancement of Resilience to Disasters ».
  • [20]
    Aurélien Barrau et Jean-Luc Nancy, Dans quels mondes vivons-nous ?, op. cit., p. 88 : « La construction devient dominante lorsque l’édification d’une part, la confection de l’autre s’industrialisent et s’ingéniérisent, c’est-à-dire mettent en jeu la construction de schèmes opératoires, dynamiques, énergétiques répondant à des fins elles-mêmes inventées et construites selon des visées définies […]. Le paradigme constructif […] rend de plus en plus consubstantiels les fins et les moyens –entraîne une réaction de destruction ».
  • [21]
    Jean-Luc Nancy, L’Équivalence des catastrophes, op. cit., p. 58.
  • [22]
    Cf. Kids report de la production de l’électricité, qu’on trouve dans le web-site de la ville de Wakasa, département de Fukui : http://www.town.fukui-wakasa.lg.jp/genden/how/index.html. Ce département abrite 15 réacteurs nucléaires.
  • [23]
    Voir par exemple l’introduction du numéro entièrement consacré au thème de catastrophe de la revue Critique, n°. 783-784, août-septembre 2012, « Penser la catastrophe ».
  • [24]
    Martin Heidegger, Le Principe de raison, tr. de l’allemand par André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1962, p. 256.
  • [25]
    Martin Heidegger, Réponses et questions sur l’histoire et la politique, tr. de l’allemand par Jean Launay, Éditions du Mercure de France, 1988, p. 45-46.
  • [26]
    Slavoj Zizek, « The (Mis)uses of Catastrophes », Distinktion, n°. 6, 2003.
  • [27]
    Martin Heidegger, Le Principe de raison, op. cit., p. 256.
  • [28]
    Ibid., p. 258.
  • [29]
    Ibid., p. 259.
  • [30]
    Ibid., p. 257.
  • [31]
    Martin Heidegger, Lettre sur l’humanisme, tr. de l’allemand par Roger Munier, Paris, Éditions Aubier, 1964, p. 103.
  • [32]
    Martin Heidegger, Le Principe de raison, op. cit., p. 257.
  • [33]
    Ibid., p. 260.
  • [34]
    Max Lerner, America as a Civilization : Life and Thought in the United States Today, Simon and Schuster, 1957.
  • [35]
    Max Lerner, « Big Technology and Neutral Technician », American Quarterly, vol. 4, n°. 2, 1952.
  • [36]
    Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme, t. I, Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle, tr. de l’allemand par Christophe David, Paris, Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 2002, p. 55.
  • [37]
    Jean-Luc Nancy, L’Équivalence des catastrophes, op. cit., p. 45.
  • [38]
    Jean-Luc Nancy, Vérité de la démocratie, op. cit., p. 25.
  • [39]
    Aurélien Barrau et Jean-Luc Nancy, Dans quels mondes vivons-nous ?, op. cit., p. 102.
  • [40]
    Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme, t. I, op. cit., p. 37.
  • [41]
    Ibid., p. 45.
  • [42]
    Ibid., p. 110.