La fragilité comme existential

Entre les paumes de la nuit qui les abritent /
nos voix fragiles montent plus claires /
de se risquer enfin nues.
(Jean-Louis Chrétien, Joies escarpées, Sens, Obsidiane, 2001, p. 18)

1La différence entre une (simple) chose et une existence (humaine) se remarque à l’œil nu – il est de bonne phénoménologie de la porter ensuite jusqu’au concept. Aux catégories, propres à décrire le mode d’être de la chose, correspondent alors du côté de l’existence ce que Heidegger est en droit de nommer des existentiaux. Mais la leçon d’Être et Temps ne se réduit évidemment pas à l’invention d’un mot. Où la question « Qu’est-ce qu’une chose ? » appelle en guise de réponse la première des catégories (au sens d’Aristote) : la substance, autrement dit l’étant subsistant, sous-la-main, vorhanden (au sens de Heidegger) avec pour trait essentiel la « présence constante », l’existence requiert une tout autre manière d’interroger où les possibilités d’être priment sur ce que nous sommes présentement. D’autres descriptions seront à imaginer que celles menées dans Être et temps, d’autres existentiaux peut-être, mais qui ne pourront transgresser cet acquis de 1927 : exister n’a rien à voir avec le présent d’une pleine possession de soi [1] mais signifie bien « exister ses possibles » (si toutefois une telle expression est audible en français). Or c’est trahir la pensée du possible que d’y voir seulement le prénom de l’effectivité.

2Pour dire le possible demeuré possible (au sens où René Char parle du poème comme de « l’amour réalisé du désir demeuré désir »), Heidegger se livre à une exposition de l’être vers la mort. À rebours de la compréhension commune du possible où celui-ci tend vers sa réalisation comme le moment où tout à la fois il s’accomplit et s’anéantit, la mort révèle une possibilité qui échappe à toute réalisation. Morts, nous ne le sommes pas, nous qui sans cesse parlons et agissons à l’ombre de cette possibilité ultime. Mais que la mort elle-même vienne, possibilité de l’impossibilité, et elle nous ôte tout [2]. Ces analyses ne sont pas sans force, mais elles n’épuisent pas la méditation du possible. Il est heureux que la mort ne soit pas le seul mot à prononcer sur l’existence, et peut-être pas même le dernier [3].

3Donnons à ces réflexions une autre direction : tout possible, même lorsqu’il vient à se réaliser, est au bord de se briser, possibilité sans cesse adossée à son autre, comme le sens l’est au non-sens, l’événement au non-événement (ce qui n’arrive pas) ou la verticalité de l’existence à son effondrement. Rien ne peut avoir lieu au titre du possible qui ne puisse à tout moment se rompre ou n’avoir jamais lieu. Rien n’arrive à l’existence qu’au péril de ce qui ne vient pas ou de ce qui disparaît. Aussi l’existence n’a-t-elle de possibles que marqués au sceau d’une essentielle fragilité. Ce qui nous autorise à considérer la fragilité comme un existential – hypothèse pour laquelle les écrits de Jean-Louis Chrétien nous seront d’un grand secours. Bien des motifs qui contribuent à la description par Chrétien de notre existence : les larmes et la nudité, la blessure et la passivité, le secret et le clair-obscur de l’intériorité, l’oubli, la nuit et la fatigue, la présence furtive et non la présence totale … reconduisent à la fragilité comme au cœur de notre manière humaine d’être au monde. Ce que nous avons pu avancer à plusieurs reprises [4] trouve confirmation dans la publication en 2017 d’un ouvrage intitulé précisément Fragilité[5]. Quelques mises au point – trois – ne s’imposent pas moins pour étayer cette hypothèse.

41. Fragile se dit bien entendu de certains objets, mais d’abord de nous-mêmes, tant nous lisons notre propre fragilité au miroir de ce qui à tout moment peut se briser (40, 64). La bulle de savon n’a pas la solidité des pierres, et notre propre vie aussi brève soit-elle à nos yeux n’a pas sa précarité – les raisons ne manquent donc pas d’attribuer la fragilité à une matière appelée à une si prompte destruction, pourtant le sens de la fragilité des choses n’est pas à chercher dans les choses. Lorsque Jean-Louis Chrétien écrit au début de son second chapitre : « Le verre forme le symbole le plus courant et le plus banal de la fragilité, étant cela qu’on peut aisément briser » (40), il ne faut pas seulement entendre par là que le verre est emblème de toutes les choses fragiles, mais bien que « ce symbolisme du verre fait de lui un miroir de notre propre fragilité » (41). Aussi la description de la fragilité physique menée au chapitre II (« Du verre et de l’argile à la bulle de savon ») trouve-t-elle tout son sens dans l’évocation de la fragilité morale évoquée au chapitre III (« La fêlure »). Sur ce motif de la fêlure, il n’est qu’à relire les trois articles de Francis Scott Fitzgerald qui portent ce titre (73-76), ou les pages de Gilles Deleuze dans Logique du sens (à propos de Zola ou de Fitzgerald, voir respectivement 64 et 74) pour comprendre que cette faille est bien nôtre. Les images peuvent ainsi se multiplier, toutes renverront au même centre, à la méditation de notre condition (10), à la mémoire de notre humaine fragilité (134 sq) dont il est possible de donner alors un autre emblème : notre naissance (29), « la déficience, l’impuissance, la détresse de l’être humain à sa naissance » (39). Pline le Jeune l’écrit en latin : « L’homme est le seul qu’au jour de sa naissance, la nature jette nu sur la terre nue » (31), et Platon l’écrivait déjà en grec : « l’homme est nu, sans chaussures, sans couvertures, sans armes [6] » – où il faut voir une nudité essentielle qui n’est pas seulement celle du premier jour [7].

52. Fragilité est un mot et un concept qui prend place dans une constellation rassemblant faiblesse, fragilité et finitude. Toute proximité conceptuelle appelle en retour des distinctions, parfois subtiles, qui relèvent ici de l’histoire. La fragilité est mot d’invention latine (fragilitas), pourvu qu’on l’entende en toute rigueur comme « ce qui peut se briser » (7), parce qu’une ligne de faille intérieure (8, 252) l’expose à tout moment au péril de se rompre. Les Grecs méditent autrement notre condition, voyant en elle avant tout une faiblesse (asthénéia) au sens cette fois d’un manque, le défaut de force (sthenos), qu’elle soit physique ou morale (10). Fragilité (latine) et faiblesse (grecque) s’opposent alors comme une possibilité et un état (11). Sans doute est-ce la même humanité qui se voit interrogée ici et là – il n’en demeure pas moins qu’un concept décisif s’invente avec le monde romain (exactement avec la partie occidentale de l’Empire romain), montrant ainsi que le passage de la langue grecque à la langue latine ne fut pas que l’histoire d’une perte. Le christianisme pourra ensuite reprendre ce concept de fragilité – le reprendre, l’approfondir (25) ou l’élargir (159) – mais c’est encore dans son aire latine qu’il apparaîtra comme un mot essentiel pour décrire notre condition présente (comme l’atteste l’important chapitre VII : « L’élargissement chrétien de la fragilité », où se voient lus successivement saint Ambroise, Jean Cassien et saint Augustin). Ce moment culminant qui correspond à la tradition latine chrétienne précède-t-il un moment de reflux (postérieur à Kant) où le mot certes peut bien être repris mais seulement « dans un sens réduit, affaibli, exténué » (251) ? Le relatif effacement d’un mot ne nous décharge pas de la tâche d’interroger la chose même, éventuellement sous couvert d’un autre mot – ainsi « finitude » peut-il se présenter comme une traduction moderne de « fragilité » (131) [8]. Ce que vient confirmer telle remarque de Chrétien au détour de ses analyses : « Il y a donc un sens où la fragilité caractérise comme possibilité toute condition de l’homme dans le temps (et cette extension correspond à ce que les modernes nommeraient “finitude”) [9] » (191). Il faut y voir le signe que les nécessaires distinctions entre les mots (et les concepts) ne sont pas des barrières pour la pensée.

63. La différence entre la pensée grecque de la faiblesse (comme défaut de force) et la pensée latine de la fragilité (comme possibilité inscrite dans l’être) s’avère féconde en ce qu’elle permet justement de tenir ensemble la fragilité et la force. Ce paradoxe étonne avec raison mais ne doit pas surprendre outre mesure puisqu’il se trouve proprement au cœur du christianisme – « car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort », écrit l’apôtre Paul en 2 Co 12, 10 [10]. Le chemin qui mène à la force commence par la fragilité – ce paradoxe est grand, mais quelques-uns ont su le recueillir et le porter jusqu’à une formule d’une vigueur inouïe. Il y a ce mot de Kant dans la Métaphysique des mœurs : « Seule la descente aux enfers qu’est la connaissance de soi fraie le chemin de l’apothéose » (67, 237), et cette pensée de Kierkegaard selon laquelle « la vraie consolation commence par désoler [11] » (30, 139, 156). Aussi la fragilité, loin de nous enfermer dans l’impuissance d’une condition native, peut-elle s’ouvrir à cette autre possibilité qui a pour nom la force, mais force qui ne vient pas de nous parce que nous apprenons à la recevoir de Dieu. Depuis la première page du premier livre, puis sans cesse, les descriptions de Jean-Louis Chrétien montrent comment la nuit, la nudité ou une présence fragile sont aussi gardiennes d’une gloire qu’il faut apprendre à reconnaître.

7

La nuit, l’ample nuit perdrait souffle si quelque lueur ici ne tremblait, et lentement s’abattrait de tout le poids de ses ailes aveugles. Si tu veux voir les ténèbres, il te faut d’abord éveiller ce fragile abri d’une chandelle, ou de tes doigts frémissants l’infaillible corps de l’aimée, pour que leur flamme en vue de toi les gardent, et qu’elles devinent peu à peu les sources de ton visage, jusqu’à s’aventurer, enfin, à y boire.[12]

8Pour qui sait recueillir ce fragile abri d’une chandelle, avancer sa main frémissante, ou risquer le tremblement de sa voix en réponse à celui d’une simple lueur, cette nuit est riche en promesse. Pas question pourtant d’abolir cette fragilité première au nom d’une révélation future, puisqu’elle est bien plutôt cet espace où la plus haute révélation peut avoir lieu, jusqu’à celle du Dieu prenant notre chair (161). Au jour de la Nativité, l’enfant qui naît dans l’impuissance nous donne cette force qui ne vient pas de nous. Celui qui en s’incarnant a pris sur lui notre fragilité humaine n’est pas venu l’abolir mais la transformer de l’intérieur (205). Fragilité maintenant transfigurée par la force divine qu’elle sait accueillir (197, 200-205).

9***

10Ces remarques formulées, il n’est pas impossible de déplier l’existential de la fragilité selon les trois thèmes heideggériens de l’affection, du comprendre et de la parole, ces trois existentiaux plus classiques décrits au fil des paragraphes 29 à 34 d’Être et temps. Programme qu’il faut à nouveau ouvrir en trois temps.

I – La fragilité affective [13]

11Où la fragilité pourrait-elle se manifester avec plus d’évidence que dans le domaine de l’affectivité, là où ce qui nous affecte se révèle une épreuve, même aux plus hauts moments de notre expérience, là où nous fléchissons sous le poids de ce qui devrait pourtant nous soulever ? « Il est des joies qui terrassent », écrit Jean-Louis Chrétien dès L’Effroi du beau[14], parce que nous cédons sous le poids de ce qui nous arrive, cette « existence plus forte » par quoi Rilke nommait l’ange, ou le beau [15], ou tout simplement parce que nous échouons à supporter ce qui devrait nous combler. Ce qui s’approche sous le nom de beau révèle ainsi une faille qui se trouve bel et bien en nous. Il y a du sens à parler de la fragilité du beau (110) et répéter le mot de Schiller selon lequel « même le beau doit périr [16] », ou même à prolonger ce thème par une poétique du fragile à l’affût de ce qu’il y a de plus fugitif dans l’œuvre d’art (111) [17] – mais cette catégorie fondamentale du phénomène esthétique à laquelle Oscar Becker consacra en 1929 un article aussi célèbre que beau [18] ne dit pas seulement beaucoup sur l’œuvre d’art mais aussi sur nous-mêmes. Fragile est ce dont la pointe, aiguisée à l’extrême, peut à tout moment se casser (Becker, cité 122), mais aussi notre cœur dans la mesure où il échoue à donner la mesure de ce qui lui arrive. Si, comme l’affirme Oscar Becker, et comme le répètera bien des fois à sa suite Henri Maldiney, la fragilité du beau ne nous est accessible que par un saut (si « [l’œuvre d’art] est cet extremum que dit Oskar Becker, sans autre mode d’accès que le bond qu’elle appelle pour nous ravir en elle [19] »), rien ne nous assure que nous soyons toujours en mesure d’accomplir un tel saut.

12Dans cette exposition de notre fragilité affective, l’ouvrage de 1987 (L’Effroi du beau) pourrait bien aller plus loin que celui de 2017 (Fragilité) : « En jetant, par sa manifestation même, sur nous son dévolu, la beauté prend toujours notre accueil en défaut. Nous n’appartenons pas à cet ordre qui prend possession de nous. Notre hospitalité n’est pas à la mesure de cet hôte imprévu [20] ». Ce qui est alors médité sous le titre d’« épreuve du beau » – une épreuve où notre existence tout entière se voit exposée à l’événement du beau et révélée à elle-même, rendue à « cette faille en [nous] par où [le beau] se rend présent », épreuve « qui ne marque pas son défaut mais le nôtre [21] » – appelle ce qui, trente ans plus tard, s’appellera « fragilité du beau ». Fragile est mot qui affleure à peine dans ces pages [22] où l’épreuve du beau se voit méditée avant tout chez Platon [23]. La distance entre faiblesse et fragilité joue avant même d’être thématisée (dans l’ouvrage de 2017). Mais distance ne dit pas étrangeté, et l’exposé semble faire droit à la possibilité de notre défaillance tout autant qu’à la permanence de notre faiblesse. Là où notre humanité se voit pensée en termes de précarité (« L’homme est l’être qui peut manquer, manquer à soi. Cette précarité de l’essentiel est liée à sa nature même [24] »), de faille (« De l’homme à son humanité, il y a toujours la faille où il peut défaillir à soi [25] »), ou de péril (« L’homme n’est pas sa propre humanité : il a sans cesse à la faire sienne et peut toujours dans cette tâche être défait. Être homme est de part en part agonistique. Nous sommes en péril de nous-mêmes [26] »), ou bien là où elle se voit décrite par un adverbe manifestant son contraste avec l’aisance propre aux dieux (« L’opposition de l’humain et du divin se rassemble tout entière dans l’opposition de deux adverbes : les chars des dieux cheminent au ciel aisément (rhaidiôs), les chars humains avec peine (mogis) (247b) [27] »), nous pouvons bien reconnaître les premiers mots d’une phénoménologie de l’existence que recueillera un jour le mot de fragilité.

II – La fragilité du sens et le comprendre

13Qu’on entende par sens une production de la subjectivité ou qu’on interprète par là le sens d’être du Dasein, la phénoménologie historique conclut à la fragilité du sens. De manière quasi-explicitée chez Husserl, même si le mot de fragilité manque, dans la mesure où la manifestation du sens relève d’une téléologie et que son histoire entre-temps l’expose au danger d’un échec. Or cette fragilité du sens frappe nécessairement par contrecoup celui qui est chargé de l’instaurer et le transmettre [28]. Nul n’aura mieux montré cet enchevêtrement au fil de l’histoire, et d’abord de l’histoire politique, de sens et non-sens, ou raison et déraison, que Maurice Merleau-Ponty. Soixante-dix ans après leur rédaction, ces lignes de la Préface de Sens et non-sens (1948) n’ont pas pris une ride : « En politique, enfin, l’expérience de ces trente années nous oblige aussi à évoquer le fond de non-sens sur lequel se profile toute entreprise universelle, et qui la menace d’échec [29] ». De la fragilité du sens, Être et temps ne dit rien mais nous livre de quoi la penser : si le comprendre est lié aux possibilités d’être du Dasein, celles-ci oscillent entre ses possibilités les plus propres et le mouvement qui le ravale à un mode d’être déchu. Dès lors se comprendre veut dire pour le Dasein comprendre un sens d’être soi susceptible de se perdre (être inauthentique) ou se trouver (être authentique). Heidegger peut bien multiplier ensuite les mises en garde pour écarter la Verfallenheit (déchéance) de toute entente morale ou théologique en terme de chute et lui garder une signification strictement existentiale, phénoménologie oblige, il faut bien que l’existential un jour ou l’autre s’atteste dans l’existentiel et nos défaillances humaines très humaines, et pour cela que la chute ou l’être-coupable (en dette, en faute) rejoignent leur signification commune.

14Aussi la fragilité du comprendre dit-elle plus que l’impossible transparence à soi de l’existence – ce rêve définitivement mis à mal par Jean-Louis Chrétien, comme le montrent si besoin était les études recueillies dans La Voix nue[30] ou les deux tomes de Conscience et roman[31] – puisqu’elle signifie aussi une « dramatique de la conscience [32] » bien plus grave que la simple défection de l’être-conscient-de-soi. Comme une ellipse à deux foyers : « l’abîme de la conscience humaine [33] » du fait de son mystère et « la descente aux enfers intérieurs [34] » sous le signe du mal. Fragilité se dit pour nous deux fois : comme la mémoire de notre humaine condition qu’il faut sans cesse arracher à l’oubli (selon la percée opérée par les auteurs latins) et comme cette possibilité de faillir qui marque notre penchant au mal (selon l’approfondissement chrétien du thème de la fragilité). Fragilité au sens de la faillibilité cette fois (19, 214) [35] qu’explorent les chapitres consacrés aux Pères (et au premier chef à saint Augustin, 189-210) et au Kant de La Religion dans les limites de la simple raison (à qui revient le presque-dernier mot du livre parce que son dernier chapitre est avant son épilogue). À moins que ce dernier mot à son tour ne se dédouble : d’une part la fragilité est comprise comme le premier moment d’un penchant au mal qui se décline selon trois degrés (fragilité, impureté et méchanceté, en suivant une gravité croissante – 217 sq), d’autre part elle participe bel et bien de cette humaine condition qu’il n’y a pas lieu de rejeter comme mauvaise, sauf à confondre la faillibilité et la faute (« Et de fait, la fragilité au sens où il la définit, plus restreint que celui de la tradition, va être pour Kant, non un poids qui sans cesse pèse sur nous, non cette inguérissable faille qui donne à nos accomplissements mêmes quelque chose de toujours tremblant, mais plutôt la condition de ce qu’il y a en nous de plus noble, la vertu comme combat perpétuel et progrès infini » 244). Où se vérifie qu’entre fragilité et dignité il n’y a pas d’antinomie.

III – La fragilité de la voix

15C’est par là qu’il eût fallu commencer, non par la manifestation portée à sa plus haute évidence dans l’affect, ni par la dramatique portée à son point le plus lourd dans le mal, mais par ce qui rend possible toutes ces descriptions, et sans quoi l’immense érudition de Jean-Louis Chrétien serait vaine : par cette parole qui ouvre, recueille, témoigne. Parfois il faut qu’un penseur soit plus que penseur, qu’il se fasse écrivain, poète même, et trouve dans la langue des ressources que la prose désenchantée de la philosophie le plus souvent ignore. Il faut aussi entendre dans un livre l’invisible d’une voix qui par sa seule tonalité s’accorde à ce qu’elle dit et par là même y livre accès. C’est discrètement que nous entrerons dans le cercle du secret (Lueur du secret), c’est par la scintillation du retrait que nous approcherons et accueillerons la présence furtive (Promesses furtives), seule une barque fragile peut nous mener à bon port quand celui-ci-ci a nom fragilité (28, 263). C’est par là qu’il eût fallu commencer, et par là que s’achève le livre de 2017 (« De la fragilité qui est de la nôtre et de son sens, la voix humaine forme la plus haute manifestation et la plus nue, et c’est par elle que ce cheminement s’achèvera » 254).

16Comment accueillir l’inouï qui vient à notre rencontre et comment lui répondre ? Ces questions sont au cœur de tous les ouvrages de Jean-Louis Chrétien et nous reconduisent invariablement vers le même lieu, ou la même arche de la parole (116) : la promesse d’une voix gardienne du sens, et gardienne à la mesure du témoignage qu’elle sait rendre (« dans les conditions de notre expérience, la voix humaine est le lieu premier où s’énonce tout sens quel qu’il soit, ce par quoi toute vérité vient au jour et se transmet aussi d’une homme à l’autre » 254). Voix fragile, altérée, tremblante, mais capable de témoigner du plus bouleversant à la mesure de la blessure qu’elle éprouve – en cela à l’image de Jacob blessé et béni par l’ange qu’il combat une nuit entière près du gué de Yabboq. Voix forte de sa puissance de dire et porter témoignage non pas malgré sa fragilité mais grâce à elle (« La fragilité de la voix forme donc le medium et le gage du témoignage, et non pas un obstacle ni une tare pour ce dernier » 256). Comment accueillir et comment répondre ? Là où l’appel ne se fait entendre que dans la réponse [36], il faut ajouter que jamais notre réponse ne pourra tout à fait correspondre à l’excès de cette parole première : seule parvient à se lever une voix défaillante [37]. Ce qui vient à notre rencontre nous requiert de manière impérieuse, quand bien même nous échouerions à nous tenir entier en sa présence et jeter au-devant de lui une parole sans défaut. Ces pensées ne sont pas neuves, puisque, depuis maintenant plus de trente ans et plus d’une vingtaine de livres, Jean-Louis Chrétien n’aura eu de cesse de méditer la promesse d’une voix qui, fragilement, et à chaque fois en tremblant, tente de répondre, ne le pouvant jamais tout à fait, à l’excès de ce qui vient à sa rencontre et l’appelle [38]. (« Le tremblement de la voix humaine est le réceptacle de ce qu’il y a de plus ferme – de la promesse qui répond à la promesse divine – le lieu où l’alliance se scelle » 262 sq.)

17Comme l’appel ne se laisse entendre que dans la réponse, la fragilité de la voix ne se manifeste vraiment que dans ce qui la brise et la libère [39]. Voix altérée par cela même qui lui donne la puissance de parler [40]. La rétrospection de L’Inoubliable et l’inespéré (dans sa version de 2000) ne jette pas seulement un regard en arrière sur les livres déjà écrits, mais aussi un regard en avant sur ceux à venir : « C’est cet excès de la rencontre avec les choses, autrui, le monde et Dieu qui est au centre du projet dont ce livre relève : cette rencontre requiert de la façon la plus impérative notre réponse, et semble en même temps la frapper d’interdit [41] ». Deux titres sont alors particulièrement à retenir, où tout est dit déjà de cette voix qui tout à la fois se brise et chante : L’Effroi du beau (1987) où ce thème apparaît pour la première fois d’une voix rendue au possible du chant par-delà l’impossible qui lui ôte son souffle (« Le chant nouveau est le chant impossible, celui que nous ne pouvons pas chanter. […] [Pourtant] nous pressentons que nous ne devons pas seulement par notre amoureux silence porter et supporter cet impossible, mais qu’il nous revient par notre chant de l’habiter. Ce silence n’est que l’aleph de tous les chants, l’inaudible première lettre par quoi les mots naissent à leur vérité [42] »), et L’Arche de la parole (1998) qui dans l’heureuse blessure de la prière, mais déjà dans le poème, fait entendre ce tremblement de joie dont notre voix est capable (« …dans la profusion des hymnes que nous chantons, en leur sein le plus intime, il y a toujours ce léger tremblement, comme suspendu au bord du silence, par quoi le merci blesse une voix humaine, d’une heureuse blessure, et la fait se donner, elle en qui tout se donne [43] »).

18Que « la voix humaine forme la plus haute manifestation [de la fragilité] » (254) prend sans doute tout son sens là où elle porte la parole la plus haute, celle du poème ou de la prière. Ceux à qui la vie de prière n’est pas étrangère savent combien la voix lorsqu’elle cherche ses propres mots ne peut que balbutier. Prenons leçon pour finir auprès d’un poète. Dans l’article « Voix » d’un dictionnaire de poésie, Jean-Louis Chrétien nomme André du Bouchet et commente brièvement : « Il y a des poésies, comme celle d’André du Bouchet, dont l’espacement vit de l’aventure difficultueuse du souffle, toujours sur le point de se rompre, et dialoguant avec le vent et les lointains [44] ». Cette voix sans cesse au bord de la rupture le hante, c’est-à-dire le guide. Que peut une voix lorsqu’elle se risque, fragile, au milieu des blancs de la page et des failles de la phrase ? Que peut une voix, à l’extrémité de soi, au moment où elle se fragmente, mise à nue et mise à mal par un rythme désaccordé ? Même fêlée, voici qu’elle montre encore (la neige à son éclat).

19

désaccordée, comme
fêlée, la cloche.de la neige – et, comme par une fêlure
la clarté de la neige.
Fenster des Himmels – ouvertesur la dislocation de la
langue ou des langues, lorsque sur leurs gonds elles vont s’élargissant.
Fehledans sa voix
la fêlure.
tel
qu’élargi aussi avant qu’il se pourra, interstice dans le dénuement
de l’épaisseur demeuré interstice.
(André du Bouchet, « Car, pour peu de chose désaccordée », dans Hölderlin, Cahier de l’Herne, J.-F. Courtine dir., Paris, 1989, p. 144)

Notes

  • [1]
    Bien des phénoménologies, postérieures à Heidegger, se retrouveront sur ce point : « …Emmanuel Levinas avec le témoignage de l’infini, ou encore, bien sûr, Paul Ricœur avec le cogito brisé, Jean-Luc Marion avec le phénomène saturé et Jean-Louis Chrétien avec la présence furtive, conduisent à prendre congé, selon des voies très différentes, d’une pensée de la subjectivité close sur elle-même, se posant absolument elle-même, et en quelque sorte toute-puissante dans la création d’elle-même, pour retrouver l’idée d’une subjectivité blessée, finie, passive et qui conduit à une éthique du moi fragile et humble qui, dans sa faiblesse, reçoit sa force de plus loin que lui-même … » (Emmanuel Housset, L’Intériorité d’exil, Paris, Éditions du Cerf, 2008, p. 261). Gardons le mot de fragile sur lequel nous aurons à revenir.
  • [2]
    Ce point est relevé par Jean-Louis Chrétien dans « L’être et la possibilité », Critique, décembre 1980, p. 1144 (« La pensée de la mort, aussi bien dans Être et Temps que dans l’œuvre postérieure, est centrale pour la méditation de ce sens nouveau du possible. […] Le possible de la mort n’offre prise à aucune réalisation »).
  • [3]
    Comme le montre la méditation de Jean-Yves Lacoste sur l’espérance chrétienne dans sa Note sur le temps, Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 1990 (« [La résurrection du Christ] infirme en effet toute eschatologie où la mort ait le dernier mot », p. 76).
  • [4]
    Par exemple : « L’être de l’homme se dit peut-être tout entier dans cet adverbe, où se conjuguent la blessure et la promesse de son histoire : fragilement, et ce n’est pas la moindre affaire de la phénoménologie que de décrire la manière dont pour nous viennent tous les phénomènes. » (Note : « En tout cas, il s’agit là bel et bien du fil d’Ariane de tous les textes de Jean-Louis Chrétien, cette faiblesse première dont tous nos actes portent ensuite la marque ») (« L’entre-deux » dans Philosophie et théologie en dialogue, E. Falque et A. Zielinski dir., Paris, Éditions de L’Harmattan, 2005, p. 82) ; « Tous les travaux de Jean-Louis Chrétien au contraire auront frappé d’impossibilité ce rêve [d’un ego absolu] : pas un livre, pas un article, qui ne montre la fragilité de notre humanité, la nudité d’une voix tremblante, ou cette heureuse blessure à laquelle nous devons de naître vraiment » (« L’aventure de la parole selon Jean-Louis Chrétien », Comprendre, Barcelone, vol. 19/2, 2017, p. 11).
  • [5]
    Jean-Louis Chrétien, Fragilité, Paris, Éditions de Minuit, 2017 (toutes les références de page données dans le corps du texte renvoient à ce livre).
  • [6]
    Platon, Protagoras 321 c.
  • [7]
    La page du Protagoras n’est pas citée dans Fragilité mais au deuxième chapitre de La Voix nue (« L’âme nue »), où Jean-Louis Chrétien ajoute ce commentaire : « La nudité de l’homme à sa naissance, dont la pensée antique donna une interprétation sans cesse reprise par la suite, n’impose-t-elle pas d’affirmer la primauté du nu ? N’est-elle pas aussi originelle qu’originaire, pour autant qu’elle n’appartient pas seulement à un état contingent, mais révèle l’essence de l’homme ? » (La Voix nue, Paris, Éditions de Minuit, 1990, p. 38).
  • [8]
    Pour un rapprochement des deux concepts lu dans l’autre sens, voir la remarque de Myriam Revault d’Allonnes à propos de Ricœur : « Ce n’est pas la finitude qui est le chiffre de la finitude humaine : c’est le mouvement qui la dépasse vers une perspective, vers un horizon, et qui procède de la situation même de l’être fini. La fragilité se substitue à la finitude » (« Cet Eros par quoi nous sommes dans l’être », Esprit, mars 2006, p. 278).
  • [9]
    La phrase, il est vrai, continue et oppose à ce premier sens de la fragilité (où elle équivaut à finitude) un autre « où elle n’appartient qu’à l’homme déchu » (191). Car les Pères ne parlent de la fragilité de notre condition qu’au titre de notre condition présente, celle qui fait suite au péché (160).
  • [10]
    Paul certes écrit en grec et parle de faiblesse, mais nous sommes en droit d’interpréter ce chemin de la faiblesse en terme de fragilité. Ce n’est pas malgré notre faiblesse ou fragilité que nous sommes capables de force, mais bien grâce à elle – ce qu’a bien dit Camille Riquier : « le faible et le fragile en nous, lorsqu’ils ploient sous le faix de l’imprévu, sont ce qui nous met en présence de ce qu’il y a de véritablement grand hors de nous, et qui fait sa force » (« Jean-Louis Chrétien ou la parole cordiale », Critique, mars 2013, p. 197 sq.).
  • [11]
    Cette pensée se trouve dans les Papirer (XII A 400, février 1850 – Ferlov et Gateau traduisent ainsi : « Ici revient la dialectique : ses souffrances ne sont point d’abord pour calmer mais pour faire peur, pour m’épouvanter. Ainsi le Christ enseigne-t-il d’abord à se broyer de contrition [désolation] … justement pour calmer après [consolation] », Journal, t. III, Paris, Éditions Gallimard, 1955, p. 324).
  • [12]
    Lueur du secret, Paris, Éditions de L’Herne, 1985, p. 7 (ce sont même les premières lignes du premier livre).
  • [13]
    « Fragilité affective » est un titre de Ricœur sur lequel Jean-Louis Chrétien ne s’arrête pas (251 note) : un chapitre de L’Homme faillible (1960), 5 pages d’un article intitulé « Le sentiment » (1959) et repris dans À l’école de la phénoménologie (1986), 6 pages d’une conférence de 1960 (« L’antinomie de la réalité humaine et le problème de l’anthropologie philosophique », reprise depuis dans Anthropologie philosophiques. Essais et conférences 3, Paris, Éditions du Seuil, 2013) et dont nous pouvons retenir au moins cette notation : « il est légitime d’achever une réflexion sur la fragilité humaine dans une philosophie du sentiment » (p. 41).
  • [14]
    L’Effroi du beau, Paris, Éditions du Cerf, 1987, p. 24.
  • [15]
    Voir Élégies de Duino (I v. 4), cité ibid. p. 24, 27, et Fragilité p. 128.
  • [16]
    Schiller, « Nänie », cité par exemple dans Theodor W. Adorno, Théorie esthétique, trad. M. Jimenez et E. Kaufholz, Paris, Éditions Klincksieck, 1989, p. 48 et Jean-Yves Lacoste, Note sur le temps, p. 132.
  • [17]
    Comme dans cette magnifique citation d’Adorno : « En rejetant le caractère fugace du beau naturel, comme, tendanciellement, de tout ce qui n’est pas conceptuel, [Hegel] se montre obstinément indifférent à ce motif central de l’art, qui est de chercher à tâtons sa vérité auprès de ce qui échappe, du fragile » (Théorie esthétique, p. 107, cité – et modifié – p. 119).
  • [18]
    Oscar Becker, « De la fragilité du beau et la nature aventureuse de l’artiste », traduit et présenté par Jacques Colette, Philosophie, n° 9, 1986, et commenté par Chrétien p. 121-131.
  • [19]
    Henri Maldiney, Ouvrir le rien. L’art nu, La Versanne, Éditions Encre marine, 2000, p. 28 – voir la citation p. 17).
  • [20]
    L’Effroi du beau, p. 30 – à comparer avec Fragilité p. 127 qui refuse de faire dépendre la fragilité du beau de notre seule expérience momentanée et vulnérable. Mais ici et là il ne peut s’agir d’une simple affaire d’esthétique.
  • [21]
    L’Effroi du beau, p. 31.
  • [22]
    Dans le premier chapitre (« Proximité de l’insaisissable »), ibid., p. 26 et 30.
  • [23]
    Au long du second chapitre (« L’épreuve humaine du beau selon Platon ») tout entier consacré au mythe du Phèdre.
  • [24]
    Ibid., p. 45.
  • [25]
    Ibid.
  • [26]
    Ibid.
  • [27]
    Ibid., p. 49.
  • [28]
    Voir sur ce point l’article d’Emmanuel Housset, « Historicité et fragilité du sens selon Husser », in Les Débris du sens, P. Hummel et F. Gabriel éd., Paris, Philologicum, 2008, notamment p. 168.
  • [29]
    Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens, Paris, Éditions Gallimard, 1996, p. 8.
  • [30]
    D’une certaine manière le programme annoncé dans la préface de La Voix nue n’aura cessé de s’écrire de livre en livre : « [Les études qui suivent] découvrent les apories des pensées de la transparence et de la clarté plénières, où tout enfin est dit, peut être dit. […] La première partie de ce livre décrit leur sens, leur origine et leur transformation, en suivant d’irréductibles failles d’ombre, qui mettent en échec toute présence totale » (o. c., p. 7 sq.).
  • [31]
    Deux tomes qui explorent au fil du roman moderne le clair-obscur de la conscience : « L’élément favori de la cardiognosie [cette exploration par l’écrivain de la conscience d’autrui] est le clair-obscur, l’ambiguïté, la contradiction ou la pluralité intérieures » (Conscience et roman II La Conscience à mi-voix, Paris, Éditions de Minuit, 2011, p. 315).
  • [32]
    Ibid., p. 307.
  • [33]
    Ibid., p. 294.
  • [34]
    Ibid., p. 307.
  • [35]
    Mot ricœurien à nouveau et qui fait l’objet de son ouvrage le plus kantien (de son aveu même), L’Homme faillible (1960) – voir Jean Greisch, L’Herméneutique comme sagesse de l’incertitude, Argenteuil, Éditions Le cercle herméneutique, p. 120.
  • [36]
    « Toute pensée radicale de l’appel implique que l’appel ne soit entendu que dans la réponse. Comment pourrait-il être entendu ailleurs ou autrement ? La question décisive est s’il peut y être tout à fait entendu … » (L’Appel et la réponse, Paris, Éditions de Minuit, 1992, p. 42).
  • [37]
    « D’une manière implicite qui fut de certains entendue, et sera explicitée dans L’Appel et la réponse (1992) y était critiquée [sc. dans L’Antiphonaire de la nuit] la pensée de Heidegger sur la parole comme correspondance (Entsprechung). C’est l’un des aspects du concept de défaillance de la réponse » (L’Inoubliable et l’inespéré, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 2000, p. 174).
  • [38]
    Sur cette aventure de la voix chez Jean-Louis Chrétien, voir, outre notre article déjà cité, « L’aventure de la parole selon Jean-Louis Chrétien », deux chapitres d’ouvrage : « Les répons fragiles » dans L’Entrée en philosophie. Les premiers mots, Paris, Éditions de L’Harmattan, 1999, et « Nommer la voix » dans Au commencement. Parole, Regard, Affect, Paris, Éditions du Cerf, 2013.
  • [39]
    Car « ce qui brise la voix en venant interrompre le cours de ses paroles, cela lui appartient encore » (Corps à corps, Paris, Éditions de Minuit, 1997, p. 142) – ici les larmes qui disent notre fragilité et à leur manière répondent (chapitre sur « Les larmes élémentaires »). Autre chapitre sur « L’humanité des larmes » dans Promesses furtives (Paris, Éditions de Minuit, 2004).
  • [40]
    Ce que montre la phénoménologie de la prière entreprise au chapitre 2 (« La parole blessée ») de L’Arche de la parole (Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 1998), ou dans un article de 1997 sur « La prière selon Kierkegaard » repris dans Le Regard de l’amour (« On ne prie jamais en vérité que d’une voix altérée, se laissant peu à peu habiter par celui que nous écoutons », Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 2000, p. 123).
  • [41]
    L’Inoubliable et l’inespéré, p. 172.
  • [42]
    L’Effroi du beau, p. 74.
  • [43]
    L’Arche de la parole, p. 201 (ce sont les dernières lignes du livre).
  • [44]
    Dictionnaire de la poésie française de Baudelaire à nos jours, M. Jarrety dir., Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 2001, p. 879 b. Et de citer ce passage, tiré de Dans la chaleur vacante : « Je m’arrête au bord de mon souffle, comme d’une porte, pour écouter son cri » (Paris, Éditions Gallimard, 1991, p. 63), dont on rapprochera tel vers de Jean-Louis Chrétien poète : « la voix au bord de la faille soudain » (Traversées de l’imminence, Paris, Cahier de L’Herne, 1989, p. 30).