Trouble dans la norme. Pour une pédagogie critique en école d’art

1Sophie Orlando est historienne de l’art et enseignante à l’école nationale supérieure d’art, la Villa Arson, à Nice. Elle écrit, édite, diffuse et partage à propos de pratiques artistiques, théoriques et pédagogiques situées dans les sphères des arts noirs et migratoires européens, et des pratiques féministes (British Black Art, Une Histoire de l’art occidental en débat, Paris, Dis Voir, 2016 ; Sonia Boyce, Thoughtful Disobedience, Presses du réel, Villa Arson, 2017). Depuis 2019, elle mène plusieurs lignes de recherche sur les approches critiques de l’éducation artistique. Récemment, elle a été à l’initiative d’une série de rencontres et ateliers en visioconférence visant à offrir un espace de réflexivité sur « Les Pédagogies critiques en écoles d’art » (1-3 décembre 2020). Ce projet est le point de départ de cet entretien conduit par Vanessa Brito, enseignante en philosophie à l’école des Beaux-Arts de Marseille.

2Vanessa Brito  :Tu viens d’organiser un colloque en ligne qui proposait une série de conférences, projections, performances et ateliers de travail autour des « Pédagogies critiques en écoles d’art  ». Quel était l’enjeu de ces rencontres ? Que visent les « Pédagogies critiques  » et quelles sont les différentes pratiques pédagogiques que ce terme recouvre ?

3Sophie Orlando : Regroupant un ensemble d’approches, la pédagogie critique a valeur de transformation sociale. Elle prend en compte les relations de pouvoir, les privilèges et les inégalités liés à la race, au genre, à la classe, aux sexualités. Il s’agit d’une approche pédagogique dont l’un des axes est la vertu réflexive et conscientisante sur les pratiques et le cadre de leur développement. Cet agir éthique est associé à une multitude d’approches (décoloniales, écoféministes, queer, critique de la norme et autres) développées notamment à partir de Paulo Freire, bell hooks et Ira Schor.

4La pédagogie critique est pratiquée et relayée par des chercheur.e.s et enseignant.e.s en sciences de l’éducation, dont Irène Pereira et Nassira Hedjerassi, co-fondatrices de l’Institut bell hooks-Paulo Freire. Irène Pereira est également fondatrice de l’Iresmo (l’Institut de recherche, d’étude et de formation sur le syndicalisme et les mouvements sociaux). Ces espaces proposent des formations, des articles, une actualité et un réseau. Tal Dor et Nacira Guénif traduisent, font connaître et contribuent à déployer des manières d’envisager la pédagogie comme une éthique.

5En écoles d’art, les livres de bell hooks circulent beaucoup et notamment grâce à la traduction en français de Ne suis-je pas une femme ? publiée aux éditions Cambourakis en 2015, puis De la marge au centre, théorie féministe, aux mêmes éditions, en 2017, et enfin le livre crucial pour une pédagogie féministe Apprendre à transgresser (Teaching To Transgress), aux éditions syllepses en 2019. Une équipe d’enseignantes des écoles de l’Isba (Besançon), de l’Erg (Bruxelles) et de la Valand Academy (Göteborg) ont lancé un programme de recherche européen intitulé Teaching to Transgress Toolbox rassemblant des étudiant·e·s autour d’axes distincts, par exemple la question de la supposée neutralité des enseignements, l’utilisation de la langue inclusive, les microagressions trans, l’écriture des subjectivités depuis les situations de vulnérabilités, etc. L’arrivée de la pandémie a eu des effets sur cette grande programmation d’ateliers européens, mais le groupe est toujours actif et continue son travail.

6Pour ma part, j’avais envie d’organiser plusieurs jours de rencontres qui favoriseraient les récits d’expériences. Les rencontres « Les Pédagogies critiques en écoles d’art » ont été pensées comme le premier volet d’une série d’invitations sous la forme d’ateliers, afin d’initier un travail au long cours entre les professeur·e·s, les étudiant·e·s en art, et les personnels concernés par la médiation et l’édition de l’art. Notre volonté était de déjouer le réflexe d’une historicisation des pratiques pédagogiques dans un format académique, tout comme la présentation de modèles internationaux de réussites. Nous avons eu envie de commencer par « le faire », c’est-à-dire d’ouvrir des ateliers participatifs, impliquant en premier lieu des étudiant·e·s, des artistes, autrices et activistes invitées à témoigner, à partager et surtout à mettre en pratique leurs propositions.

7Si j’ai assuré le suivi scientifique, l’organisation des rencontres a été mené de manière collective avec Flo-Souad Benaddi, étudiant* en 5ème année, Christelle Alin, responsable du service des publics et de la prévention de la discrimination dans l’école, et Céline Chazalviel, responsable des éditions et chargée d’enseignement. Je ne le signale pas pour de simples raisons de signatures collectives mais parce qu’amorcer ainsi ce projet était pour moi une manière de mener d’emblée une forme de déhiérarchisation des relations au savoir et d’engager différentes parties de la communauté de l’école. Pour ma part, l’étape d’organisation a été extraordinaire en termes de qualité d’échanges. Nous avons instauré des approches féministes notamment en ce qui concerne l’équilibrage des rétributions. Nous avons discuté aussi de la manière dont nos positions respectives – en termes de fonctions et de contrat – induisent une disposition et une certaine compréhension de la pédagogie comme de la recherche. Nous avons réalisé à quel point nos situations d’énonciation étaient dépendantes des conditions matérielles et symboliques. Cela a permis de faire jour également sur des présupposés et de révéler des méconnaissances sur nos métiers respectifs. Nous avons interrogé ensemble nos privilèges, nos prédispositions et attentes tout comme nos intentions.

8Nous avons donc accueilli des propositions telles que la revue étudiante participative Show initiée par Fanny Lallart, Juliette Beau et Ethan Assouline à Cergy (ENSAPC), une performance intitulée Posture(s) par Vincianne Mandrin et Nino André (diplomé·e·s de l’ENSBA Lyon), un échange sur les pédagogies trans* et féministes entre l’artiste Hélène Alix Mourrier dite H. et Flo-Souad Benaddi, ou encore un atelier d’expériences sonores et poétiques avec l’artiste Myriam Lefkowitz et l’historienne de l’art Vanessa Theodoropoulou. Et puis, il s’est tenu un débat en plusieurs volets sur la manière dont nous nous définissons (étudiant·e·s, professeur·e·s, membres du corps administratif) dans et en regard de l’institution « école d’art ». Nous avons parlé de tactiques émancipatrices ou parasitaires (comment nicker *avec* l’autorité de Claire Finch) ou de l’expérience de l’école des Magasins à Grenoble, un programme de formation professionnelle aux pratiques curatoriales en Europe fondé en 1987, et plus précisément du magasin des horizons dirigé par Peggy Pierrot pendant la direction de Béatrice Josse. Nous avons également discuté du racisme en école présent à la fois dans les enseignements en art, dans les comportements interpersonnels ou encore dans les évaluations des travaux artistiques. Cela a été l’occasion d’entendre les témoignages et de partager des récits des mouvements étudiants actuels : par des représentantes de « balance ton école d’art » (des groupes d’alerte de situations de harcèlements, de viols ou d’autres formes de discriminations notamment à l’école d’art de Besançon mais aussi à celle de Marseille) et de son corolaire reconstructif (ISBASTA), ainsi que par des membres du collectif « blackflowers » qui s’est construit en réponse à une situation de racisme invisibilisée à l’école d’art de Bordeaux (EBABX). L’artiste Isabelle Massu a ouvert une session du programme qu’elle co-dirige, Teaching To Trangress Toolbox, et des groupes de travail se sont constitués autour de la neutralité, de l’écriture depuis la douleur avec Dorothy Allison et Arun Mariada, de la formation de bingos sur l’écriture inclusive, et d’un atelier sur les microagressions trans. Enfin, Irène Pereira a proposé un webinaire dialogique sur l’agir éthique. Autrement dit, les rencontres ont été l’occasion de partager des pratiques et des récits.

9Vanessa Brito  : Pendant le colloque, tu as animé un atelier de travail avec des enseignant.e.s en école d’art basé sur des récits d’expérience. Les questions qui ont ouvert la discussion – « comment définirez-vous votre pédagogie ? » ; « quelle forme d’expérimentation pédagogique menez-vous actuellement ? » – sont celles qui ont orienté un travail d’enquête que tu mènes depuis plusieurs mois sous la forme d’une série d’entretiens individuels. Quelles ont été les conclusions que tu as tirées de ce travail d’enquête ? Pourquoi t’a-t-il semblé nécessaire d’interroger les pédagogies critiques dans les écoles d’art en particulier ?

10Sophie Orlando : Pour te répondre avec précision, il me semble nécessaire de remonter un peu dans le temps pour expliquer ma recherche actuelle. Depuis 2019, je mène un travail d’enquête sur les épistémologies féministes et en particulier les pédagogies féministes en école d’art. Cet intérêt pour l’éducation artistique remonte au milieu des années deux mille, à mes années de recherches doctorales à Londres. J’y ai découvert, d’une part, comment des étudiant·e·s racisé·e·s dans les écoles d’art britanniques avaient non seulement contesté le racisme structurel porté par les institutions culturelles britanniques et par la formation du canon artistique mais y avaient répondu en créant le tissage d’un « monde de l’art », c’est-à-dire en devenant artistes, commissaires, galeristes, théoricien·n·es de l’art, sous le nom de « Black art » au Royaume-Uni à la fin des années quatre-vingt. D’autre part, j’ai découvert aussi que les musées britanniques possèdent des départements éducatifs de recherche engagés dans une déconstruction des normes du canon occidental de l’art. En participant à des unités de recherche au Royaume-Uni (Tate Encounters 2008-2009, puis Black Artists and Modernism 2016-2018), j’ai développé une réflexion et une pratique sur les liens entre la fabrique des récits de l’art institutionnels et les présupposés de l’éducation artistique.

11Lorsque je suis arrivée comme professeure en théories de l’art à la Villa Arson en 2013, j’ai été à la fois enthousiasmée par la liberté de création pédagogique qu’offrent les écoles d’art en France et tout à fait bouleversée par le constat d’une absence de réflexion sur le racisme, le handicap, les asymétries de genre, l’absence de ressources pour les personnes en transition, et très peu de discussions sur les processus de normalisation. Bien entendu, je ne me place pas en dehors du système de l’école et j’ai moi-même intégré et reproduit des biais que je m’efforce de nommer et de déconstruire dans une attention sans cesse renouvelée. J’ai très vite constaté qu’il n’existait pas de moments dédiés à l’échange sur nos pratiques d’enseignement en école, mais que la pédagogie était pensée soit comme une organisation du planning, soit comme un espace de liberté d’expérimenter sans qu’il soit pour autant défini d’une manière ou d’une autre. Bien entendu, ce qui était d’abord une curiosité et un apprentissage est devenu une véritable question de recherche au fil des ans.

12Un autre point qui a son importance : avant même que je devienne professeure en école d’art, j’ai entendu de nombreux récits et mythes sur celles-ci, de l’ordre de la réputation, de l’aura, de la hiérarchisation des écoles sur des ouï-dire. Lorsque j’ai fait partie du jury d’évaluation du diplôme de 5ème année dans différentes écoles, je me suis aperçue de l’absurdité de ces classifications par réputation. Et lorsque j’ai voulu consulter des archives sur l’histoire des enseignements dans les écoles, à commencer par la Villa Arson, je me suis rendue compte qu’il n’y en avait pas. Pendant ma grossesse, je me suis demandée ce qui était vraiment nécessaire de poursuivre dans et après ce moment transformateur et j’ai eu envie d’aller chercher des récits pédagogiques, en particulier ceux de mes collègues enseignantes féministes ou qui appelaient par d’autres noms des pratiques pédagogiques libératrices (pour reprendre le mot de Paulo Freire) qu’elles enseignent des disciplines philosophiques, des sciences sociales, de l’histoire de l’art ou bien des pratiques artistiques. En effet, pourquoi réitérer les mythes plutôt que les pédagogies qui me semblent utiles aujourd’hui ? Je développe également depuis plusieurs mois une seconde enquête construite à partir des récits d’artistes étudiant·e·s ou d’ancien·ne·s étudiant·e·s des écoles d’art basé·e·s en France. Il me semble crucial de recueillir la parole de celles et ceux qui expérimentent les écoles et qui en sortent pour devenir artistes.

13En initiant la recherche, j’ai élaboré un questionnaire afin de définir les orientations du travail. Puis, j’ai mené des entretiens collectifs et des entretiens individuels pendant un an avec des collègues artistes, historiennes de l’art, philosophes d’écoles nationales et territoriales. Il en ressort le partage d’une pédagogie à valeur transformatrice, c’est-à-dire à visée de transformation sociale, mais sans pour autant qualifier une appartenance à un ou plusieurs courants pédagogiques spécifiques. En revanche, nombre de participantes partagent des lectures et, d’une manière ou d’une autre, un intérêt pour les textes et des modalités de travail féministes et décoloniales.

14Dans le cadre des rencontres, j’ai animé un atelier de récit d’expériences. Cette fois j’ai souhaité partir de quelques questions à la fois de récits de nos pratiques pédagogiques, et de récits de situations pédagogiques, de moments qui nous marquent profondément sans que l’on sache vraiment quoi en faire. En tant que professeur.e.s, nous avons l’habitude de présenter nos cours, mais rarement d’opérer un travail réflexif sur les moments que nous avons identifié comme réussis ou ratés, les moments problématiques où l’on pense à rebours que l’on a manqué de répartie ou qu’il aurait fallu faire autrement. J’ai cherché à créer un espace dans lequel chacun·e partage un moment d’enseignement plutôt qu’un descriptif des contenus et objectifs d’un cours ou d’un atelier. C’est une pratique qui se déploie dans le cadre des groupes de conscientisation féministes, mais aussi dans le cadre des pédagogies institutionnelles qui favorisent l’écriture de récits d’expériences professionnelles intitulées « monographies ». Je trouve très drôle la manière dont ce terme porte des sens très distincts dans l’édition de l’art et dans les sciences de l’éducation. La monographie devient dans le dernier cas un outil de recherche. Elle est issue des méthodes d’observation de la sociologie (1855) puis reprise par les sciences de l’éducation en 1882 (Arnaud Dubois, 2010). Elle sera portée par le mouvement Freinet et la revue L’Éducateur (1955-1958), qui accueillait des récits d’instituteurs, et par Fernand Oury. Pour ma part, j’ai surtout découvert cela en lisant Apprendre à transgresser de bell hooks et ses ouvrages subséquents.

15De manière assez significative, la première personne à prendre la parole a témoigné d’un écart entre son expérience féministe d’enseignement dans des formats de cours et ses possibilités d’agir dans le cadre des évaluations ou de ce que l’on appelle « les bilans ». Cette professeure a signalé que les étudiant·e·s lui reprochaient de ne pas parvenir à s’imposer lors de ces situations, alors même qu’elle entendait des propos très problématiques, mêlant du racisme, du paternalisme, du sexisme, de l’homophobie. Elle expliquait se sentir sidérée dans ces moments-là et dépassée, impuissante face au nombre de luttes à mener.

16Vanessa Brito  : J’aimerais que tu reviennes sur la performance de Vinciane Mandrin et Nino André qui interroge précisément cette situation pédagogique : le moment du bilan semestriel, pendant lequel les étudiant.e.s accrochent leur travail plastique devant un jury de professeur.e.s. Dans cette performance, Posture(s), les artistes endossent leurs rôles, performent leurs gestes et attitudes corporelles, et accompagnent ce répertoire de postures d’une analyse genrée de la répartition de la parole, livrée en voix off. C’est un travail remarquable qui favorise une « conscientisation », pour reprendre le terme de Paulo Freire, de la part des enseignant.e.s de certains comportements méprisants, discriminatoires ou sexistes. Comment ce travail artistique a-t-il été reçu au sein des écoles ? A-t-il contribué à faire bouger les choses, suscité des discussions ou des initiatives ?

17Sophie Orlando : Les artistes Vinciane Mandrin et Nino André se sont rencontré·e·s à l’école des Beaux-Arts de Lyon, où cette collaboration artistique s’est développée. Vinciane a aussi créé le club féministe Cybersistas à ce moment-là. Elle avait envie de créer un groupe dédié aux discriminations dans l’école et a également travaillé à l’écriture d’une charte éthique. C’est à partir des échanges dans ce groupe que la performance a été imaginée. Le travail a été initié par une observation participante des modalités d’expression et des comportements des étudiant·e·s et professeur·e·s en situation de bilans, autrement dit lors des évaluations semestrielles. La performance jouée par deux protagonistes se compose d’une série de postures et d’une voix décrivant des situations d’interactions de groupes de personnes identifiées parmi les enseignant·e·s masculins et féminines, les étudiant·e·s masculins et féminines. Les deux performeur·ses non-binaires sont vêtu·e·s de chemises blanches et costumes noirs, de talons ou de chaussures plates au milieu d’un mobilier de bureau. La voix décrit de manière factuelle et anthropologique des procédés de dominations et de soumission, corporels, linguistiques, interpersonnels, mais aussi des adaptations et réajustements constants afin de continuer des procédés parasitaires ou au contraire des effets de dominations. Ainsi la description est-elle cinglante. Pour exemple, les professeures femmes se font couper la parole et prennent des postures instables et maladroites, tandis que des professeurs masculins font les intéressants, s’installent de manière conquérante sur leur chaise, miment l’ennui ou encore font des apartés avec d’autres étudiant·e·s présent·es, sans respect pour la personne en train de dérouler la présentation de son projet plastique. De même, les étudiant·e·s témoignent aussi de gestes ou d’expressions d’inconfort. Cette performance a été nourrie par leur intérêt pour les pratiques drag et le fait d’incarner une posture de pouvoir et/ou de vulnérabilité. Or ces pratiques leur ont permis de prendre conscience de tactiques d’empuissancement (empowerment) ou de ressenti du corps. Aujourd’hui les deux artistes sont sollicité·e·s pour présenter Posture(s) dans d’autres écoles notamment sous la forme de workshops. Le script est libre de droit et peut donc être approprié et rejoué dans toute circonstance opportune.

18Vanessa Brito  : Dans les écoles d’art, on assiste en ce moment à une libération de la parole encouragée par les mouvements « me too » (2017-) et « balance ton porc » (2017-) qui ont précédé de quelques années le mouvement « balance ton école d’art » (2020-). Quels écarts as-tu pu constater entre les réponses institutionnelles (élaboration d’une charte éthique, constitution d’un collège zéro discrimination) et les besoins exprimés par les étudiant.e.s ?

19Sophie Orlando : Après avoir été l’oreille d’un récit de harcèlement, Tarana Burke, activiste et travailleuse sociale, a réalisé qu’elle aurait tout simplement dû répondre « moi aussi », et sortir la personne en face d’elle de son sentiment de solitude afin d’éveiller les consciences. C’est elle qui lance le terme « me too » en 2006, qui sera repris par Alyssa Milano et par des millions de personnes de tous milieux sociaux. 2017-2018 a été l’année de la libération de la parole dans 85 pays. Des femmes, mais aussi des personnes non-binaires, des queers, des trans ont déclaré avoir subi une situation intolérable. Dans les écoles d’art, ces formes d’adresses parfois anonymes, fonctionnant grâce aux réseaux sociaux, émergent et font remonter des récits de harcèlements sexuels, d’assignations racialisantes, de propos sexistes, homophobes et transphobes entre étudiant·e·s, entre professeur·e·s et étudiant·e·s mais aussi entre les membres du corps administratif, les personnels et les étudiant·e·s. Avant cela, les affaires se racontaient dans des rendez-vous individuels ou circulaient sous la forme de rumeurs. L’omerta était très forte. Malheureusement, elle est encore présente. Cette année-là semble néanmoins faire exploser le couvercle sur les situations asymétriques et les violences qui n’étaient pas prises en charge, voire qui étaient étouffées volontairement. Les modalités de travail antiracistes et antisexistes menées de manière discrète ou bien dans une indifférence générale ont tout à coup été mises en questions, lieux-ressources pour certain·e.s, lieux problématiques pour d’autres. Il est important de rappeler les initiatives individuelles d’étudiant·e·s et de professeur·e·s qui conduisaient notamment à développer des espaces de confiance, pas nécessairement pour que les affaires se disent mais pour que les personnes en situation de vulnérabilité se sentent bien et qu’elles puissent travailler. Je pense à des écoles qui ont accueilli des enseignements féministes telles que Bourges au moment de la présence de Nathalie Magnan, conjuguée à la dynamique du centre d’art Transpalette dans lequel des événements tournés vers les cultures LGBTQI+ se sont toujours tenus. Il y en a d’autres, bien entendu. L’une des grandes dynamiques du mouvement « Me Too » mais aussi de « Black Lives Matter » ou des groupes afroféministes est pour moi la bascule opérée depuis la figure de victime à celle de combattante, donc d’un espace minorisant à une personnalité incarnée et sexuée.

20À la Villa Arson, Katrin Ströbel et moi-même avons ouvert un atelier pratique et théorique depuis 2014, intitulé « situations post » dans lequel nous proposons une pensée des contextes et des épistémologies féministes décoloniales, avec un engagement notamment pour des pratiques processuelles. J’ai observé des mutations conjointes à la Villa Arson depuis lors. D’une part, l’arrivée d’une génération d’étudiant·e·s politisé·e·s et très courageux·ses, ayant envie d’adresser des questions d’identités sexuelles, raciales, mais aussi des préoccupations écologiques (Ecovilla), et un désir de s’investir dans l’accueil des migrant·e·s et exilé·e·s venant de la Méditerranée (CAVA). De l’autre côté, des demandes politiques d’adresse des discriminations sexistes et des inégalités femmes-hommes sont venues avec deux impératifs : d’une part, nommer des personnes référentes égalité dans l’ensemble des établissements publics, faisant suite à une circulaire relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique du 30 novembre 2018 et, de l’autre, rédiger une charte éthique. Un élément m’a immédiatement surprise en 2018 : aucune mention de lutte contre les discriminations raciales n’était évoquée dans la demande du ministère, seule l’égalité femme-homme était visée. À ma connaissance, aucun chantier ne témoigne d’une action quelconque sur les recrutements des emplois administratifs et techniques par exemple. Pourtant, il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que le personnel de jour dans les bureaux est blanc, et le personnel du matin et du soir est souvent noir, ou racisé. Ce qui est sous nos yeux n’est pas adressé. Or, je pense que cette représentation-là, cette racialisation blanche et noire constitue un savoir tacite. De plus, les situations asymétriques et les formes de relations de pouvoir sont de multiples natures. À l’école un groupe de réflexion informel sur les discriminations vécues a précédé un chantier d’élaboration de la charte ouvert à tous les personnels (techniques, administratifs, pédagogiques et étudiant·e·s), et nous avons abouti à une charte éthique construite sur un modèle intersectionnel.

21La nature des oppositions à l’ouverture d’un grand chantier d’action est la même partout : la circulation des témoignages pourrait faire du mal à l’école (et donc à sa réputation) ou encore que les vies personnelles des étudiant·e·s ne concernent que les intéressé·e·s, ou bien encore qu’il ne faut pas « exagérer » et qu’il est nécessaire de trouver un « équilibre » : autrement dit des voix continuent de vouloir passer sous silence des faits graves et freinent un changement des mentalités. Dans le contexte d’un atelier anti-discrimination que j’ai co-animé à l’ANDEA en décembre 2020 avec Hervé Senant, un professeur a égrené l’ensemble des arguments de déni, tout en appelant les « enseignants à se souder » contre l’incompréhension générationnelle, les influences des cultural studies américaines – qui à son avis « sont plaquées sur le modèle français » – ou encore contre « ces micro-guerres ». Il trouvait ces débats excluants. Il a même osé déclarer qu’il n’avait jamais vu autant d’étudiant·e·s insupportables, contestataires et qu’il cherchait de l’aide pour y faire face. Certain·e·s enseignant·e·s découvrent des luttes et des revendications, même si les situations sociales, les actions militantes, ainsi que les travaux de recherche existent depuis des décennies. Ces ressources sont connues, enseignées, partagées, et pourtant beaucoup de professeur·e·s cèdent à une approche anti-intellectualiste, chauvine et conservatrice de la pédagogie en art, ou encore à un héritage marxiste universaliste des luttes occidentales, sans se renseigner sur l’histoire de l’esclavage, l’histoire coloniale, l’antiracisme, la pensée postcoloniale, la pensée décoloniale, mais également l’histoire des féminismes et ses effets épistémologiques sur l’ensemble des savoirs. Les écoles d’art accueillent une réalité sociale qu’il s’agit de prendre en compte. Que faire si des professeur·e·s en poste pour quarante ans refusent d’initier une pensée des privilèges ?

22Vanessa Brito  : Tu viens de dire que tu étais surprise qu’aucune mesure contre les discriminations raciales ne soit proposée dans la circulaire de 2018 sur l’égalité professionnelle, alors que, dans les écoles d’art, il y a un nombre infime de personnes racisées. Le film de Pascale Obolo La Fabrique des contre-récits diffusé lors du colloque aborde ce sujet en questionnant le racisme ordinaire et structurel rencontré dans les institutions muséales et les écoles d’art en Belgique. L’enquête qu’elle a menée sur la place des artistes femmes dans les collections publiques des musées ne laisse pas l’ombre d’un doute : seulement 13% des œuvres acquises par ces institutions sont produites par des femmes, et on y retrouve 0% d’œuvres de femmes issues de la diaspora noire belge. En tant qu’historienne de l’art, tu cherches aussi, par ton approche féministe et décoloniale, à fabriquer des contre-récits qui déconstruisent les canons de l’art occidental. Comment conçois-tu ton enseignement de l’histoire de l’art ?

23Sophie Orlando : Le film que Pascale Obolo a diffusé lors du colloque, La Fabrique des contre-récits, démontre en quoi l’enseignement de l’histoire de l’art tel qu’il se pratique en école d’art est problématique. Elle a construit une série d’entretiens avec des artistes femmes de la diaspora noire belge. Les témoignages sont édifiants. Ce n’est pas du tout une surprise pour moi malheureusement, puisque j’observe non seulement la rareté de la titularisation de personnes racisées dans l’enseignement supérieur, mais également la conduite d’un racisme structurel et d’un déni du problème. En outre, les recherches décoloniales et féministes dans le champ de l’histoire de l’art sont rarement acceptées et valorisées par le champ académique. Je peux en témoigner. Des figures importantes telles qu’Elvan Zabunyan et Anne Lafont ne font pas oublier la quasi-inexistence de chercheures et théoriciennes de l’art noires et plus généralement racisées invitées à la table académique. Je pense constamment au livre de l’artiste Rasheed Araeen, Making Myself Visible (1984), dans lequel il publie tous les refus et les réponses en langue de bois des institutions auxquelles il envoie sans cesse des projets de réécriture des récits de l’art. Son obstination a parfois payé et il a pu réaliser notamment la revue Third Text (1987-) mais aussi l’excellente exposition The Other Story présentée à la Hayward Gallery en 1989. Cette exposition présentait le travail des artistes britanniques de généalogie africaine-caribéenne et asiatique basé·e·s ou né·e·s au Royaume Uni, tandis qu’en France nous présentions l’exposition universaliste Les Magiciens de la terre proposant un principe d’égalité entre des œuvres liées par une magie créatrice sans pour autant déconstruire les écarts entre les catégories artistiques séparant les œuvres ethnographiques des œuvres modernes européennes.

24Dans le cadre de mes enseignements, je propose systématiquement une problématisation des récits de l’art existants, et je privilégie des textes critiques et des œuvres d’artistes inscrit·e·s dans des formes d’internationalisme artistique dont Rasheed Araeen, mais aussi Ana Mendieta ou Lygia Clark. Je parle souvent des conceptualismes, autrement dit, des formes artistiques conceptuelles relues par le prisme de l’histoire des luttes des années soixante–soixante-dix, cela afin de tisser des affiliations entre ces pratiques et celles des artistes de notre époque. Aussi, ne fais-je pas exception à l’effort de décolonialisation des esprits que je revendique. Afin d’initier d’autres modalités d’enseignement, il m’a fallu entamer cette trajectoire qui n’a pas de lieu d’arrivée. L’une des premières étapes a été d’identifier les raisons de mon malaise dans les milieux académiques français en tant que transfuge de classe, héritière d’une culture de l’effacement de ses propres récits migratoires et de construction de genre afin de correspondre à une figure de la réussite intellectuelle. La seconde a été de m’interroger sur l’histoire et les privilèges associés à la tonalité de ma blanchité ainsi qu’à mon désir d’identification aux cultures antiracistes du féminisme noir. En ce moment j’écris par exemple sur les processus de racialisation et de sexuation dans la fabrique du modernisme architectural.

25Je conçois l’histoire de l’art comme la fabrique d’un récit nécessairement fragmentaire, mais aussi comme une pratique. Deux textes m’accompagnent depuis longtemps, celui de Donna Haraway sur les savoirs situés et celui de Sara Ahmed sur la rabat-joie féministe. J’aime beaucoup l’expression « trouble dans la norme » utilisée à l’occasion de la traduction en français des travaux de Judith Butler (Trouble dans le genre) qui me semble une bonne définition de mes tactiques d’enseignement. Je tiens à donner chaque année un cours aux étudiant·e·s de 1ère année fondé sur une prise de recul sur la nature construite et idéologique des récits de l’art. Ce cours d’histoire de l’art féministe et décoloniale associe des textes théoriques des féminismes Européens, Africains, d’Amérique du Sud et du Nord, des analyses d’œuvres et des vidéos d’artistes qui présentent les manières infinies de constituer des récits notamment du modernisme. J’enseigne également dans le second cycle. Sous le titre « Chercher avec », je propose de réinvestir les relations entre la construction des subjectivités, des modalités de travail artistique et des espaces politiques et sociaux dans lesquels nous évoluons au temps présent, à partir de longues sessions faisant alterner un club de lecture, une conférence, et des pratiques de yoga proposées par des membres du groupe. Je m’intéresse beaucoup aux effets libérateurs de la constitution de groupes de confiance.

26Vanessa brito  : Tu as aussi rencontré des situations de résistance à la proposition d’une pédagogie féministe et décoloniale de la part des étudiant.e.s. Certains t’ont dit : « on n’est pas là pour faire de la politique, on est là pour faire de l’histoire de l’art. » Cette résistance est entretenue par des imaginaires, mais elle est aussi réconfortée par le contexte actuel, par les déclarations du gouvernement et de quelques universitaires (je pense au Manifeste des 100) qui réclament des mesures de détection des « dérives idéologiques » qui seraient en train de faire des ravages dans l’enseignement supérieur – des enquêtes parlementaires ont récemment été ouvertes pour traquer ces idées « venues d’ailleurs » qui porteraient atteinte aux principes républicains et au devoir de neutralité qui anime le service public. Sous couvert de neutralité, les savoirs situés se trouvent décrédibilisés, les positionnements féministes et décoloniaux renvoyés au domaine de l’opinion, ou à des convictions personnelles auxquelles manquerait l’objectivité d’une recherche scientifique. Comment déjouer cette résistance et remettre en question la neutralité au sein de l’enseignement artistique ? Quels sont les différents éléments de réponse apportés par les pédagogies critiques ?

27Sophie Orlando : La neutralité au sein des enseignements fait l’objet de passions particulièrement fortes en ce moment. À l’origine, la neutralité scolaire était un principe de non-discrimination de la part des professeur·e·s vis-à-vis des attachements confessionnels et politiques des élèves. Mais cela ne recouvre pas toutes les acceptions de la neutralité, comme l’exprime « la tribune des 100 » parue le 31 octobre 2020 dans Le Monde. Dans ce cas, certains courants de pensée enseignés à l’université sont rendus responsables de « dégâts dans les esprits » et qualifiés de dérives islamistes. Autrement dit, certains courants de pensée supposément venus d’ailleurs sont placés dans une position de barbarie, « les idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales » en particulier. Le terme de neutralité dessine ainsi une frontière isolant les formes de savoir en adéquation/inadéquation aux valeurs républicaines. Certains médias mais aussi chercheur·e·s se pensent plus légitimes que d’autres et imposent des définitions, des contours et contenus de la recherche sans lire les travaux pourtant validés dans des conditions académiques. Autour du débat public suscité par le terme « islamo-gauchisme », et de l’enquête demandée par la ministre Frédérique Vidal, un entretien entre Nathalie Heinich, Rose-Marie Lagrave et Abdelalli Hajjat a été organisé sur France Culture sous le titre problématique « Le militantisme à l’université pose-t-il problème ? » (Les Temps du débat, février 2021). Il réitérait ainsi un présupposé écart entre la recherche, l’enseignement et le monde social, tout en relayant certaines questions et nécessités au militantisme. Comme l’indiquait Linda Nochlin dans son article « Pourquoi n’ya-t-il pas eu de grandes artistes femmes ? », une question mal posée charrie l’état et les limites des réponses possibles. Rose-Marie Lagrave a très bien montré que les détracteurs·trices des théories féministes se placent dans une position surplombante dans des domaines qui ne sont pas de leur compétence, en professant des jugements sans méthode académique, et Abdelli Hajjat quant à lui, a explicité qu’il a dû aller travailler en Belgique.

28Comment continuer à croire et faire croire qu’il suffit d’un tour de passe-passe énonciatif pour ôter la subjectivité dans la recherche, l’écriture et l’enseignement ou encore qu’il existe une forme de savoir sans ancrage, dessaisie d’une corporéité et d’une subjectivité ?

29Il m’arrive de rencontrer des étudiant·e·s du premier cycle étonné·e·s de ma manière d’enseigner l’histoire et la théorie de l’art. Cette résistance tout à fait saine touche à la fois à l’imaginaire entourant la discipline de l’histoire de l’art et à une conception tacite de la pédagogie. Peu de personnes se souviennent des raisons nationalistes qui ont conduit à l’émergence de la discipline et à sa professionnalisation au XIXe siècle (Michela Passini). Et certains récits de l’art à succès sont devenus des référentiels, notamment l’histoire culturelle d’Ernst Gombrich (1950) qui ne comporte aucune artiste femme. Pourquoi une telle hégémonie ? À qui ce type d’histoire de l’art profite-t-il ? Et pourquoi l’histoire de l’art – souvent réduite à une histoire des œuvres – est-elle pensée comme « un savoir bancaire », selon le terme de Paulo Freire, c’est-à-dire un ensemble de savoirs à transférer des professeur·e·s aux enseigné·e·s ?

30La pédagogie apparaît au XVIIe lors de l’accroissement du nombre d’écoles lié à l’augmentation des enfants dans les territoires urbains. L’enseignement n’est plus une éducation singulière profitant à quelques privilégié·e·s mais un travail de masse qui nécessite des locaux et des méthodes dont le contrôle des corps, la gestion du temps, la maîtrise du groupe font partie. C’est après cela que toute proposition pédagogique sera associée à l’imaginaire de la formation d’un·e citoyen·ne, d’un peuple, voire de corps de travailleurs·ses spécifiques. Une approche positiviste de la pédagogie induit la mise en retrait d’une subjectivité considérée comme néfaste et placée en opposition à l’objectivité. Derrière le binarisme de l’objectivité-subjectivité se cache la supposée « neutralité », c’est-à-dire l’approche rationnelle des savoirs, tout autant ancrée dans une histoire et un lieu que les autres.

31La « neutralité des savoirs » peut se lire comme l’étalon de la normalisation épistémique dont les origines sont directement liées à la construction de la modernité. Dans « La Situation coloniale » (1951), George Balandier remet en cause la vision positiviste de la recherche qui nie l’assujettissement des populations mais aussi la domination du chercheur induite dans ce cadre. Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon propose en 1952 une analyse des effets de la colonisation sur la construction des subjectivités et des mythes. Maintenant on peut aussi se tourner vers la philosophie africaine ou la pensée décoloniale du réseau Modernité/Colonialité-Décolonialité pour comprendre le concept de colonialité des savoirs. Pour Enrique Dussel, la conscience européenne et moderne commence, non pas avec les Lumières, mais en 1492, moment où l’Europe s’institue en référence épistémique sur tout Autre. C’est un moment après lequel le sujet moderne européen se constitue une biographie et une autobiographie, et le sujet colonial se trouve au contraire sans histoire, désubjectivé (Walter D. Mignolo). Le moment de prise de conscience de cette construction par un sujet en situation coloniale est le point de départ de la décolonisation. À qui sert la supposée neutralité des savoirs ? À qui sert l’écriture d’un savoir situé ?

32Selon Paulo Freire, « n’importe quel projet pédagogique est politique et “bourré” d’idéologie. La question qui reste posée est de savoir en faveur de quoi et de qui, contre quoi et contre qui cette politique – dont l’éducation n’est jamais exempte – est dirigée » (L’Éducation dans la ville, 1991). Les pédagogies critiques s’initient par la conscientisation afin de se construire en rupture avec les mythes intériorisés. Elles permettent de sortir d’une passivité dans la relation au savoir, à ses modalités de transmission (bell hooks) et de développer une éthique. Aussi ne constituent-elles pas une méthode ou encore des outils d’apprentissage, mêmes si certaines modalités sont privilégiées telles que l’enseignement dialogique, la critique et la formation du jugement, mais aussi le fait de relier des contenus à des expériences vécues, à un vocabulaire provenant du quotidien des personnes enseignées.