Jacques Derrida/Gaston Bachelard. Pour une métaphorologie fractale. La « fleur de Schrödinger » dans Le Jardin d’Épicure

Descendre, spirale après spirale, l’escalier de l’être.
Gaston Bachelard, en exergue au manuscrit des Anneaux de Bicêtre de Georges Simenon (Fonds Simenon, Université de Liège).

1

Polyphile : Ce n’était qu’une rêverie. Je songeais que les métaphysiciens, quand ils se font un langage, ressemblent à des rémouleurs qui passeraient, au lieu de couteaux et de ciseaux, des médailles et des monnaies à la meule, pour en effacer l’exergue, le millésime et l’effigie. Quand ils ont tant fait qu’on ne voit plus sur leurs pièces de cent sous ni Victoria, ni Guillaume, ni la République, ils disent : “Ces pièces n’ont rien d’anglais, ni d’allemand, ni de français ; nous les avons tirées hors du temps et de l’espace ; elles ne valent plus cinq francs : elles sont d’un prix inestimable, et leur cours est étendu infiniment”. Ils ont raison de parler ainsi. Par cette industrie de gagne-petit les morts sont mis du physique au métaphysique. On voit d’abord ce qu’ils y perdent ; on ne voit pas tout de suite ce qu’ils y gagnent[1].

2 C’est par cet « emblème » que s’ouvre La Mythologie blanche. La métaphore dans le texte philosophique de Jacques Derrida [2]. Si la condition de possibilité de toute lecture instruite du corpus bachelardien est bien celle du statut de la métaphore, et en particulier de la métaphore scientifique dans son texte philosophique, alors, l’explication avec Derrida devient incontournable. Il y a à cela au moins trois raisons :

  1. c’est sans conteste le texte philosophique le plus puissant et le plus précieux dont nous disposions encore sur la question de la métaphore dans le texte philosophique ;
  2. il est le seul à ce jour à avoir pris en considération la place (et tenté d’analyser le statut) de la métaphore chez Bachelard ;
  3. le concors-discors marqué dans ce texte se fonde sur une évidente solidarité et sur d’incontestables « échos » entre les deux programmatiques. Pour le point 1, je renvoie au travail de lecture ou/et de relecture du texte et je commencerai par le point 3, avant de le fondre dans le point 2.

3

La grammatologie doit déconstruire tout ce qui lie le concept et les normes de la scientificité à l’ontothéologie, au logocentrisme, au phonologisme. C’est un travail immense et interminable qui doit sans cesse éviter que la transgression du projet classique de la science ne retombe dans l’empirisme préscientifique. Cela suppose une sorte de double registre dans la pratique grammatologique ; il faut à la fois aller au-delà du positivisme ou du scientisme métaphysiques et accentuer ce qui dans le travail effectif de la science contribue à la libérer des hypothèques métaphysiques qui pèsent sur sa définition et son mouvement depuis son origine. Il faut poursuivre et consolider ce qui, dans la pratique scientifique, a toujours déjà commencé à excéder la clôture logocentrique [3].

4 À cet « écho » concernant le travail effectif de la science, il suffira pour l’instant d’ajouter ce qui pourrait faire solidarité entre une certaine philosophie du non et la stratégie générale de la déconstruction : « Celle-ci devrait éviter à la fois de neutraliser simplement les oppositions binaires de la métaphysique et de résider simplement, en le confirmant, dans le champ clos de ces oppositions [4] ». On sait que gît précisément là toute la fonction complexe et complexifiante de la dialectique « spectrale » ! C’est donc à partir de cette assise stratégique commune que Derrida aborde la question centrale du statut de la métaphore chez l’auteur du Lautréamont. Plus précisément, c’est à partir d’une question précise engagée par l’« économie » réglée de la déconstruction, avant citation de Lautréamont à comparaître :

5

Rêvera-t-on pour autant de quelque méta-philosophie, d’un discours plus général mais de type encore philosophique, sur les métaphores de “premier degré”, sur ces non-vraies métaphores qui ont ouvert la philosophie ? Le travail qui s’annoncerait sous le titre d’une telle méta-métaphorique ne serait pas sans intérêt[5].

6 Ce programme « méta-philosophique » et « méta-métaphorique » constituait déjà le « propre » analogique et « tropique » de tout le dispositif bachelardien : « […] une métaphilosophie analogue à ce que Bachelard, s’agissant de la psychanalyse de l’imagination matérielle, appelait méta-poétique [6] ». Et d’enchaîner : « Il reviendrait en somme à transporter dans l’ordre philosophique le programme bachelardien d’une “méta-poétique [7]”. Quelles seraient les limites d’une telle transposition [8] ? ».

7 Dans ce qui suit immédiatement, Derrida mobilise La Formation de l’esprit scientifique de 1938 et constitue un relevé topique absolument exemplaire : « danger des métaphores immédiates », intérêt primordial pour le système des métaphores, accréditation de « métaphores construites et constructives, de statut intermédiaire, qui rompent avec l’immédiateté sensible et le réalisme naïf » elles appartiennent à l’ordre de ce que Bachelard qualifie de « quantité figurée, à mi-chemin entre le concret et l’abstrait, dans une zone intermédiaire […] [9] » –, visée pédagogique dans le temps de l’« illustration », enfin mobilisation de ces « images » construites en vue de « conversions de valeurs [10] ». Arrêtons-nous un instant sur cette « valeur d’illustration » de l’« image » à laquelle Derrida prête une attention plus particulière. Nous verrons plus loin qu’elle constitue le lieu où viendra se nouer un différend, enjeu décisif d’une (més)interprétation in fine que nous serons mené à « rectifier ». Laissons la parole à Bachelard, cité par Derrida :

8

[…] la science moderne se sert de l’analogie de la pompe pour illustrer certains caractères des générateurs électriques ; mais c’est pour tâcher d’éclaircir les idées abstraites […] On voit ici un vif contraste des deux mentalités : dans la mentalité scientifique l’analogie hydraulique joue après la théorie. Elle joue avant dans la mentalité préscientifique […] L’intuition ne doit jamais être une donnée. Elle doit toujours être une illustration[11].

9 Et Derrida de re-marquer ici la force déconstructive du mouvement de l’« illustration » : « Cette ambivalence épistémologique de la métaphore […] provoque, retarde, suit toujours le mouvement du concepts ». Dans le droit fil de l’ambivalence bachelardienne, et après avoir convoqué colatéralement Georges Canguilhem et Friedrich Nietzsche, Jacques Derrida fait injonction d’une « poursuite » :

10

[…] il faudrait sans doute substituer à l’opposition classique (maintenue ou effacée) de la métaphore et du concept une autre articulation. Celle-ci, sans importer toute la métaphysique de l’opposition classique, devrait aussi rendre compte des écarts spécifiques que l’épistémologie ne peut pas négliger entre ce qu’elle appelle effets métaphoriques et effets scientifiques.[12].

11 Sans entamer ici la question de la place topique et tropique de Friedrich Nietzsche dans les textes de Gaston Bachelard, il est essentiel d’insister sur une certaine complicité dans le geste nietzschéen de généralisation de la métaphoricité par sa mise en abyme, et de mise en perspective constructiviste :

12

Ce n’est qu’à partir de la ferme persévérance de ces formes originelles que s’explique la possibilité selon laquelle peut ensuite être constituée une construction de concepts à partir des métaphores elles-mêmes. Cette construction est une imitation des rapports du temps, de l’espace et du nombre sur le terrain des métaphores. À la construction de concepts travaille originellement […] le langage et plus tard la science […]. [A]insi la science travaille sans cesse à ce grand colombarium des concepts, au sépulcre des intuitions, et construit toujours de nouveaux et de plus hauts étages, elle façonne et nettoie, rénove les vieilles cellules [métaphore animale de la ruche], elle s’efforce surtout d’emplir ce colombage surélevé jusqu’au monstrueux et d’y ranger le monde empirique tout entier, c’est-à-dire le monde anthropomorphique[13].

13 Cette autre articulation n’est-elle pas précisément celle mise en œuvre par les protocoles bachelardiens ? Ne devrait-on pas s’y attendre ? C’est précisément en ce point que Derrida relance la récurrence de la question qui aura taraudé et sous-tendu l’ensemble de son texte : « Nous revenons à notre question : peut-on transporter dans le champ philosophique le programme bachelardien d’une méta-poétique ? Bachelard propose de procéder par groupes et diagrammes, et c’est ce qui nous retiendra tout d’abord [14] ».

14 Ce sont deux textes appartenant à l’ordre dit « littéraire » ou « poétique » de l’œuvre, qui vont retenir son attention [15]. La première référence est le Lautréamont ; la seconde met en avant La Psychanalyse du feu, selon cette double articulation du « groupe » et du « diagramme » :

15

Quand on a médité sur la liberté des métaphores et sur leurs limites, on s’aperçoit que certaines images poétiques se projettent les unes sur les autres, avec certitude et exactitude, ce qui revient à dire qu’en poésie projective elles ne sont qu’une seule et même image […] La déformation des images doit alors désigner, d’une manière strictement mathématique [c’est nous, C.A., qui soulignons], le groupe des métaphores. Dès qu’on pourrait préciser les divers groupes de métaphores d’une poésie particulière, on s’apercevrait que certaines métaphores sont manquées parce qu’elles ont été adjointes en dépit de la cohésion du groupe […] [U]ne métapoétique devra entreprendre une classification des métaphores et […] il lui faudra, tôt ou tard, adopter le seul procédé essentiel de la classification mathématique [c’est nous, C.A., qui soulignons], la détermination des groupes[16].
Si le présent travail pouvait être retenu comme base d’une physique ou d’une chimie de la rêverie, il devrait préparer des instruments pour une critique littéraire objective dans le sens le plus précis du terme. Il devrait montrer que les métaphores ne sont pas de simples idéalisations qui partent, comme des fusées, pour éclater au ciel en étalant leur insignifiance, mais qu’au contraire les métaphores s’appellent et se coordonnent plus que les sensations, au point qu’un esprit poétique est purement et simplement une syntaxe de métaphores [c’est nous, C.A., qui soulignons]. Chaque poète devrait donner lieu à un diagramme qui indiquerait le sens et la symétrie de ses coordinations métaphoriques, exactement comme le diagramme d’une fleur fixe le sens et la symétrie de son action florale. Il n’y a pas de fleur réelle sans cette convenance géométrique[17].

16 Il conviendrait de rajouter la période qui suit immédiatement : « Mais un diagramme poétique n’est pas simplement un dessin : il doit trouver le moyen d’intégrer les hésitations, les ambiguïtés qui, seules, peuvent nous libérer du réalisme [18] ».

17 C’est ici, très précisément, que les conditions bachelariennes d’une floraison poétique et généralisée du dispositif métaphorique réglé par les contraintes de sa diagrammatique scientifique et catégoriale, touchent au plus près, dans une sorte de pré-voyance ou de prévision, une démarche fractale[19]. Je fais ici allusion au dernier « fleuron » de la théorie morphogénétique de Relativité d’échelle de Laurent Nottale [20]. Il s’agit de l’image résultant (par simulation numérique) de la solution d’une équation de Schrödinger généralisée (pic de densité de probabilité) pour une nébuleuse planétaire. Ce qui est ainsi rendu visible de la croissance d’une enveloppe autour d’une étoile (structurellement, d’une symétrie sphérique partiellement brisée), c’est une fleur, qu’on appellera la fleur de Schrödinger. Elle est l’un des résultats fondamentaux du modèle hiérarchique induit par la généralisation fractale de l’équation de Schrödinger. Offrant les ressources d’une morphologie sous la contrainte d’un processus de croissance, elle donne également le « chiffre » diagrammatique de la « fleur réelle », présente en tout bouquet. Bachelard y trouverait sans doute le parangon de l’algébrisation poétique.

figure im1

18 Que conclut Derrida, dans l’économie réitérée de sa question, de ces procédures par « groupes » et « diagrammes » mathématiques ? Dans un premier mouvement, et dans la cohérence de sa visée « propre », il relève « [c]ette attention si nécessaire à la syntaxe » qu’il emporte instantanément dans un nouveau déchaînement de questions, qu’il « double » immédiatement de questions supplémentaires :

19

Cette attention si nécessaire à la syntaxe, à la logique systématique des productions métaphoriques, aux “métaphores de métaphores”, est-elle à la limite compatible avec le concept de métaphore ? Peut-on y faire droit sans remettre en question le point de vue sémantique, voire monosémique, de la métaphore[21] ?

20 On s’attendrait ici à une réponse a priori négative, conséquence logique d’un point de vue bachelardien. Or, se marque ici un point de rebroussement où toute l’argumentation semble basculer pour faire retour à une position sémantiste ou thématiste patiemment déjouée et explicitement dénoncée :

21

Bachelard lui-même interprète la coordination syntaxique comme faisceau sémantique ou thématique. La multiplicité des métaphores est ordonnée en vue d’“une seule et même image” dont la diffraction n’est qu’un système projectif. L’unité, la continuité du sens domine ici le jeu de la syntaxe[22].

22 Retournement pour le moins surprenant, mais dont apparemment Derrida n’est pas le dernier surpris : « Bachelard lui-même interprète […] ». Or, ce que le grammatologue relève comme brutale chute de tension de la machinerie bachelardienne, comme syncope et défaillance dans le passage de la métaphore, où l’essentielle différence de potentiel qui alimente l’échangeur syntaxique se voit comme soudainement annulée, suspendue, interdite dans son effet de transport et de déport métaphoriques (disparition du point source de la tension et conséquente coupure de son protocole d’action), ne sont-ils pas simplement l’effet d’un blanc de lecture dû à une sorte d’aveuglement subit, de brûlure héliotopique dans sa traversée quasi somnambulique du texte bachelardien [23] ? Ce raté fatal dans la cohérence pourtant implacable de l’argumentaire « projectif », c’est d’abord celui d’une prise en charge « à la lettre » d’une axiomatique des plus contraignante pour toute métaphorologie instruite [24].

23 Qu’en poésie projective, certaines images poétiques ne soient « qu’une seule et même image » n’est compréhensible qu’à condition de res(t)ituer les deux pôles de l’échangeur métaphorique, les deux strates fractalisées dont la double traversée inscrit seule l’intelligibilité. Ainsi :

24

Il faut donc un véritable courage pour fonder, avant la poésie métrique, une poésie projective, comme il a fallu un trait de génie pour découvrir — tardivement — sous la géométrie métrique la géométrie projective qui est vraiment la géométrie essentielle, la géométrie primitive. Le parallèle est complet. Le théorème fondamental de la géométrie projective est le suivant : quels sont les éléments d’une forme géométrique qui peuvent être impunément déformés dans une projection en laissant subsister une cohérence géométrique ? Le théorème fondamental de la poésie projective est le suivant : quels sont les éléments d’une forme poétique qui peuvent être impunément déformés par une métaphore en laissant subsister une cohérence poétique ? Autrement dit : quelles sont les limites de la causalité formelle [25] ?

25 La phrase incriminée (et citée) par Derrida suit immédiatement. Telle une fleur coupée, elle gît là, fleur artificielle du bouquet sémantique. Cette phrase isolée est séparée de la condition de possibilité de sa lecture adéquate et justifiée : son axiomatique et sa syntaxe contraignante. En réalité, ce renversement sans plus aucune perspective que le mur borgne de l’inscription métaphorique n’est dû qu’à l’insensibilité de Derrida à la définition mathématique du projectif. Je renvoie ici au Rationalisme appliqué, p. 7 :

26

[…] les exemples précis empruntés à la connaissance scientifique peuvent sensibiliser les discussions philosophiques générales. Le blanc porte sur la définition mathématique du projectif comme embrayeur (et débrayeur) de la métaphore poétique, comme ce qui ouvre le passage rationnel et discursif de l’« image ». C’est pourtant la condition sine qua non de tout découplage du sémantisme et du thématisme radicaux ; car la construction (mathématique), le niveau de seconde approximation doit toujours précéder l’« illustration[26]  ».

27 Le primitif, c’est le construit, ce qui sur-vient par construction (le « surrationnel »), et non ce qui est donné par intuition. Or, seule la « transposée » (la métaphore) semble avoir capté et capturé le regard derridien. C’est dès lors la syntaxe opératoire et « initiatique » ou mobilisante qui se trouve perdue, ainsi que toute possibilité de passage ; étrange pompage optique qui ne fixe plus qu’une image « passée » et désormais passéiste. Il y a rabattement précipité d’un biplan construit (où « Le parallèle est complet ») sur une seule strate de nivellement.

28 Ce qu’il faut pouvoir lire dans l’importation, c’est précisément l’affectation et l’effraction de la syntaxe accueillante par le dispositif accueilli. Le dispositif mathématique, son algèbre et sa géométrie, ses groupes et ses diagrammes ne laissent pas intact et vierge l’espace (poétique ou philosophique) sur lequel il est appliqué. C’est tout l’enjeu de la transformation. Son économie est désormais commandée par l’importation d’une textualité scientifiquement réglée et normativement réglementée. Ici, plus que jamais, c’est l’enjeu universel de la tra(ns)duction qui commande les opérations. Dès lors, l’« original » (le texte scientifique) demande, comme par un contrat invisible (et souvent aveugle), sa traduction philosophique. Et sa traduction ne doit plus être conçue comme une simple transposition (importation passive d’un modèle exogène), mais comme la manifestation spectrale de ses « fantômes » philosophiques qui l’occupent déjà. Traduire la science en philosophie, telle est la tâche bachelardienne. Et le texte « traduisant » constituera un texte plus grand que leur somme ou que leur juxtaposition. Le « plus-de-vie » sera ici le supplément de mobilité [27].

29 Sur la question du texte mathématique en général, je laisserai ici en « suspens » un certain nombre de questions ouvertes quant au statut spécial que lui confère Derrida. Par exemple : « […] il y aurait des métaphores biologiques, organiques, mécaniques, techniques, économiques, historiques, mathématiques — géométriques, topologiques, arithmétiques — (à supposer qu’il puisse y avoir au sens strict des métaphores mathématiques, problème qu’il faut encore réserver) [28] ». Cependant, une assertion pourrait aider à comprendre cet étrange aveuglement et cette subite surdité face au texte et à l’argumentaire bachelardiens :

30

En dehors du texte mathématique dont on voit mal comment il pourrait fournir des métaphores au sens strict (il n’est attaché à aucune région ontique déterminée, n’a pas de contenu sensible empirique), tous les discours régionaux, en tant qu’ils ne sont pas purement formels, procurent des contenus métaphoriques de type sensible au discours philosophique[29].

31 Mais si Bachelard place le texte mathématique en position de métaphore, c’est précisément parce qu’il n’existe pas pour lui de « métaphore au sens strict », c’est-à-dire de « contenus métaphoriques de type sensible » auxquels il faudrait « réduire » toute (bonne) métaphore ! La métaphorisation (du) mathématique est là pour débouter leur naturalité, et pour préserver le texte philosophique de ses « naïvetés » métaphysiques. Voilà peut-être le lieu du plus grand écart à Derrida, mais également celui de la plus puissante « déconstruction de déplacement positif, de transgression » de l’entreprise bachelardienne [30]. Cette positivité transgressive correspond à la seconde phase d’une stratégie de la déconstruction, à son « deuxième geste », le premier étant celui d’une phase (« violente ») de renversement. C’est ici la question, jamais formulée comme telle par Derrida, du « placement » de Bachelard au tableau pro-grammatologique. Seule une réponse, au mieux mitigée, en réalité essentiellement négative, peut se déduire de cette démarche hypnotique. Il est désormais bien clair pour nous que Bachelard inscrit son geste, depuis déjà son Essai sur la connaissance approchée de 1927, dans la phase 2, participant de manière particulièrement aiguë et originale à « l’émergence irruptive d’un nouveau « “concept” » : celui (au moins) de métaphore structurale (et fractale). Si sur cette déclinaison métaphorologique, Derrida parle des « deux trajets » (« qui sont presque tangents et pourtant différents, se répètent, se miment et s’écartent selon certaines lois [31] »), qualifiant toute métaphorologie passée et à venir, c’est cette fois pour situer somnambuliquement Bachelard au niveau du premier. C’est celui d’une « autodestruction » suivant « la ligne d’une résistance à la dissémination du métaphorique dans une syntactique comportant quelque part et d’abord une perte irréductible du sens : c’est la relève métaphysique de la métaphore dans le sens propre de l’être[32] ».

32

« L’autre auto-destruction » (de toute) métaphorique, constitue le second trajet qui, traversant et doublant la première, passerait par un supplément de résistance syntaxique […]. Cette auto-destruction aurait encore la forme d’une généralisation mais cette fois, il ne s’agirait plus d’étendre et de confirmer un philosophème ; plutôt, en le déployant sans limite, de lui arracher ses bordures de propriété […], faire sauter l’opposition rassurante du métaphorique et du propre[33].

33 N’est-ce pas là, précisément, le trajet que Bachelard aura lui-même engagé (et qui l’aura engagé « lui-même ») ? Seul le passage d’une auto-destruction à ce que je qualifierai volontiers, et plus « positivement », d’hétéro-construction, pourrait permettre de rétablir une juste interprétation, une productive reconstruction, de l’axiomatique normative d’un rationalisme appliqué.

De l’auto-destruction à l’hétéro-construction

The scientific discovery appears first as the hypothesis of an analogy ; and science tends to become independent of the hypothesis.
William Kingdon Clifford, On some of the conditions of mental development. Discours tenu devant la Royal Institution, 6 mars 1868, in Lectures & Essays, Londres, Macmillan, 1879, vol. I, p. 86.

34 Comment dès lors saisir rationnellement le mouvement épistémologique (et donc sa pulsation philosophique) dans son hétéro-construction non-intuitive (ou en régime d’« intuition affaiblie ») ? Si l’hétéro-construction, générée par l’instauration bachelardienne en philosophie des sciences, doit prendre la place de l’auto-destruction derridienne, c’est aussi parce que ce condensateur métaphorique connote dans sa frappe la négativité d’un moment en droit (et de fait) positif. Il est comme l’indice ou le coefficient d’un résidu de passivité dans les actes de la déconstruction.

35 Dès 1940, dans un chapitre intitulé « Les connexions spatiales élémentaires. La non-analycité », Bachelard « sensibilise » le caractère fractal de sa pensée épistémologique en attirant l’attention de la communauté philosophique sur ce qui deviendra bien plus tard le concept de « scaling quantique ». Le cadre de cette hétéro-construction n’est autre que son « illustration » de l’« intuition affaiblie » conçue comme potentiel des synthèses conceptuelles :

36

Par exemple, un instant de réflexion suffit pour se rendre compte que l’intuition commune a accumulé à tort sur le tracé d’une ligne trop de finalité, que l’intuition commune a attribué trop facilement à une ligne l’unité de définition. Guidé par des intuitions totalitaires, nous n’avons pas ménagé les véritables libertés de la connexion linéaire. Nous avons alors été conduit à une surdétermination de l’enchaînement linéaire. En nous soumettant à une intuition totalitaire, la ligne s’est trouvée déterminée non pas seulement de proche en proche comme elle devrait se borner à l’être, mais dans son ensemble, de son origine à sa fin. Rien d’étonnant alors que le rayon lumineux et que la trajectoire mécanique aient été pris comme de véritables symboles de détermination. La mécanique s’est lentement dégagée de l’intuition du jet. Elle n’a pas encore assez médité les circonstances possibles du trajet. Or, la trajectoire du micro-objet est un trajet intimement circonstancié. Il ne faut pas postuler une continuité d’ensemble ; il faut examiner la connexion chaînon par chaînon[34].

37 Voilà l’hypothèse de non-analyticité, postulée dès sa thèse de 1927, et qu’il ira dénicher jusque dans les fondements du principe d’exclusion de Wolfgang Pauli [35]. La deuxième étape sera pour lui de l’étendre à la mécanique ondulatoire :

38

Dès qu’on abandonne l’exigence mathématique très spéciale d’analyticité, dès qu’on accepte la constitution non-analytique des trajectoires, on s’aperçoit qu’on peut constituer des liaisons qui, malgré leur caractère factice, permettent d’informer certaines propriétés des trajectoires de la mécanique ondulatoire[36].

39 Je m’arrête ici, en sautant tout ce qui touche à l’œuvre pionnière de Buhl.

40 Son exemple de « trajectoire non-analytique », il le tirera « des travaux si simples et si profonds d’Adolphe Buhl [37] ». Indépendamment des travaux de Paul Dirac sur la Zitterbewegung de l’électron dont la fluctuation fait que sa trajectoire physique est tremblotée de telle façon qu’il a une « vitesse moyenne » aussi faible que l’expérience la mesure, Adolphe Buhl relève dès 1934 le fait qu’un tel tremblotement est déjà pensable en mécanique classique, et que si nous pouvions perdre l’habitude de ne voir que des trajectoires tendues, nous découvririons une infinité de trajectoires aléatoires répondant aussi bien aux équations de la mécanique [38]. Ce qu’y décèle Bachelard, à partir d’une analyse technique détaillée, c’est une rationalisation appliquée du principe de Heisenberg. Ce passage est préparé par des analyses à ce jour encore insurpassées sur les inégalités de Heisenberg, et consignées [39]. Mais c’est par un véritable retour sur les conséquences (pour la pensée) de cette hétéro-induction buhlienne, qu’il va explicitement, et définitivement, poser les jalons d’une axiomatique fractale, véritable manifeste surrationaliste :

41

L’ingéniosité du mémoire de Buhl revient à intégrer vraiment l’ambiguïté tout le long de la courbe intégrale, tandis qu’une intuition paresseuse se borne à l’attacher à l’origine des trajectoires. Prenons donc conscience de notre liberté […]. Nous voyons donc apparaître un cheminement en dents de scie, chacune des dents représentant un petit arc qui répond aux obligations du problème. Le nombre des dents peut d’ailleurs être accru à volonté puisque les chemins parcellaires sont aussi petits que l’on veut.
Cette trajectoire, tout en frémissements, garde d’ailleurs des propriétés importantes : elle garde la continuité, elle garde la longueur de la trajectoire que choisirait l’intuition commune puisque tous ses fragments obéissent à la condition isométrique. Mais malgré la continuité, l’infiniment petit apparaît comme infiniment brisé, intimement rompu, sans qu’aucune qualité, aucune sollicitation, aucun destin ne passent d’un point au point voisin[40] . Il semble que le long d’une trajectoire buhlienne, le mobile n’ait rien à transmettre. C’est vraiment le mouvement le plus gratuit. Au contraire, le long d’une trajectoire de l’intuition naturelle, le mobile transmet ce qu’il ne possède pas ; il transmet la cause de sa direction, une sorte de coefficient de courbure qui fait que la trajectoire ne peut changer brusquement.
On va nous objecter que l’expérience commune ne nous donne pas d’exemples de ces trajectoires hésitantes. On nous accusera [de plus] d’une véritable contradiction initiale, puisque nous adoptons une solution non-analytique pour un problème posé dans le cadre de données analytiques. Examinonsde plus près ces deux objections.
L’expérience usuelle, c’est bien vrai, ne nous donne que des trajectoires analytiques et nous ne savons dessiner effectivement que des courbes analytiques. Mais l’argument va se retourner. En effet, dans l’épaisseur même du trait expérimental, on peut toujours inscrire un sous-dessin, une ligne tremblée, une véritable arabesque qui représente précisément l’indéterminé de deuxième approximation. Bref, toute structure linéaire réelle ou réalisée renferme des structures fines. Cette finesse est même illimitée. Il s’agit, en réalité, “d’une structure indéfiniment fine”.
On voit donc apparaître dans le domaine de la géométrie pure le concept de structure fine qui a joué un rôle si important dans les progrès de la spectrographie. Il n’y a pas là, nous le montrerons, un rapprochement simplement métaphorique [souligné par nous]. Il semble bien que les travaux de Buhl éclairent a priori bien des problèmes de la micromécanique et de la microphysique. Dans ces structures fines apparaissent, pour le dire en passant, les fameuses fonctions continues sans dérivées, les courbes continues sans tangentes. Elles sont la marque de l’hésitation permanente de la trajectoire de structure fine.
[…] Mais nous devons aussi faire face à une accusation de contradiction intime. En effet, à la base de la genèse des trajectoires isométriques, n’y a-t-il pas une équation différentielle ? Ne pose-t-on pas, de ce fait, l’existence d’une dérivée en tous les points de la courbe intégrale ? Comment alors une courbe continue mais sans dérivée peut-elle s’offrir comme la solution d’une équation qui s’engage dans l’intuition élémentaire de la dérivée ?
Cette seconde objection doit, comme la première, être retournée contre les partisans des intuitions naturelles […]. Ici, la contradiction méthodologique n’est, tout bien considéré, que le résultat d’une exigence injustifiée des postulats de la recherche.
Bien entendu, si le problème proposé accepte la solution d’une trajectoire en dents de scie, il accepte aussi, moyennant quelques modifications, un retour de la trajectoire sur elle-même, un repliement. On pourra d’ailleurs combiner des fragments de trajectoires parcourues sans repli avec des pelotes de trajectoires repliées. Cela suffit à nous prouver que les conditions de cheminement d’un point mobile, astreint cependant à une loi aussi simple que la trajectoire isométrique, peuvent être diversfiées sans fin et qu’en particulier l’irréversibilité est une notion très particulière qui perd une grande partie de son sens usuel quand on en vient à une étude de deuxième approximation. C’est là une conclusion à laquelle on est habitué en microphysique[41].

42 Après avoir montré, toujours sur une trajectoire classique, comment cette organisation uniquement géométrique symbolise avec une organisation des phénomènes mécaniques et optiques (les trajectoires buhliennes sont des rayons lumineux, et vice versa, mais elles sont aussi des trajectoires mécanique), Bachelard passe, par un mouvement de récursion ou de rétroconstruction inductive, au domaine quantique :

43

Ainsi, il est très intéressant de constater que les incertitudes complémentaires organisées par Heisenberg trouvent une illustration très utile dans la propagation buhlienne. On peut en effet rattacher le thème du principe de Heisenberg aux intuitions fines entièrement géométriques organisées par Buhl, sans qu’on ait à y adjoindre des circonstances dynamiques. […] Dans le problème des “rayons” de Buhl, au niveau de la structure indéfiniment fine, la conception précise de tangente en un point précis n’a pas de sens. En un point bien défini, on ne peut attacher une tangente. Vice versa, si l’on se donne une direction de tangente bien déterminée, on ne peut trouver un point précis qui la reçoive […] Sur un mode humoristique on pourrait dire : conjointement, la tangente s’affole et l’espace a un grain, dans tous les sens du terme. Les deux folies sont corrélatives. Il y a opposition entre la précision ponctuelle et la précision directionnelle.
La trajectoire buhlienne s’enrichit donc d’une valeur de schéma supplémentaire […] L’œuvre d’Adolphe Buhl réalise donc une véritable rationalisation du principe de Heisenberg[42].

44 D’autres « illustrations » du fonctionnement de « métaphores à la lettre » pourraient encore être dégagées des replis de l’œuvre : des espaces tensoriels aux groupes projectifs, conformes, d’homoloie et de cohomologie en mathématiques ; de l’induction électromagnétique à la théorie des opérateurs quantiques en physique… Dès lors, si c’est uniquement par leur lecture radicale et systématique (à la lettre) que la pensée bachelardienne peut enfin recommencer, seul le prolongement inducteur de son geste, dans ce pas au-delà de toute réduction philosophique de la « métaphore scientifique », réactivera une polyphilosophie en mesure de filer les brins différentiels de la pensée. C’est pour ces raisons profondes et structurales que la philosophie de la relativité sera philosophie relativiste (et selon, philosophie tensorielle, spinorielle ou twistorielle), celle de la quantique philosophie quantique, celle de l’algèbre philosophie algébrique, celle des catégories, enfin et surtout, philosophie catégorique et catégoriale… Ce bachelardisme généralisé, cette philosophie non-bachelardienne, pourra épouser les gestes inducteurs, les styles et le trait, ainsi que les modes de frayage de chacun des champs investis, avec cette promesse qu’« […] une méditation sur l’objectivité de la connaissance du réel donner[a] une physique de la pensée [43]. » Et l’infini tissage conceptuel entrepris par la relativité d’échelle devrait en être non seulement l’un des plus puissants métiers, mais également l’un des plus prometteurs chantiers – pour la philosophie.

45 Dès lors, si c’est uniquement par leur lecture radicale et systématique (lecture à la lettre) que la pensée bachelardienne peut enfin recommencer, seul le prolongement inducteur de son geste, dans ce pas au-delà de toute réduction philosophique de la « métaphore scientifique », réactivera une polyphilosophie en mesure de filer, en mode derridien, les brins différentiels de la pensée.

Notes

  • [1]
    Anatole France, Le Jardin d’Épicure, Paris, Éditions Calmann-Lévy, 1921, p. 197-198.
  • [2]
    p. 247-324, cité par la suite comme Marges de la philosophie.
  • [3]
    Jacques Derrida, Positions, Paris, Éditions de Minuit, 1972, p. 48-49.
  • [4]
    Ibid., p. 56.
  • [5]
    Marges de la philosophie, p. 308. C’est l’ouverture du troisième volet de la Mythologie blanche intitulé « La métaphysique. Relève de la métaphore ». Je présuppose évidemment toute l’argumentation décisive des deux premiers.
  • [6]
    Marges de la philosophie, p. 273.
  • [7]
    Gaston Bachelard, Lautréamont, Paris, Éditions Corti, 1940, p. 55.
  • [8]
    Marges de la philosophie, p. 309.
  • [9]
    Voir G. Bachelard, La Formation de l’esprit scientifique, Paris, Éditions Vrin, 1938, ici 1972, p. 5.
  • [10]
    Ibid., p. 237.
  • [11]
    Ibid., p. 80 et 237.
  • [12]
    Marges de la philosophie, p. 314.
  • [13]
    Voir Friedrich Nietzsche, Le Livre du philosophe. (Das Philosophen-Buch), trad. Angèle Kremer-Marietti, Paris, Éditions Aubier-Flammarion, 1991, p. 129.
  • [14]
    Marges de la philosophie, p. 315. On sait que, plus tard, ce programme sera repris par Gilles Châtelet.
  • [15]
    Sur le caractère dual du versant « poétique » (qualifié de manière indue de « nocturne » par nombre d’exégètes pressés), et sur son habitation « spectrale » par le dispositif scientifique, sur la question du « spectre », du « fantôme », du « Geist », et de leurs ombres portées, voir Charles Alunni, « Relativités et puissances spectrales chez Gaston Bachelard », Revue de synthèse, 4e S., 1, 1999, p. 73-110.
  • [16]
    G. Bachelard, Lautréamont, p. 54-55.
  • [17]
    G. Bachelard, La Psychanalyse du feu, Paris, Éditions Gallimard, 1938, ici 1992 coll. « Folio/Essais », p. 185.
  • [18]
    Ibid., p. 186.
  • [19]
    Voir Lautréamont, op. cit., supra n. 46, p. 191 : « […] la prévision est immanente à la vision ; on ne voit bien que si l’on prévoit un peu ; de sorte qu’une méditation psycho-physiologique de la vision donnerait une psychique de la nature dans le même temps qu’une méditation sur l’objectivité de la connaissance du réel donnerait une physique de la pensée ». La vision bachelardienne est d’une extrême rigueur philosophique dans sa pensée de la physique : elle peut ouvrir anticipativement une certaine physique de la pensée.
  • [20]
    Laurent Notale, Relativité d’échelle et morphogenèse sur la dynamique induite.
  • [21]
    J. Derrida, Marges de la philosophie, p. 317.
  • [22]
    Marges de la philosophie, p. 317.
  • [23]
    « J’ai toujours lu le texte bachelardien comme dans un état somnambulique », J. Derrida, conversation privée, rue d’Ulm, 1981.
  • [24]
    Sur les contraintes de toute axiomatique mathématique, le Lautréamont, p. 123, est des plus explicite : « On ne fait pas de mathématiques sans cette surveillance, sans cette constante psychanalyse de la connaissance objective qui libère une âme non seulement de ses rêves, mais de ses pensées communes, de ses expériences contingentes, qui réduit ses idées claires, qui cherche dans l’axiome une règle automatiquement inviolable. » Ailleurs, ibid., p. 132, très exactement à propos des métaphores scientifiques en leur système : « Il faut les prendre dans leur effort de rupture ; il faut les comprendre dans leur propre système comme on comprend une géométrie non-euclidienne dans sa propre axiomatique ».
  • [25]
    Lautréamont, p. 70.
  • [26]
    Voir plus haut l’« analogie de la pompe du générateur électrique ».
  • [27]
    C. Alunni « La langue en partage », in Revue de métaphysique et de morale, 1, 1989, p. 59-69.
  • [28]
    Voir Marges de la philosophie, p. 262, souligné par nous.
  • [29]
    Marges de la philosophie, p. 270.
  • [30]
    Cette positivité transgressive correspond à la seconde phase d’une stratégie de la déconstruction, à son « deuxième geste », le premier étant celui d’une phase (« violente ») de renversement. Sur l’axiomatique de ce « double geste » et de cette « double science », voir J. Derrida, Positions, Paris, Éditions de Minuit, p. 56-58.
  • [31]
    Marges de la philosophie, p. 320-323.
  • [32]
    Ibid., p. 320.
  • [33]
    Ibid., p. 323.
  • [34]
    La Philosophie du non, p. 95.
  • [35]
    G. Bachelard, Le Pluralisme cohérent de la chimie moderne, Paris, Éditions Vrin, 1932. Sur ce point, voir notre conférence consacrée, pour partie, à « Wolfgang Pauli et la Schola Quantorum. Pauli démontré par le “postulat de non-analycité” », colloque 2000, Crêt-Bérard (CH), « Pensée et science ».
  • [36]
    La Philosophie du non, p. 95-96.
  • [37]
    Adolphe Buhl (1878-1949) fut nommé en 1909 à la faculté des sciences de Toulouse, d’abord à la chaire de Mécanique rationnelle, puis, à la chaire de Calcul différentiel et intégral qu’il occupa jusqu’en 1945. Ce grand autodidacte soutint en 1901 sa première thèse « Sur les équations différentielles simultanées et la forme aux dérivées partielles adjointe », puis la seconde qui portait sur « La théorie de Delaunay sur le mouvement de la lune » (jury : Gaston Darboux, Paul Appell et Henri Poincaré). Il entra à la rédaction de l’importante revue suisse L’Enseignement des mathématiques dès 1903, et à sa direction en 1920. Il s’y illustra en particulier sur les Espaces fibrés, les Quanta et les Groupes.
  • [38]
    Voir ici l’admirable petit ouvrage de Robert Gouiran, Particules et accélérateurs, Paris, Éditions Hachette collection « L’Univers des connaissances », 1967, p. 172. Gouiran renvoie non seulement au caractère pionnier de Buhl, mais également à la perspicacité singulière de Bachelard. Cet ouvrage déjà ancien demeure néanmoins très actuel.
  • [39]
    G. Bachelard, L’Expérience de l’espace dans la physique contemporaine, Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 1937.
  • [40]
    Notons au passage que le continu ici envisagé n’est plus saisi comme fondé sur des infiniment petits ponctuels (Georg Cantor), mais comme appuyé sur des infiniment petits « segmentés » (analyse non-standard de Robinson).
  • [41]
    La Philosophie du non, p. 100.
  • [42]
    Ibid., p. 102.
  • [43]
    Voir Lautréamont, p. 191.