La langue claire de Descartes
1En juin 1637 paraît à Leyde (Pays-Bas), sans nom d’auteur et en français le Discours sur la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Pour le premier texte qu’il publie, Descartes choisit donc l’anonymat – et le français, qui le lève partiellement.
2Les circonstances historiques, politiques, religieuses expliquent sans peine l’anonymat. Descartes, qui travaille depuis quelque temps à une Physique, dont les principes devaient être exposés dans le livre encore en projet, craint depuis la seconde condamnation de Galilée (1633) les foudres de la Sorbonne. Il renonce, non sans regrets, à publier ce traité auquel il tient beaucoup, mais décide d’expliquer la méthode qui lui a permis d’avancer dans ses recherches et d’obtenir des résultats qu’il juge probants, y compris en physique.
3Quant au français, il n’apparaît guère dans ce contexte comme le meilleur moyen de séduire, encore moins de convaincre les graves Docteurs de la Sorbonne. Alors ?
4Même si le français n’est pas en philosophie d’un usage tout à fait inédit, la publication du Discours dans cette langue n’en constitue pas moins un geste remarquable, sur lequel l’esprit du temps, qui dépasse de beaucoup la personne – et l’œuvre – de Descartes, jette un peu de jour.
5Il s’agit d’abord, ce n’est pas douteux, de viser un public autre que celui des théologiens et des doctes ; mais le projet philosophique qui consiste à promouvoir la clarté et la raison rencontre comme naturellement sur sa route les préoccupations politiques et linguistiques du temps. En 1635 a été fondée l’Académie Française, dont la tâche première devait être « de travailler avec tout le soin possible à donner des règles certaines à notre langue, à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences [1] ». Or, l’idée de méthode, que promeut le Discours, implique entre autres choses que les « règles » (à l’établissement desquelles travaille aussi Descartes), puisque la raison les fonde et les légitime, ne vaillent pas seulement pour le domaine dans lequel elles sont d’abord formulées. Et l’on voit d’autre part que ne sont étrangers aux tout jeunes académiciens ni le souci de la certitude, ni celui de la clarté, ni surtout celui d’une visée qui embrasse les arts en même temps que les sciences.
6Descartes, qui ne fut jamais académicien, fut admiré de plusieurs d’entre eux : de Chapelain, qui en fait l’aveu dans une lettre à Balzac [2] ; de Jean de Silhon, avec qui Descartes correspond régulièrement, et à qui il fait lire le Discours avant même sa publication ; de Balzac lui-même bien sûr, avec qui il s’entretient longuement et amicalement et dont il apprécie la conversation et l’intelligence [3]. Il n’est pas douteux d’ailleurs, et la chose à été maintes fois remarquée, que la démarche cartésienne qui consiste à ne pas dissocier langue et raison, raison et langue, eut non seulement sur le français mais sur sa grammaire et, plus largement, sur la linguistique une influence déterminante [4]. Le français de Descartes, celui du Discours donc, arrive à son heure : orientant exactement un paysage linguistique, politique, poétique dont il reçoit lui-même sens et relief.
7Voire. Tout n’est pas dit pourtant sur le français de Descartes s’il est seulement ainsi appréhendé comme de l’extérieur, dans l’entrelacs des circonstances, des contraintes, des encouragements, de l’effervescence intellectuelle et politique sans lesquels il n’aurait jamais constitué en effet un geste philosophique vraisemblable. La clarté est certes un postulat, voire un idéal, que l’époque partage, et que Descartes ne fait peut-être que rendre plus visible, mieux pensable que ses contemporains ; mais la clarté dont l’auteur du Discours doit entretenir le monde des savants, des philosophes, de tous ceux, qu’ils appartiennent ou non à ce monde, qui ont le bon sens en partage, cette clarté est philosophique : l’idée de la science ne lui est pas étrangère, ni celle des corps, ni de la pensée, ni de l’âme, ni de Dieu même – elle touche à l’essentiel. Descartes ne se fait pas faute de théoriser la chose en même temps qu’il l’inaugure – ou quasi.
8Les quelques réflexions sur la langue, ou les langues, qu’on trouve dans son œuvre (une ou deux dans le Discours de la méthode, quelques-unes dans des préfaces, presque toutes les autres dans sa correspondance) ne sont jamais séparables de sa visée philosophique – et même plus précisément méthodique. La chose est frappante : le philosophe ne s’autorise pas d’une science, d’une intelligence, d’une position de savoir quelconque pour dire la vérité sur un sujet qui préoccuperait, qui diviserait une communauté en débat ou seulement curieuse, encore moins pour dire ce que serait le « génie » de telle ou telle des deux langues dont il a tour à tour usé ; les quelques propos qu’il a tenus sur les langues, Descartes les rapporte à un travail en cours, à un projet. La langue n’est pas pensée par lui comme un instrument plus ou moins bien affûté pour dire la vérité (si c’était le cas il se limiterait, quel que soit le projet, à l’usage d’une seule), mais comme le véhicule le mieux adapté à une situation, à une entreprise, à un contexte, à un propos, à un discours théorique.
9Tantôt le français donc, tantôt le latin, étant bien entendu qu’on ne dit pas la même chose selon qu’on écrit dans l’une ou l’autre de ces deux langues.
10Affaire de public, on l’a dit suffisamment [5], et Descartes le premier [6]. Mais affaire aussi de clarté et d’obscurité – autant dire de philosophie.
11À Mersenne [7] qui lui objecte que le Discours explique mal comment son auteur connaît « que l’âme est une substance distincte du corps, et dont la nature n’est que de penser, qui est la seule chose qui rend obscure [je souligne] la démonstration touchant l’existence de Dieu », Descartes, donnant acte à son exigeant et docte lecteur [8], répond précisément par les langues. Il représente à Mersenne que pour conduire une semblable démonstration il eût fallu expliquer « amplement la fausseté ou l’incertitude qui se trouve en tous les jugements qui dépendent du sens ou de l’imagination, afin de montrer ensuite quels sont ceux qui ne dépendent que de l’entendement pur, et combien ils sont évidents et certains ». Ce qui n’eût été possible, conclut-il, que dans la langue des doctes. Il confesse sans difficulté qu’il l’a « omis tout à dessein, et par considération, et principalement à cause [qu’il a] écrit en langue vulgaire, de peur que les esprits faibles venant à embrasser d’abord avidement les doutes et scrupules qu’il [lui] eût fallu proposer, ne pussent après comprendre en même façon les raisons par lesquelles [il eût] tâché de les ôter, et ainsi [qu’il] les eût engagés dans un mauvais pas, sans peut-être les en tirer ». Il ajoute d’ailleurs qu’il n’exclut pas en principe de recourir au latin – mais plus tard, dans un autre texte que celui-ci et qui, bien sûr, n’aura pas la même visée [9].
12Qu’on y prenne garde. On serait loin des intentions de Descartes si on traduisait cette opposition « latin vs français » en termes de plus ou moins grande pertinence ou exactitude, et même de plus ou moins grande clarté ; si on prêtait à l’auteur du Discours la pensée que le français serait la langue permettant d’offrir la version simple, accessible au plus grand nombre, d’un sujet dont la complexité véritable exigerait, si l’on voulait qu’il soit parfaitement entendu, le recours à une langue rompue aux subtilités de la métaphysique.
13En vérité, c’est presque le contraire. Si Descartes se refuse absolument à l’éventualité d’une réécriture, à l’ajout d’une note ou d’une préface qui lèverait ou préviendrait un malentendu, c’est que le français à ses yeux, loin d’être l’outil nouveau que réclamerait une philosophie nouvelle, est partie réellement prenante de cette philosophie – une philosophie qui, pour le dire vite, ne dissociera plus ses thèses ni de leur énoncé, ni de leur adresse, ni du mode de cette adresse ; d’une philosophie qui régulièrement, et non moins résolument, mettra en œuvre ce qu’elle promeut – et cela dans le geste même de cette promotion. Ou, pour le dire vite : le français est la langue méthodique. Ce qui signifie, la méthode étant essentiellement performative, qu’il n’est pas l’outil de la thèse, mais la thèse même.
14Ce que Mersenne dit obscur, Descartes tient que c’est au contraire – et pour raison de langue, précisément – la clarté même :
15Cependant je me persuade que ceux [de mes lecteurs en français] qui prendront bien garde à mes raisons touchant l’existence de Dieu les trouveront d’autant plus démonstratives qu’ils mettront plus de peine à en chercher les défauts, et je les prétends plus claires en elles-mêmes qu’aucune des démonstrations des géomètres : en sorte qu’elles ne me semblent obscures qu’au regard de ceux qui ne savent pas abducere mentem a sensibus [détacher l’esprit des sens], suivant ce que j’ai écrit.
16Glosons un peu. Le latin, langue des géomètres, des doctes de toutes sortes, des docteurs de toutes obédiences et confessions, le latin est la langue de la démonstration, conduite selon des tenants connus et maîtrisés par ceux qui se reconnaissent, même s’ils la contestent, dans la tradition de la philosophie ; ceux pour qui la solution d’un problème n’est séparable ni de son histoire, ni des termes dans lesquels cette histoire l’a transmis jusqu’à eux ; ceux qui au fond ne croient pas qu’on puisse penser dans une langue dont la pensée n’est pas l’unique fonction. La langue vulgaire (le français n’est qu’une langue parmi une infinité d’autres sur lesquelles il n’a aucun titre à prévaloir en principe [10]), langue où la pensée est pour ainsi dire incarnée, langue des femmes, des paysans, langue autrement partagée quoi qu’il en soit que celle des doctes – la langue vulgaire n’est certes pas celle de la démonstration ; mais parce qu’elle permet d’apercevoir clairement quelles « raisons » sont « démonstratives » et quelles non ; parce qu’en elle la vérité n’est pas reçue (au terme d’une démonstration sans réplique) mais atteinte, au prix de quelque peine active et décidée (« d’autant plus démonstratives qu’ils mettront plus de peine à en chercher les défauts […] »), la langue vulgaire est par excellence la langue de la philosophie cartésienne.
17D’où il ressort non seulement qu’un texte écrit en français (par exemple) ne vise évidemment pas le même public qu’un texte écrit en latin, mais qu’il ne saurait non plus formuler les mêmes propositions. On en viendrait presque à dire que les textes de Descartes sont intraduisibles. Ou du moins que, traduits, ils ne disent pas tout à fait (sinon du tout) la même chose que dans leur première version. Et de fait il n’y a guère d’exemple d’un texte de Descartes qui au moment où il est traduit, dans un sens ou dans l’autre, ne soit de sa part l’objet d’un commentaire, presque d’une révision. Le Discours de la méthode est écrit (d’abord) en français, il ne « traduit » donc rien à proprement parler, mais il n’est pas contestable qu’il reprend sous une autre forme et dans une perspective entièrement novatrice, quelques-unes des Regulae écrites (en latin) une dizaine d’années auparavant. Quant aux Meditationes de Prima Philosophia, Descartes en revit comme on sait la traduction minutieusement, non sans en modifier assez profondément le texte et l’esprit [11]. La lettre « À Messieurs les Doyen et Docteurs de la sacrée faculté de théologie de Paris » qui figure en tête de l’ouvrage reprend d’ailleurs les termes mêmes qu’il employait dix ans auparavant dans sa lettre à Mersenne pour exposer les difficultés que représente à ses yeux l’expression philosophique [12]. La chose est également vraie des Principes, dont Descartes commenta même la traduction [13].
18Le latin n’est donc pas la langue universelle qu’on dit. Pas plus d’ailleurs que le français, malgré les efforts que les Messieurs de Port-Royal déploieront dans leur Grammaire pour en faire la langue rationnelle par excellence. L’universel est bien le problème, pourtant. Et nul doute que le travail accompli par Descartes en matière de langue ne doive tenir ce fil en même temps que celui de la clarté. Or, la langue propre à un tel usage est à forger. À forger de toutes pièces. Et cette invention, nécessaire indiscutablement, et même sans doute urgente, ne peut se faire dans l’ignorance de la philosophie. À l’automne 1629, soit dans les moments où il écrit (en latin) les Regulae, Descartes reçoit de Mersenne le projet d’un certain Hardy qui a jeté les bases d’une langue nouvelle et universelle, une sorte d’esperanto si l’on comprend bien. Projet intéressant, dit Descartes en substance, mais qui restera invraisemblable aussi longtemps que ne le soutiendra pas un projet philosophique. Car la langue de l’universel, dont nul évidemment ne nierait les attraits, reposerait toute, si elle devait jamais voir le jour, sur des idées et notions universelles, c’est-à-dire universellement claires :
19L’invention de cette langue dépend de la vraie philosophie ; car il est impossible autrement de dénombrer toutes les pensées des hommes, et de les mettre par ordre, ni seulement de les distinguer en sorte qu’elles soient claires et simples, qui est à mon avis le plus grand secret qu’on puisse avoir pour acquérir la bonne science. Et si quelqu’un avait bien expliqué quelles sont les idées simples qui sont en l’imagination des hommes, desquelles se compose tout ce qu’ils pensent, et que cela fût reçu par tout le monde, j’oserais espérer ensuite une langue universelle fort aisée à comprendre, à prononcer et à écrire, et ce qui est le principal, qui aiderait au jugement, lui représentant si distinctement toutes choses, qu’il lui serait presque impossible de se tromper [14].
20On ne saurait plus clairement dire que la question de la langue et la question de la philosophie n’en forment en vérité qu’une seule et même. Ce qui ne signifie pas seulement que les linguistes ou apprentis linguistes prétendraient sans vraisemblance pouvoir travailler sans les lumières de la philosophie, mais que les philosophes ont évidemment à se soucier de la langue non comme d’un objet particulier parmi les objets du monde, mais comme d’un problème : celui de leur mode d’expression. Il n’est question ici, il faut le noter, ni du latin, dont Descartes s’est servi pour écrire les Regulae qu’il ne donnera jamais au public [15], ni du français, dont il fera l’essai pour son Discours de la méthode, paru sans nom d’auteur ; mais d’une langue d’expression originale, inédite, inouïe dont s’approchent chacune à sa manière et selon son mode les deux langues dont il a usé alternativement.
21Descartes au fond est un auteur bilingue. Un peu à la manière de Beckett qui, on le sait, n’a jamais renoncé à une langue pour une autre mais qui, usant de l’une et de l’autre tour à tour ou simultanément, cherche à infléchir leur physionomie, leur disposition, leur usage, à les plier à son projet poétique inouï, sans qu’on puisse rapporter son œuvre à l’une seulement des deux langues qu’il a travaillées. La langue que cherche à forger Descartes, langue inexistante donc, mais dont il postule la nécessité, permettra en un seul geste d’énoncer, de prendre en compte et de mettre en œuvre l’évidence, la simplicité, la « distinction » des idées dont les pensées humaines ne sont que la combinaison complexe. Une langue claire en somme.
22C’est le Discours de la méthode, premier des textes que publie Descartes, qui donne de cette langue claire l’idée la plus juste – précisément parce que le texte en fait à la fois l’essai et la théorie. Mais avant de rappeler comment il justifie son usage du français, un mot du projet méthodique lui-même. Le livre publié en 1637 comporte deux parties distinctes, que nomme le titre sans mystère : Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences – plus : La Dioptrique, Les Météores et La Géométrie qui sont des essais de cette méthode. On ne connaît en général que la première partie du Discours, souvent d’ailleurs publiée sans les trois « essais » qui la suivent. Or les deux parties ont en commun le souci de la lumière : au sens propre, dans « La Dioptrique », dont le Discours Premier a pour titre, précisément, « De la lumière » ; au sens figuré, dans le Discours lui-même, qui relate, comme on sait, les voies suivies par Descartes pour se délivrer de ces erreurs communes « qui peuvent offusquer notre lumière naturelle, et nous rendre moins capables d’entendre raison [16] ».
23À propos de la lumière – physique, donc – l’essai sur la dioptrique avance une curieuse proposition :
24Or, n’ayant ici d’autre occasion de parler de la lumière, que pour expliquer comment ses rayons entrent dans l’œil, et comment ils peuvent être détournés par les divers corps qu’ils rencontrent, il n’est pas besoin que j’entreprenne de dire au vrai quelle est sa nature, et je crois qu’il me suffira que je me serve de deux ou trois comparaisons qui aident à la concevoir en la façon qui me semble la plus commode, pour expliquer toutes celles de ses propriétés que l’expérience nous fait connaître, et pour déduire ensuite toutes les autres qui ne peuvent pas si aisément être remarquées.
25La lumière n’est pas la réalité : seulement ce qui permet qu’elle apparaisse (la « clarté » de même, dans le Discours, n’est pas la vérité, mais sa condition). Il est remarquable que Descartes renonce d’emblée à dire quoi que ce soit de direct sur la lumière, et qu’il assume résolument la nécessité du recours à la figuration (en l’occurrence la comparaison) pour en dire quelque chose qui vaille, c’est-à-dire qui permette l’énoncé de propositions vraies [17]. Ce qui autoriserait presque qu’on lise ce traité sur la Dioptrique comme l’expression figurée de la question méthodique…
26Car le Discours est à peu de choses près confronté au même problème que l’essai sur la lumière. Il s’agit bien, pour son narrateur comme pour l’auteur du traité sur la dioptrique, d’aller à la vérité. Pour laquelle deux voies se proposent : étudier en soi-même, étudier dans les livres [18]. Cette alternative n’est peut-être pas si éloignée que cela de la première des trois comparaisons développées par Descartes dans le premier discours de la Dioptrique. Lorsqu’il fait nuit, dit-il, ou que l’on est aveugle, on prend connaissance de ce qui nous entoure non par la lumière mais par l’entremise d’un bâton le long duquel remontent toutes les informations nécessaires à l’appréhension de la réalité – la même, bien sûr, qu’on y voie ou non. Ne méprisez pas le bâton, dit Descartes, il est capable de nous renseigner aussi bien, et mieux, que la lumière pour peu qu’on en sache l’usage [19].
27La lumière est à l’œil ce que la « clarté » est à l’esprit. Et pour œuvrer à la clarté, on peut, si l’on n’est pas aveugle, « étudier en soi-même » ; mais on peut aussi, à condition qu’on ait l’habitude des livres, qu’on connaisse la tradition dans laquelle ils s’inscrivent, qu’on soit familier de leurs modes, qu’on maîtrise leurs codes, leurs usages, on peut se fier à leurs discours, à ceux qui les entendent et en restituent doctement le sens.
28Le latin n’est certes pas la langue des aveugles ni le français celle des voyants. La comparaison dit malgré tout quelque chose de ce qui les distingue.
29La lumière n’est autre chose, dans les corps qu’on nomme lumineux, qu’un certain mouvement, ou une action fort prompte et fort vive, qui passe vers nos yeux par l’entremise de l’air et des autres corps transparents, en même façon que le mouvement ou la résistance des corps, que rencontre cet aveugle, passe vers sa main, par l’entremise de son bâton [20].
Exposition HF | RG [Harun Farocki | Rodney Graham], Jeu de Paume du 7 avril au 7 juin 2009, curatrice Chantal Pontbriand.
30S’il fallait nommer l’écueil menaçant la langue vulgaire, dont les avantages sont considérables et l’emportent sans doute dans le Discours sur les inconvénients, il faudrait chercher du côté de cette vivacité précisément, de cet « allant » qui oblige l’auteur à des raccourcis, à des ellipses dommageables. Dommageables du moins pour un esprit habitué à une langue qui n’a pas d’autre référent que mental et dont la lenteur est non pas méthodique mais si l’on ose dire cursive, c’est-à-dire imposée par l’appareil textuel et conceptuel. On se souvient de la lettre à Mersenne [21] : les doutes que le latin aurait en effet exposés posément (« amplement », dit Descartes) mais avec l’idée de les réfuter plus tard, auraient été perçus, s’ils avaient été énoncés dans une langue vulgaire, comme des objections auxquelles le lecteur, « esprit » toujours plus ou moins « faible [22] », aurait souscrit sans examen ni discernement, avant même que le texte les révoque. Il n’est pas question d’aller vite, ni de brûler les étapes. Mais à la lenteur textuelle ordinaire, savante, patiente et même docile, presque passive, il s’agit de substituer une lenteur non pas plus réfléchie, non pas peut-être même plus « raisonnée », mais « raisonnante », et surtout active : au fond, une lenteur méthodique. C’est précisément ce qu’espère Descartes du français, où l’on se souvient que les raisons exposées sont d’autant plus « démonstratives » qu’on lit plus lentement, et d’autant plus « claires » qu’elle diffèrent précisément des « démonstrations des géomètres ». Il y a entre les deux voies toute la distance qui sépare une connaissance « intuitive » d’une connaissance mentale dûment déduite [23]. Militer pour la méthode, Descartes le dit sans cesse ni défaut, c’est militer en faveur de l’initiative personnelle, de la lenteur, de la patience, de la peine – du temps long quoi qu’il en soit. Autant de dispositions nécessaires que la langue vulgaire est plus apte qu’une autre (que l’autre) à favoriser, même si elle n’a évidemment (et heureusement) pas en elle-même la vertu de les imposer. C’est en tout cas ce que représente Descartes à ceux de ses lecteurs que déconcertent les ellipses qu’explique – et justifie – l’usage du français [24].
31La langue vulgaire n’est pas en elle-même plus claire que le latin ; elle ne permet pas non plus d’aller d’un pas plus alerte, ni donc de parvenir par des voies plus directes à la clarté, condition nécessaire de la vérité. Si elle convient pourtant – et convient seule – au projet du Discours, c’est précisément parce qu’en ses termes, en ses tours, en sa syntaxe, la méthode qu’il entend promouvoir n’y sera pas, du coup, seulement exposée, mais mise en œuvre.
32Il s’agit donc de forger à cette fin complexe une langue qu’on puisse dire vulgaire sans que ce mot suffise à la définir ; une langue impliquant entre l’auteur et son lecteur une sorte de relation empathique [25], impossible lorsque la langue choisie pour conduire la démonstration est seulement soucieuse de logique pure, qu’elle demeure abstraite des personnes et des circonstances.
33Mais quelle langue ? Quel français ? Répondre à cette question, c’est, après de nécessaires considérations historiques et contextuelles, après un examen, comme de l’intérieur, d’une logique proprement philosophique, entrer dans un troisième ordre de raisons. Non l’ultime, non l’essentiel. Mais un ordre dont relève incontestablement le texte du Discours et qui l’affecte en chacune de ses parties, de ses phrases, de ses figures. Et nul ne prétendra – ne prétendra sérieusement – qu’un discours, fût-il philosophique, puisse être considéré dans l’abstraction de son appareil textuel. Ce qui est vrai absolument l’est à plus forte raison du Discours dont le mode est méthodique, c’est-à-dire performatif ; et dont l’exigence théorique, si impérieuse qu’elle soit, a probablement maille à partir avec un lien plus ancien, plus profond, plus intime. En un mot, plus subjectif.
34Pour être philosophe, on n’en est pas moins écrivain. Le rapport de Descartes au français est aussi celui d’un homme dont le parcours familial, intellectuel, militaire même, lui a fait fréquenter des gens de conditions diverses ; lire des livres de factures, de langues et de genres différents ; entendre ou lire des langues variées ; rêver des rêves mémorables.
35De cela le Discours ne parle pas. Ou guère. Ou à demi mots. Et ce qui y est dit du français lui-même tient en peu de mots :
36Et si j’écris en français, qui est la langue de mon pays, plutôt qu’en latin, qui est celle de mes précepteurs, c’est à cause que j’espère que ceux qui ne se servent que de leur raison naturelle toute pure jugeront mieux de mes opinions que ceux qui ne croient qu’aux livres anciens. Et pour ceux qui joignent le bon sens avec l’étude, lesquels seuls je souhaite pour mes juges, ils ne seront point, je m’assure, si partiaux pour le latin, qu’ils refusent d’entendre mes raisons pour ce que je les explique en langue vulgaire [26].
37« La langue de mon pays », donc, plutôt que « la langue de mes précepteurs ». J’accorde beaucoup d’importance quant à moi à ces deux périphrases.
38D’abord parce qu’elles revendiquent haut et fort la première personne du singulier. Il est remarquable que Descartes, parle du « français » plutôt que de la « langue vulgaire », comme il va le faire dans un instant ; et que cette langue dont il revendique l’usage soit désignée non comme celle d’une communauté anonyme, ou celle qu’exigerait une fonction ou un type de texte précis, mais comme la langue de la communauté linguistique à laquelle il appartient. Le latin de même n’est pas, dans ce premier temps, la langue des savants, ou des doctes, ni celle qui convient à la tradition ou au savoir, encore moins celle de l’Église, mais la langue dont se sont servis pour l’instruire et pour communiquer entre eux ses maîtres du Collège de La Flèche. La revendication d’une implication personnelle à la question des langues est discrète, mais elle n’est pas niable : cette première personne, dont le Discours fait un usage si résolu, si neuf aussi, et dont Descartes a contribué si lucidement à faire voir l’ambiguïté (on dit aussi bien dans le Discours « je pense, je suis » que « j’ai été nourri aux lettres dès mon enfance ») reste donc, jusque dans les toutes dernières lignes du Discours une première personne du singulier Descartes.
39Ensuite parce que l’opposition qu’elles instaurent n’est pas entre des humains (les savants vs le peuple, par exemple), même proches de lui (mes parents vs mes maîtres), mais entre le pays que Descartes s’est résolu à quitter et les maîtres avec lesquels il a pris une distance aussi résolue que figurée. Ce n’est pas la première fois dans le Discours qu’est évoquée cette distance, et l’on peut dire sans crainte vraisemblable de se tromper que cette fin de la Sixième et dernière partie répond à la fin de la Première :
40Mais, après que j’eus employé quelques années à étudier ainsi dans le livre du monde, et à tâcher d’acquérir quelque expérience, je pris un jour la résolution d’étudier aussi en moi-même, et d’employer toutes les forces de mon esprit à choisir les chemins que je devais suivre. Ce qui me réussit beaucoup mieux, ce me semble, que si je ne me fusse jamais éloigné ni de mon pays ni de mes livres [27].
41La méthode donc, si l’on entend bien, est résultée d’un double éloignement : géographique et culturel. Non plus la France, mais le monde ; non plus les livres, ni les Doctes qui les écrivent ou les commentent, mais « le livre du monde ».
42Le français, « langue du monde » pour ainsi dire, convient à cet éloignement, la fin du Discours le confirme, qui oppose langue du pays et langue des précepteurs. Mais si l’on comprend sans mal que le choix du français aille en effet à l’encontre de la tradition à laquelle Descartes a été formé, on ne voit pas qu’il manifeste un éloignement semblable ou comparable par rapport au pays dont la nostalgie, a-t-on dit, l’a point si fort en son exil qu’il a donné à la fille tant aimée et si tristement pleurée qu’il eut d’Hélène Jans, sa compagne hollandaise, le nom de Francine.
43La langue du Discours est bien le français si l’on veut, mais c’est un français « éloigné », un français dont l’usage, la syntaxe, la grammaire, les tours, les figures, doivent produire un effet que le français ne produirait pas seul, et dont le latin est, non par nature mais par tradition, incapable. Quel effet ? Quelque chose comme un effet méditatif. Les Meditationes de Prima Philosophia qui paraîtront à Leyde quelques années après le Discours (1641) sont des méditations, certes : méditations fictives, construites, dont la relation, conduite selon l’ordre logique de la démonstration, amènera comme nécessairement le lecteur à y souscrire. Au lieu que le français du Discours, s’il opère selon le projet de celui qui le forge, ne conduira pas le lecteur à acquiescer aux conclusions de son auteur, mais à formuler lui-même les conclusions que l’appareil textuel l’invitera à tirer au terme d’une méditation librement entreprise. Autrement et peut-être un peu sommairement dit : on lit les Meditationes (écrites dans le latin de l’École), on médite le Discours (écrit dans cette langue claire et méthodique qu’est le français de Descartes) :
44Et pour vous, Monsieur, et vos semblables, qui sont des plus intelligents, j’ai espéré que s’ils prennent la peine, non pas seulement de lire, mais aussi de méditer par ordre les mêmes choses que j’ai dit avoir méditées, en s’arrêtant assez longtemps sur chaque point, pour voir si j’ai failli ou non, ils en tireront les mêmes conclusions que j’ai fait [28].
45Et puis – et puis il y a sans doute encore autre chose. Le français est sans doute pour Descartes la langue dont on use lorsqu’on veut s’adresser aux « curieux, qui ne sont pas doctes » ; mais c’est aussi la langue de l’esprit, de la grâce. La langue des fables, des romans. La langue de l’imagination. À Desargues qui lui demande en quelle langue il est selon lui préférable de publier son Traité des Sections Coniques, Descartes ne fait guère d’effort pour répondre impartialement. Si vous vous adressez aux curieux dans leur langue, dit-il,
46il est certain que vos termes, qui sont français et dans l’invention desquels on remarque de l’esprit et de la grâce, seront bien mieux reçus, par des personnes non préoccupées [sans préjugés] que ceux des Anciens ; et même ils pourront servir d’attrait à plusieurs, pour leur faire lire vos Écrits […] Mais si vous avez cette intention, il faut vous résoudre à composer un gros livre, et à y expliquer si amplement, si clairement et si distinctement que ces Messieurs, qui n’étudient qu’en bâillant, et qui ne peuvent se peiner l’imagination pour entendre une proposition de Géométrie, ni tourner les feuillets pour regarder les lettres d’une figure, ne trouvent rien en votre discours qui leur semble plus malaisé à comprendre qu’est la description d’un palais dans un roman [29].
47Ce français-là, dont Descartes recommande l’usage à un mathématicien, en usera-t-il lui-même en philosophe ? Oui, sans doute, et à chaque fois qu’il le pourra. Et lorsque la chose lui sera impossible (pour cause de latin, par exemple), il ne manquera pas de le déplorer. On sait qu’il parle lui-même du Discours comme d’une « fable [30] », et il est remarquable qu’il accompagne la traduction en français de ses Principes non seulement d’une longue « Lettre de l’auteur à celui qui a traduit le livre, laquelle peut servir ici de préface », montrant clairement par là que la « traduction » sèche d’un ouvrage est inapte à en donner une idée véritable ; mais aussi d’une revendication plutôt surprenante pour un philosophe : « J’aurais aussi ajouté un mot d’avis touchant la façon de lire ce livre, qui est que je voudrais qu’on le parcourût d’abord tout entier ainsi qu’un roman, sans forcer beaucoup son attention ni s’arrêter aux difficultés qu’on y peut rencontrer [31] ».
48Je n’ai jamais cru qu’il faille tenir pour insincère l’aveu d’admiration pour l’éloquence et pour la poésie que Descartes a tenu à inscrire pour ainsi dire en frontispice du Discours : « J’estimais fort l’éloquence, et j’étais amoureux de la poésie ; mais je pensais que l’une et l’autre étaient des dons de l’esprit, plutôt que des fruits de l’étude. » Et si l’on doutait encore que c’est du français qu’il est ici question – et du moyen de parler grâce à lui une langue claire : « Ceux qui ont le raisonnement le plus fort, et qui digèrent le mieux leurs pensées, afin de les rendre claires et intelligibles, peuvent toujours le mieux persuader ce qu’ils proposent, encore qu’ils ne parlassent que bas breton, et qu’ils n’eussent jamais appris de rhétorique ».
49Les Cogitationes privatae, rédigées en latin par Descartes à une époque où il n’a pas encore une conscience absolument claire de son œuvre à venir [32], crédite la poésie d’une autre profondeur que la philosophie – et d’une autre lumière :
50Il peut paraître étonnant que les pensées profondes se rencontrent plutôt dans les écrits des poètes que dans ceux des philosophes. La raison en est que les poètes ont écrit sous l’empire de l’enthousiasme et de la force de l’imagination. Il y a en nous des semences de science, comme en un silex ; les philosophes les extraient par raison ; les poètes les arrachent par imagination : elles brillent alors davantage.
51Ce sont ces étincelles qu’il s’agit de saisir, du moins de ne pas laisser échapper. Si la langue claire de la philosophie que cherche à promouvoir Descartes ne peut être enfermée toute dans le latin des philosophes, c’est qu’il ne fait aucune part à l’imagination, à laquelle il n’est question de dénier ni la profondeur ni la lumière. Si le bon sens est en effet également et universellement partagé, un peu de sa lumière, se résumât-elle à quelques brèves et fulgurantes lueurs, est enclos dans la langue dont les hommes sont les usagers ordinaires : celle de la vie la plus quotidienne. Celle aussi des songes et des fables qui l’éclairent en vérité.
Notes
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[1]
Art. 24 du Décret de fondation.
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[2]
Décembre 1637, soit quelques mois après la publication du Discours.
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[3]
Lettres à Balzac des 15 avril et 5 mai 1631.
-
[4]
La Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal (1660) a beau être postérieure à Descartes (mort en 1650), il ne fait pas de doute pour les linguistes, par exemple Chomsky, ou pour les philosophes, par exemple Foucault, qu’elle est « cartésienne ».
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[5]
Cf. H. Gouhier : « Descartes a écrit en français et en latin, selon le public auquel il s’adresse » (La Pensée métaphysique de Descartes, 1961, Paris, Vrin, p. 76) ; ou A. Badiou : « Commence avec Descartes, liée au choix du français, la conviction qu’il faut adresser le discours philosophique aux femmes, que la conversation des femmes d’esprit est un mode d’approbation et de validation beaucoup plus important que tous les décrets des doctes » (article « Français », in B. Cassin, Vocabulaire européen des philosophies, 2004, Paris, Seuil, le Robert, p. 466).
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[6]
Il écrit à Desargues qui hésite pour son futur Traité de Sections Coniques entre le français et le latin : « Vous pouvez avoir deux desseins, qui sont fort bons et fort louables, mais qui ne requièrent pas tous deux même façon de procéder. L’un est d’écrire pour les doctes […] et l’autre est d’écrire pour les curieux qui ne sont point doctes, et de faire que cette matière qui n’a pu jusqu’ici être entendue que de fort peu de personnes et qui est néanmoins fort utile […] devienne vulgaire et facile à tous ceux qui la voudront étudier dans votre livre » (lettre du 19 juin 1639).
-
[7]
Lettre écrite de Leyde, mars 1637.
-
[8]
« J’avoue que ce que vous en écrivez est très vrai, […] cela rend ma démonstration touchant l’existence de Dieu malaisée à entendre. »
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[9]
« Mais il y a environ huit ans que j’ai écrit en latin un commencement de Métaphysique, où cela est déduit assez au long, et si l’on fait une version de ce livre, comme on s’y prépare, je l’y pourrai faire mettre. » (Ibid.)
-
[10]
« Qui doute qu’un Français et qu’un Allemand ne puissent avoir les mêmes pensées ou raisonnements touchant les mêmes choses, quoique néanmoins ils conçoivent des mots entièrement différents ? », Réponse traduite du latin par Clerselier à la Quatrième des Objections de Hobbes (« Troisièmes Objections ») aux Méditations métaphysiques (in Descartes, Œuvres et Lettres, présentées par André Bridoux, Paris, 1953, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p. 405).
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[11]
« Sous prétexte de revoir ces versions, dit Adrien Baillet son biographe, il se donna la liberté de se corriger lui-même, et d’éclaircir ses propres pensées. De sorte qu’ayant trouvé quelques endroits où il croyait n’avoir pas rendu son sens assez clair dans le latin pour toutes sortes de personnes, il entreprit de les éclaircir dans la traduction par quelques petits changements qu’il est aisé de reconnaître à ceux qui confèrent le français avec le latin. »
-
[12]
« Encore que j’estime que celles [mes raisons] dont je me sers ici, égalent, voire surpassent en certitude et évidence les démonstrations de géométrie, j’appréhende néanmoins qu’elles ne puissent pas être suffisamment entendues de plusieurs, tant parce qu’elles sont aussi un peu longues, et dépendantes les unes des autres, que principalement parce qu’elles demandent un esprit entièrement libre de tous préjugés et qui se puisse aisément détacher du commerce des sens », Méditations métaphysiques, in Œuvres et Lettres, op. cit., p. 260 ; cf. également la lettre à Mersenne de mars 1637 (Ibid., p. 960-961).
-
[13]
Depuis 1647, date de la publication de la traduction de Picot, bien sûr revue par Descartes, cette « Lettre de l’auteur à celui qui a traduit ce livre – laquelle peut ici servir de préface » figure en tête de toutes les éditions des Principes. André Bridoux dans sa notice fait remarquer que les différences relativement importantes observables entre les versions latine et française ne sont pas le fait du traducteur, mais de Descartes lui-même (Op. cit., p. 551-552).
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[14]
Lettre à Mersenne du 20 novembre 1629.
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[15]
Ce texte, resté achevé, fut publié à Amsterdam en 1701, soit près de 50 ans après la mort de Descartes.
-
[16]
Fin de la Première Partie.
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[17]
Il ajoute que ce recours au langage figuré le fera ressembler aux astronomes « qui, bien que leurs suppositions soient presque toutes fausses ou incertaines, toutefois, à cause qu’elles se rapportent à diverses observations qu’ils ont faites, ne laissent pas d’en tirer plusieurs conséquences très vraies et très assurées » (La Dioptrique, in Œuvres et Lettres, Op. cit., p. 181).
-
[18]
Fin de la Première partie du Discours.
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[19]
« Il est vrai que cette sorte de sentiment est un peu confuse et obscure, en ceux qui n’en ont pas un long usage ; mais considérez-la en ceux qui, étant nés aveugles, s’en sont servis toute leur vie, et vous l’y trouverez si parfaite et si exacte, qu’on pourrait quasi dire qu’ils voient des mains, ou que leur bâton est l’organe de quelque sixième sens. » (Ibid., p. 182)
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[20]
Ibid.
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[21]
Cf. ci-dessus et n. 7-9.
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[22]
« Mais j’ai eu peur que cette entrée, qui eût semblé d’abord vouloir introduire l’opinion des sceptiques, ne troublât les plus faibles esprits, principalement à cause que j’écrivais en langue vulgaire », Lettre à Silhon de mars 1637.
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[23]
« En s’arrêtant assez longtemps sur cette méditation, on acquiert peu à peu une connaissance très claire, et si j’ose ainsi parler intuitive de la nature intellectuelle en généra » (Loc. cit).
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[24]
Cf. à ce propos la lettre à Silhon de mars 1637 et ci-dessous n. 25.
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[25]
« J’ai espéré, dit Descartes, que s’ils prennent la peine, non pas seulement de lire, mais de méditer par ordre les mêmes choses que j’ai dit avoir méditées […] ils en tireront les mêmes conclusions que j’ai fait », Ibid.
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[26]
Dernière page de la Sixième et dernière partie du Discours de la méthode.
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[27]
Ce n’est pas une question tout à fait indifférente philosophiquement de savoir si la notion d’éloignement ici revendiquée par le narrateur du Discours relève ou non de la figure de rhétorique connue sous le nom de zeugma (« vêtu de probité candide et de lin blanc »). L’idée d’un éloignement seulement géographique irait dans le sens d’une réponse affirmative ; mais le contexte donne peu de vraisemblance à cette interprétation : l’éloignement géographique a des implications –et des vertus – évidemment épistémologiques.
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[28]
Lettre à Silhon, mars 1637.
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[29]
Lettre du 19 juin 1639.
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[30]
« Mais ne proposant cet écrit que comme une histoire, ou, si vous l’aimez mieux, que comme une fable, en laquelle, parmi quelques exemples qu’on peut imiter, on en trouvera peut-être aussi plusieurs autres qu’on aura raison de ne pas suivre, j’espère qu’il sera utile à quelques-uns » (Première partie).
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[31]
Œuvres et Lettres, Op. cit., p. 564.
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[32]
Au cours des années 1619-1620.