Intériorité profonde, immédiateté de la transparence et pauvreté de l’expérience : trois prismes sur la guerre moderne
Tous les murs ; les murs qui protègent et réverbèrent, se sont, du fait de la guerre, terriblement amincis. Il n’y a plus de principe qui justifie d’écrire ; plus de public pour vous répondre ; la tradition elle-même est devenue transparente. De là une certaine énergie, une certaine témérité, bonne d’une part, mauvaise de l’autre, si je puis dire : mais c’est la seule conduite à tenir.
I
1« Aufklärung : c’est un concept qui vient des sciences de l’esprit. Aufklärung : c’est un mot qui appartient au langage militaire. » Ces mots sont répétés en voix off dans le film-essai Images du monde ou inscription de la guerre [2], montage documentaire du cinéaste allemand Harun Farocki, qui explore les relations entre guerre moderne, vision et image. Aufklärung, c’est-à-dire le mouvement qui éclaire : d’un côté, l’élucidation par la connaissance – Aufklärung désigne en allemand la pensée des Lumières ; de l’autre, la reconnaissance dans la guerre. Connivence, dans les termes, entre l’effort pour « éclairer » par la raison – éclairer les peuples, éclairer le monde – et l’éclairage comme pratique militaire, qui connaît son âge d’or avec la reconnaissance aérienne (Luftaufklärung). Cette évocation, où le nom des Lumières prend soudain les traits de la guerre, vient juxtaposer l’une à l’autre des scènes qu’on aurait voulu maintenir séparées, rangées dans les tiroirs respectifs de la guerre et de la paix. D’un côté la pente du progrès, où les peuples une fois suffisamment éclairés parviendront à dépasser la guerre, de l’autre l’organisation de la violence et de la destruction.
2Images du monde et inscription de la guerre explore la collusion entre le perfectionnement de machines de vision et l’intensification de la violence de guerre. Des machines de vision [3], c’est-à-dire des ensembles machiniques qui configurent la vue. Ici, des appareillages qui viennent accroître l’éclairage et participent à la production d’un certain idéal de la vision : idéal d’une visibilité continue, sans obstacle. Toute une logistique de la perception est mise au service de la guerre : on introduit dans l’arsenal militaire l’appareil photographique et la caméra, l’avion et sa perspective surplombante, et toute une série de techniques visant à dévoiler les secrets et les leurres de l’ennemi. Collusion qui peut aller jusqu’à la fusion, lorsque l’« éclairage » se met à coïncider avec l’opération de destruction elle-même. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, on commence à appareiller les avions-bombardiers avec des caméras, afin d’assurer une meilleure visibilité des frappes. Lors de la guerre du Golfe, laboratoire de la guerre à distance, on commence à coupler directement missiles et caméras [4]. « La photographie, qui aperçoit, la bombe, qui détruit : cela coïncide à présent [5] ». Cette coïncidence se joue sur plusieurs dimensions. L’avion-bombardier est à la fois un terrain d’expérimentation pour l’usage militaire des caméras, et une arme qui prend pour siège l’espace aérien, espace continu, transparent et sans obstacle, qui configure une vision verticale, et administre dans le même mouvement une violence unilatérale. D’autre part l’avion, c’est aussi un symbole de l’idée d’une paix universelle, qui vient réaliser l’unité du globe et la réalisation effective des échanges à l’échelle planétaire [6].
3Connivence entre le mouvement qui éclaire le monde et l’intensification, par cet éclairage, de la destruction : Adorno et Horkheimer, dans La Dialectique de la raison, se démènent avec cette ambivalence, au cœur du mouvement de l’Aufklärung. « De tout temps, l’Aufklärung au sens le plus large de pensée en progrès, a eu pour but de libérer les hommes de la peur et de les rendre souverains. Mais la terre, entièrement éclairée, resplendit sous le signe des calamités triomphant partout [7] ». C’est une véritable aporie de la raison qui, plus elle se rend totale, plus elle annihile toute force qui subsisterait au-dehors d’elle, et plus elle se détruit elle-même. Ce faisant, Adorno et Horkheimer explorent dans leur propre grammaire philosophique un diagnostic sur la modernité qui reviendra sans cesse sous une série de variantes, qui prendra la forme d’une véritable obsession du xxe siècle. Il s’agit de voir le geste fondamental de la modernité dans la mise à découvert du monde, sa percée à jour qui y déloge tout ce qui relevait de l’opacité et du mystère. « Il ne doit pas exister de secret, pas plus que le désir d’en révéler [8] ». Mise à jour du monde dans lequel le sujet est à son tour mis à découvert, intégré de manière de plus en plus totale aux processus d’objectivation qu’il pensait maîtriser – « auto-aliénation des individus qui doivent modeler leur corps et leur âme sur les équipements techniques [9] ».
4Cette mise à découvert du monde apparaît, surtout depuis la Première Guerre mondiale, de plus en plus comme un mouvement qui voue le monde à la violence. Or en même temps (et dans un même mouvement, diraient Adorno-Horkheimer), c’est une époque qui est traversée par de nouveaux appels des profondeurs : obsession, nourrie par les fascismes, pour l’événement qui permet de faire rupture, de reconquérir une profondeur et une authenticité de l’action historique dans un monde de plus en plus privé d’intériorité, voué aux forces qui l’exposent à une violence infinie. On cherche, dans un monde de plus en plus mis à découvert, une expérience qui puisse conférer une nouvelle intériorité à la politique.
5Or c’est la guerre qui, justement, prête le mieux le flanc à cette nouvelle recherche d’intériorité. La guerre devient le lieu, de part et d’autre des deux Guerres mondiales, depuis lequel se déploie une double scène de la violence, entre exposition et profondeur : d’une part un monde de plus en plus à découvert, où tout semble exposé à la violence, et où la violence semble de plus en plus continue et illimitée ; de l’autre, la guerre ne va pas cesser d’être réinvestie par de nouveaux appels des profondeurs, de nouvelles requêtes d’intériorité. C’est ce que Walter Benjamin laisse entendre dans son fragment Vers le planétarium, à la fin de son livre-montage Sens unique qui paraît en 1928 : dans une modernité traversée par le désenchantement du monde et la perte du sacré, la Guerre totale se présente à la fois comme ce qui accomplit ce mouvement moderne de mise à découvert, et simultanément comme le lieu où vient se réaffirmer, sous les traits mêmes de la technique, une nouvelle expérience du sacré [10].
6C’est à ce double mouvement, qui voue le monde à la guerre deux fois – dans le geste de sa mise à découvert, et dans les appels des profondeurs qui prétendent y répondre –, que le présent texte est consacré. Plus précisément, il s’agira de dégager une prise à partir de laquelle des courts-circuits à l’intérieur de ces mouvements totalisants deviennent pensables. On y puisera pour ce faire chez Walter Benjamin, dont les écrits des années trente sont hantés par la nécessité d’extraire la pensée de l’horizon de la guerre. Or ses tentatives pour arracher l’histoire à son cours catastrophique sont comme prises en tenaille entre ces deux mouvements et leurs dialectiques infernales : d’un côté les fantasmagories d’harmonie sociale d’un Palais de Cristal [11], mais qui ne cesse d’accumuler en arrière-fond l’exploitation, la misère et la destruction, de l’autre les nouvelles invocations fascisantes du sacré et de ses mystères, au sein de, et dans les termes mêmes de l’ère machiniste [12]. Un tel saut historique est porté par la double idée, tournée vers le présent, qu’il existe toujours, d’une part, une politique qui se pense par la guerre, et qui compte sur celle-ci pour lui conférer une intériorité, tandis que d’autre part, les paix que nous connaissons sont sans cesse prêtes à prendre les traits de la guerre, où l’une et l’autre sont embarquées dans des mouvements de collusions et de glissements permanents.
II
7C’est dans Expérience et pauvreté, qui paraît en 1933, soit cinq années après Sens unique, que se dessine la possibilité d’une telle prise. La Grande guerre réapparaît dans ce texte, mais cette fois Benjamin n’en parle plus comme du lieu où s’affirme une nouvelle expérience du sacré, mais au contraire comme le lieu depuis lequel se répand une nouvelle pauvreté : une pauvreté de l’expérience elle-même, une pauvreté en intériorité. Si on considère les deux textes ensemble, se dégage une intuition qu’on peut reconstruire comme suit : dans une époque traversée par la perte de l’expérience, la guerre technique soumet à la tentation de sauver l’intériorité sur un mode sublimé. Le geste de Benjamin consiste alors à résister à un tel appel pour au contraire trouver une manière d’affirmer cette nouvelle pauvreté qui s’affirme plus que jamais avec la guerre.
8Or une sorte de bizarrerie retient en ce point notre attention : pour donner corps à cette pauvreté en expérience, que je propose de lire comme ce qui vient résister aux nouveaux appels des profondeurs, Benjamin convoque dans Expérience et pauvreté le motif de l’habitat de verre, comme l’espace qui conviendrait en propre à cette nouvelle pauvreté. Celle-ci a plusieurs visages, et le renoncement au secret est l’un d’entre eux. Le verre lui donne sa forme, ou plutôt son matériau. « Le verre, ce n’est pas un hasard, est un matériau dur et lisse sur lequel rien n’a de prise. Un matériau froid et sobre, également. Les objets de verre n’ont pas d’“aura”. Le verre, d’une manière générale, est l’ennemi du secret. Il est aussi l’ennemi de la propriété [13]. » Benjamin vient s’inscrire, ce faisant, dans toute une tradition de fictions, tantôt utopiques et tantôt dystopiques, qui accompagnent l’entrée du verre dans l’histoire industrielle, et qui en font le matériau d’une psyché mise à nu, transparente, privée de toute intériorité. Autrement dit, le verre est ce matériau qui par excellence rejoint les exigences de mise à découvert, d’éclairage. Benjamin écrit, dans son essai Sur le surréalisme : « Vivre dans une maison en verre est, par excellence, une vertu révolutionnaire. Cela aussi est une ivresse, un exhibitionnisme moral dont nous avons grand besoin. La discrétion sur ses affaires privées, jadis vertu aristocratique, est devenue de plus en plus le fait de petits-bourgeois arrivés [14] ». En se fabriquant ses secrets, l’individu moderne se fabrique lui-même. Il a besoin pour cela d’un espace intérieur et privé, à soi, protégé par des murs opaques dans lequel il peut laisser ses traces. C’est une figure spécifique du secret qui apparaît ici. On la retrouve chez Simmel qui voit, dans cet espace privé et cette intériorité personnelle, l’abri dans lequel le secret vient se réfugier lorsque le social se met à fonctionner selon une exigence de publicité de plus en plus généralisée [15]. Alors jusqu’à quel point Benjamin, convoquant l’image d’une maison de verre et refusant donc la possibilité d’un tel refuge, ne rejoint-il pas cette exigence sans réserve de mise à découvert que Adorno et Horkheimer lisaient dans la « pensée en progrès » qu’est l’Aufklärung, et dont ils exposaient la dialectique guerrière ? Malgré la méfiance radicale de Benjamin vis-à-vis de la pensée du progrès [16], Michaël Löwy considère à ce titre qu’Expérience et pauvreté appartient à une courte « parenthèse progressiste [17] » dans la pensée de Benjamin. Au contraire, il me semble qu’il faut voir jusque dans l’enthousiasme moderniste qui imprègne ces textes une tentative de résister, et de résister radicalement, à la catastrophe continuée du progrès. Quelque chose qui nous indique cela dans le texte, c’est justement que ces nouvelles manières d’habiter le monde, dont les imaginaires de verre seraient le signe, sont des manières pauvres. Il s’agit d’apprendre à vivre avec une nouvelle pauvreté dont fait l’épreuve la génération qui survit à la Grande Guerre. Il ne s’agit pas d’ouvrir la voie d’une nouvelle marche victorieuse de l’histoire après la débâcle, mais d’explorer les potentialités de la perte.
9Cela ne veut pas dire, en retour, que l’évocation du verre par Benjamin soit sans relation avec les exigences de mise à découvert et à leurs retournements guerriers. Au contraire, il ne s’agit pas de prétendre séparer à nouveau ce dont Adorno-Horkheimer, ainsi que Farocki, montraient la collusion. À ce titre, la manière qu’a Benjamin d’invoquer le verre est tout à fait différente de sa première grande apparition dans une utopie révolutionnaire, l’apparition du Palais de cristal de Paxton dans le roman Que faire ? de Tchernychevski [18] (qui inspirera le Que faire ? de Lenine). Dans ce roman socialiste d’avant-garde qui date du milieu du xixe siècle, le Palais de Cristal apparaît, dans un monde dominé par la violence de l’exploitation, comme un rêve qui viendrait dépasser cette dernière. Alors que dans Expérience et pauvreté, l’évocation d’une habitation en verre est tout entière imbriquée dans des images de la violence. Elle fictionne des manières d’y résister, mais en partant de sa proximité avec elles, et non en rêvant leur dépassement. Il s’agit de penser à partir de ce qui se trame, là, maintenant. L’utopie se construit ici depuis les données du réel, dans la radicalisation même de ses traits les plus inquiétants.
10L’image spatiale d’un habitat de verre comme possibilité d’affirmer la pauvreté en expérience vient répondre, en effet, à une image spatiale de la dévastation : celle du paysage du front, que Benjamin décrit comme l’espace au sein duquel le cours de l’expérience a chuté. Il écrit, au début d’Expérience et pauvreté : « Une génération qui était encore allée à l’école en tramway hippomobile se retrouvait à découvert dans un paysage où plus rien n’était reconnaissable, hormis les nuages et, au milieu, dans un champ de forces traversé de tensions et d’explosions destructrices, le minuscule et fragile corps humain [19]. »
11L’image invoquée ici par Benjamin est celle, en particulier, du no man’s land, ce paysage de planète morte dans lequel la dévastation s’étendait à perte de vue, et qu’il fallait traverser, entièrement exposés aux tirs des mitrailleuses et de l’artillerie. Or le paysage du front est justement un espace dans lequel s’est condensé, imbriqué, cette « double scène historique » évoquée plus haut, entre mise à découvert et nouveaux appels des profondeurs. Il s’agit en effet d’un espace que la destruction a métamorphosé en immense désert, où il n’est pas possible de se cacher et qu’il est pourtant nécessaire de traverser, où le soldat se trouve exposé à une violence qui s’exerce à l’aveugle. Et en même temps – comme s’en inquiète Benjamin dans son texte Théories du fascisme allemand, qui est une attaque en règle contre l’ouvrage collectif De la guerre et des guerriers dirigé par Ernst Jünger –c’est un lieu où vient se réaffirmer, se revendiquer, se fabriquer, une nouvelle expérience vécue.
12« L’expérience vécue », c’est dans ces termes exacts qu’Ernst Jünger, en 1922, aborde ce qu’il présente comme la réalité intime de la guerre. Le titre de ce texte, Der Kampf als inneres Erlebnis, narration aux accents mystiques de son expérience du front, insiste même doublement sur la dimension de profondeur de cette expérience : c’est une « Erlebnis » (à la différence de l’« Erfahrung », mot par lequel Benjamin désigne cette expérience qui selon lui s’est appauvrie), une expérience prise dans sa dimension vécue, vitale même, qui en plus de cela est « inneres », intérieure. Il écrit, au sujet de la guerre de 14 : « jamais encore une génération n’a resurgi par un portail aussi grandiose et ténébreux que cette guerre », elle « est entrée en nous », « nous » qui pensions avoir « résolu les énigmes de l’univers », « fils d’une époque enivrée de matière » dans laquelle « le progrès semblait un accomplissement », et « la lunette et le microscope les organes de la connaissance. » Mais, ajoute-t-il, sous cette « coque toujours plus brillamment polie » dans laquelle s’était enfermée la civilisation moderne, ont continué de couver les forces élémentaires, que la guerre a fait rejaillir en déchirant ce voile d’apparences et de conventions [20].
13« Nous avons plongé tête baissée dans ce vécu, et nous en revenons autres que nous ne fûmes [21]. » Étrange retour de la profondeur qui se condense pourtant, pour ce combattant de première ligne qu’était Jünger, dans un lieu, un paysage rendu totalement désert. Jünger lui-même dira du paysage du front, dans Orages d’acier, qu’il « avait une transparence de verre. » Il écrit, dans le même passage, qu’il s’y sentait étranger à sa propre personne, comme s’il s’était « observé de loin à la jumelle [22]. » Pourtant, c’est bien dans ce même espace que Jünger voit en la guerre la révélation la plus intime, la plus intérieure de l’homme. C’est pour répondre à la question « qu’est-il arrivé tout au fond [23] ? » qu’il se tourne vers une telle expérience, qui a lieu dans la guerre comme événement et qui est la guerre dans sa réalité intérieure. L’intériorité qui s’affirme ici n’est pas celle de l’individu moderne. C’est au contraire comme s’il ne subsistait plus, dans un tel espace, aucun de ces abris dans lesquels celui-ci trouvait refuge, dans lesquels il pouvait se fabriquer une intériorité au caractère privé. Au milieu du no man’s land, c’est justement l’exposition la plus totale qui devient le lieu du retour de la profondeur. Lorsque le Collège de sociologie, en particulier Caillois et Bataille, reprendront à leur compte l’expérience intérieure de Jünger, ils la reliront explicitement comme le lieu d’une nouvelle expression du sacré, un retour du sacré dans les termes de la modernité, là où celle-ci, en mettant le monde à découvert, l’avait désenchantée [24]. Dans un tel espace, l’expérience ne peut que ressurgir sous la forme d’une expression totale. À l’extrême opposé de tout retrait dans les affaires privées, elle se fait le lieu à l’intérieur duquel une nouvelle époque surgit, fait évènement. C’est cette nouvelle expérience qui vient, dans cette lecture-là, redonner une intériorité à l’histoire et à la politique.
14Si l’exigence de luminosité maximale se pense comme la levée de tout secret, la réaffirmation de la profondeur coïncide-t-elle avec son retour ? C’est ce qu’induit Caillois lorsqu’il dit que la guerre totale, dans cette exaltation que nous transmet Jünger, devient « tout ensemble le sacrement et l’extase, le symbole et le secret [25] ». Benjamin, dans L’Œuvre d’art, fait lui aussi allusion à cette réhabilitation du concept de secret par la sublimation de sa forme cultuelle – mais pour marquer la nécessité de résister à une telle réhabilitation. La ré-invocation du secret témoigne ici, pourrait-on dire, d’un non-respect de la perte. Et c’est de là que naîtrait le danger. Au sens strict, cette réhabilitation est vouée à l’échec, mais ce faisant elle produit des effets nouveaux, catastrophiques – dont Benjamin dira d’ailleurs, dans l’épilogue de L’Œuvre d’art, qu’ils mènent droit à la guerre. Et il est vrai que cette exigence d’une expression totale de la profondeur, qui vient une bonne fois pour toutes « déchirer le voile des apparences », ne permet en aucun cas les jeux entre le visible et l’invisible que le concept de secret suppose toujours. À travers l’exigence de révélation absolue et sans dehors, l’invocation du secret semble se muer en son autre. Paradoxalement, la mise à découvert du monde et l’exigence d’une intériorité profonde partagent un même impératif de mise à nu radicale.
15Si le texte sur le combat comme expérience intérieure de Jünger est, par ses extrapolations métaphysiciennes permanentes, une fabulation sans fin, c’est une fabulation qui se nourrit sans cesse de l’événement. Jusque dans ses traits les plus mystiques, il y a une très grande historicité de ce texte dans la mesure où cette « expérience totale » que décrit Jünger s’ancre directement dans les conditions de la guerre de matériel : condensation de forces destructrices qui puisent leurs énergies jusque dans les nerfs d’activité les plus intérieurs de la vie sociale [26]. Au vu de cela Benjamin, dans Expérience et pauvreté, permet la formulation d’une proposition puissante : l’idée que la Première Guerre mondiale confronterait l’humanité à la nécessité – mais aussi par là même à la possibilité – de renoncer à la profondeur. Tout recommencer en reprenant les choses par leur surface. Il y a là quelque chose comme un cri : refuser à la dévastation toute intériorité. Refuser de dire qu’elle est l’expérience intime à l’intérieur de laquelle tout vient être refondé. Il y a quelque chose de puissant dans le fait d’avoir su poser une telle affirmation justement en ce point-là de l’histoire : affirmer la possibilité d’une prise radicale par la surface, là même où la violence n’avait jamais encore tant été totalisée.
16Le verre : matériau transparent, matériau froid et lisse sur lequel on ne laisse pas de traces, ennemi du mystère et de la propriété. Le verre est comme le matériau de cette fiction, qui donne une matérialité à la pauvreté en expérience. La perte de l’expérience, ce n’est dès lors pas un vide, une béance, au contraire c’est une table rase [27]. Le motif révolutionnaire de la table rase est une image spatiale : l’idée d’une surface où on aurait tout effacé, qu’on aurait parfaitement lissée, vidée de toute aspérité. Benjamin en parle comme d’un plan, un plan d’architecte. Et le verre serait ce matériau par lequel cette pauvreté peut faire l’objet d’une construction. On aurait deux images qui se répondent, de part et d’autre de ce geste de table rase invoqué par Benjamin : d’un côté l’image du paysage du front, champ de forces destructrices, paysage dévasté, de l’autre le verre, matériau lisse et transparent.
17Que l’image d’une maison de verre habitée par des hommes qui ont fait le deuil de leur expérience résiste aux appels des profondeurs, cela paraît évident. Mais, à l’inverse, en quoi résiste-t-elle à la catastrophe continuée du progrès, à l’idée d’un éclairage du monde qui n’arrêterait pas de prendre les traits de la destruction ? C’est dans la mesure même où il y a connivence, et donc point de contact, qu’il y aurait possibilité de résister. Mais on sent en même temps le péril que cela comporte : car le point de contact, s’il permet d’établir une résistance, est aussi ce qui permet de faire relai, de relancer. En quoi l’invocation du verre, qui joue sur les qualités mêmes de la dévastation, ne fait-il pas signe vers une continuation, une solidification du ravage ?
III
18L’organisation de la pauvreté passe par une réinvention de l’espace : le verre offrirait la possibilité d’une affirmation après la dévastation. Il ne s’agit pas d’un abîme à sublimer, mais d’un espace sans relief auquel ne peuvent convenir que des matériaux pauvres. Ce qui pose la question : en quoi la perte, ainsi matérialisée, pourrait-elle être autre chose que l’inscription du ravage à même la quotidienneté ? Car il y a bien une tendance de la guerre à s’inscrire à même l’organisation et la construction des espaces. Avec la Seconde Guerre mondiale et le bombardement des villes européennes, la table rase – ou la liquidation des traces – trouve d’ailleurs un nouveau visage : la destruction massive des tissus urbains, suivie par des reconstructions commandées dans une large mesure par une vision architecturale fondée sur la liquidation du passé [28]. Reconstructions qui reposent avant tout sur ces matériaux qui accompagnent l’essor de la grande industrie, et dont Benjamin dit qu’ils sont les matériaux de la pauvreté en expérience : le béton, le fer, le verre. Selon Paul Virilio, témoin des bombardements alliés de Nantes, là où les ruines laissaient encore place à la mémoire des lieux, la reconstruction balaye jusqu’aux traces de la destruction et accomplit ce faisant, sur son propre plan, la liquidation commandée par les bombardements. Dans L’Insécurité du territoire, il écrit : « Les zones bombardées portaient encore une espérance incertaine, les zones nouvellement construites ne portent aucune autre espérance que celle de leur destruction future [29]. » La dévastation par la destruction est relayée par une construction effective de la dévastation, sa solidification, une manière de la faire perdurer indéfiniment. Dans le même ouvrage, Virilio fait d’autre part allusion aux architectures de verre. Il les évoque dans un passage qui laisse entrevoir cette autre version de l’histoire, dans laquelle les architectures de verre jouent le rôle non pas de cette fiction qui résiste à la totalisation de l’horizon de la guerre, mais au contraire comme ce qui vient le relancer, en l’inscrivant à même l’organisation des espaces. Ce que Virilio dit, dans ce passage, c’est qu’on sent déjà percer, dans les utopies révolutionnaires qui ont rêvé d’architectures de verre, leurs traits intrinsèquement totalitaires. L’image utopique de la maison commune porterait déjà en elle le fantasme ubiquitaire du regard policier, et la rationalisation militaire de l’espace. Autrement dit, Virilio donne à penser la manière dont les utopies de verre peuvent se laisser traduire dans les termes de la violence du pouvoir et de la guerre. Saisir les opérations ici en jeu permettra, en retour, de trouver des manières de résister à cette traduction.
19Virilio écrit : « L’architecture de verre, qu’on appelle parfois “architecture de lumière”, est issue d’une vision idyllique de la société : celle d’un échange constant, d’une intercommunication entre les groupes habitant une même unité, un même îlot. C’était la vision optimiste des années vingt, directement inspirée de la maison commune des utopistes russes. » Or, ajoute-t-il immédiatement, « tout cela est fort loin et la réalité urbaine est toute autre » ; en effet, « derrière le mythe d’une naturalité retrouvée, d’un ensoleillement maximal, s’insinue celui de l’ubiquité ». L’architecture de verre, « symbole d’une société transparente », est en fait et en cela-même symbole d’une société « surexposée à l’obscénité du regard policier », où « on abuse en effet de cette image d’une mise au jour, d’un dévoilement des espaces intérieurs. » Il affirme ensuite que cet idéal dont nous font hériter les architectures de verre des années vingt, l’idéal pacifiste de vie commune qu’elles véhiculent, traduisent et intègrent en elles-mêmes des nécessités militaires, les portent dans leur principe même [30]. Cette traduction tient, dans le raisonnement de Virilio, au fait que les architectures de verre reposent sur le principe d’un éclairage sans obstacle, éclairage qui permet un regard depuis lequel tout peut être visé. Cette portée maximale, sans obstacle, de la visée du regard, vaut également pour la visée de l’arme [31] : « la fonction de l’arme et celle de l’œil sont voisines ». On retrouve, intriqué aux architectures de verre, le même geste qu’explore Farocki, qui rabat l’un sur l’autre le plan de l’éclairage et du visible et celui de la destruction. Il y a aurait énormément de choses, dans ce passage, à déplier, à différencier, à rendre dans leurs genèses propres : les utopies russes de la maison commune, le cyber-idéal d’une intercommunication permanente et transparente, les dispositifs de contrôle policier, la rationalisation militaire de l’espace… Sans s’attarder sur la pertinence ou non de tels enchaînements, ce que je voudrais relever ici, c’est l’opération qui permet à Virilio de les annexer – avec une telle apparente facilité – les unes aux autres, de les embarquer dans un seul et même mouvement, mouvement de totalisation de la violence qui traverse d‘autre part tous ses textes.
20Virilio rappelle que les architectures de verre sont aussi appelées, parfois, les architectures de lumière. Et c’est bien comme cela qu’il en traite : le verre, ici, n’est rien d’autre qu’un véhicule de la transparence, véhicule qui fait passer la lumière et le regard. Il rejoint ce faisant, mais par son versant dystopique, toute une fascination pour le verre comme matériau toujours au bord de sa propre dématérialisation. C’est en tant que véhicule de la transparence qu’il apparaît comme relai au sein de tous ces mouvements de la violence. Car la transparence, en effet, est l’un des prismes à travers lesquels Virilio lit la prolifération et l’intensification de ces mouvements. C’est un concept qu’il active en relation avec une série d’autres concepts, tels que celui d’esthétique de la disparition [32], de guerre faite au milieu [33], d’horizon négatif [34]. Tous ces concepts s’inscrivent dans une lecture de la modernité, en particulier de ses espaces et de ses technologies – ou plutôt de leurs mutations au xxe siècle – depuis l’idée d’une mise à découvert. La transparence est un prisme à travers lequel Virilio fait se succéder les images de la violence, dans des continuums guerre-paix qui viennent sans cesse rabattre la paix sur le plan de la guerre. Mouvement tracé par la guerre et qui est relayé par la paix, par lequel il s’agit de « disqualifier l’ensemble de l’habitat planétaire en dépouillant les peuples de leur qualité d’habitant [35] ». Conquête destructrice de la vitesse qui culmine dans une disqualification, un mépris, un décapement des milieux, un abandon des territoires dans ce qu’ils présentent d’aspérités et d’opacités. Mouvement qui va de la conquête des mers – glacis maritime en droit sans obstacle – à la conquête du ciel – espace transparent et « lisse » par excellence (pour reprendre la terminologie de Deleuze et Guattari [36], qu’ils réfèrent plusieurs fois à Virilio), machine infernale dans laquelle on retrouve bombardement des villes et dispositifs de reconnaissance aérienne, stratégie maritime du fleet in being, paysage du front, défoliation des forêts à l’agent orange, architectures de verre, technologies de surveillance… La transparence, dans un tel mouvement, se présente comme la perspective visuelle qui accompagne la disparition, disqualification ou destruction des milieux, des territoires et des habitats. C’est ce prisme de la transparence qui permet, ici, le déploiement dans la pensée d’une telle machine infernale, qui permet l’opération conceptuelle qui vient relier tous ces mouvements dans une succession continue. C’est que la transparence, dans la lecture qu’en fait Virilio, agit comme véhicule pur. On retrouve, implicitement, une manière courante d’appréhender la transparence : à savoir, la transparence comprise comme visibilité continue en l’absence de toute médiation, de tout medium. Ce que Virilio retient de la transparence, c’est la manière dont elle déjoue toute prise. On ne peut pas l’habiter et en retour elle annihile tout espace habitable. Tout s’y fait véhicule, relai : et le verre est le relai par excellence de cet idéal optique basé sur un espace vide ne tolérant rien qui fasse obstacle à la lumière. C’est pourquoi la maison de verre a en elle-même quelque chose de monstrueux, c’est l’habitat qui vient matérialiser la liquidation des possibilités d’habiter [37].
21La tentative de Benjamin, qui consiste à penser depuis les propriétés du verre en tant que matériau, permet de construire d’autres prismes, de faire dire autre chose à la transparence. Ce que Virilio retient de la transparence, c’est son abstraction, la manière dont elle déjoue toute prise (on ne peut pas l’habiter et en retour elle annihile tout espace habitable), le vide qu’elle produit ; d’où son caractère totalisant. Or, justement, avec les imaginaires de verre et les expérimentations concrètes qui vont se multiplier dans les années vingt [38], on peut adopter la perspective inverse : le verre, c’est justement l’artifice, le matériau, qui médiatise la transparence. Celle-ci n’est pas l’abolition de toute médiation, au contraire, c’est elle qui est medium [39]. Cette approche implique qu’on considère la transparence à partir des matériaux, des artifices, des appareils qui la véhiculent. Le verre comme matériau de la pauvreté en expérience ouvre une issue de pensée hors du dilemme infernal pour lequel renoncer à l’appel des profondeurs et à son exigence d’opacité, c’est se retrouver voué à l’immédiateté de la transparence et à ses propres mouvements totalisants. Le verre, en effet, est ce véhicule de la transparence qui, par excellence, a cette capacité de multiplier les effets. C’est cela, d’ailleurs, qui suscite une première vague d’engouement architectural et utopiste en faveur du verre au début du xxe siècle, dont les pacifistes et révolutionnaires Paul Scheerbart [40], Bruno Taut [41] ou encore Velimir Khlebnikov [42] sont de grands représentants. Première vague qui s’intéresse d’ailleurs au verre coloré, à la variation des éclairages, aux propriétés réfléchissantes du verre, c’est-à-dire aux possibilités formelles de multiplier les effets visuels. On n’a pas affaire ici au véhicule d’une transparence abstraite, mais à des phénomènes de surface qui se redistribuent. Faire le pari de se réapproprier un espace de la pauvreté en expérience, tout en résistant à ses mouvements totalisants, ne peut en passer que par la réinvention – avec d’autres moyens – de la part d’équivoque que le renoncement au secret semblait devoir sacrifier. Il n’y a pas pour autant réintroduction de la densité, de l’opacité ou du mystère, mais plutôt jeux de surfaces qui multiplient les champs du visible.
22Ces deux « prismes » sur le verre – comme relai de la transparence et de ses mouvements totalisants, et comme matériau qui démultiplie les plans et les perspectives – ne se contentent pas de s’opposer, mais au contraire peuvent se rencontrer, se détourner et se déjouer l’un l’autre. Un détour par Glass House, projet de film avorté d’Eisenstein, permet de saisir cela dans la mesure où il mobilise justement les deux prismes à la fois [43]. Eisenstein imagine un film qui se déroulerait entièrement à l’intérieur d’un gratte-ciel de verre et, tandis que le scénario aurait joué sur les ressorts dystopiques de la transparence comme mise à nu, visibilité de tous par tous, la réalisation aurait simultanément joué sur les potentialités formelles, cinématiques du matériau. Le verre, loin de se limiter au rôle de véhicule d’une visibilité uniforme, apparaît alors au contraire comme ce qui permet la démultiplication des points de vue, le chevauchement des plans [44]. Ramené à notre problème, on peut dire qu’il y a un mouvement de la transparence par lequel celle-ci tend à s’émanciper des médiations qui la font exister, à produire sa propre abstraction – et en même temps, il est toujours possible de revenir aux matériaux, aux artifices, aux agencements qui la font exister. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de « grilles de lecture », qui seraient plus ou moins adéquates. Il y a des opérations de la violence qui se nourrissent très concrètement de ces abstractions, tout comme la requête d’une expérience profonde de la guerre tend véritablement à étendre son horizon.
IV
23Qu’est-ce que ce serait, cette manière de prendre la guerre par ses surfaces, par ses extériorités ? Dans son texte sur la guerre comme expérience intérieure, Jünger jette des regards dédaigneux sur ces soldats qui, tout en étant « de purs produits du front », « brisés par les rouages du mécanisme », sont passés comme à côté de la réalité profonde de la guerre, incapables de la vivre de l’intérieur [45]. Brèche ouverte par Jünger, comme malgré lui : même sur la ligne la plus intense de la plus intense des guerres, les grands processus d’intériorisation guerrière connaissent des failles, des points d’extériorité. L’extériorité ne veut pas dire ici « en dehors », encore moins « sans relation à ». Ça veut dire qu’elle ne devient pas la réalité intérieure de celui qu’elle traverse. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas concrète ou qu’elle ne détruit pas, au contraire. Mais elle ne refonde rien et ne redéploie rien.
24Dans son montage documentaire expérimental Ausweg, Farocki agence une série « d’images opératoires », des images qui servent à l’intérieur de l’exécution d’un processus technique, à l’intérieur d’appareils de production et de destruction : ces images sont complètement intégrées, et pour autant sans aucune intériorité. Des images qui sont produites extérieurement à toute expérience, mais qui sont ici arrachées à leurs opérations et assemblées dans le montage, mettant ainsi à jour les perspectives qu’elles fabriquent. Le film Ausweg tient tout entier dans ces machines de vision sans intériorité, et dans leurs appareillages. On y retrouve ces images captées par les caméras couplées aux missiles. « Œil de la bombe » : on n’est pas dans l’abstraction de toute perspective, mais au contraire, on entre dans la production d’une série d’agencements perceptifs qui donnent consistance et réalité à ces abstractions. C’est une toute autre prise sur les « guerres virtuelles » que la lecture qui consiste à y voir une déréalisation, une perte du réel. Ici, on ne dit pas que la réalité se dissout dans les abstractions, mais apparaît au contraire toute la matérialité du virtuel.
25Entre l’espace désert du paysage du front – champ de forces destructrices, paysage dévasté – et l’espace lisse, sans aspérité que vient matérialiser le verre, il y a un jeu de miroir, mais en même temps il y a un écart, un intervalle infranchissable. Elles ne se rabattent pas l’une sur l’autre, elles se tiennent chacune à part, même si c’est vrai qu’elles tiennent ensemble, qu’elles prennent place dans le même monde. La dévastation est bien là comme scène dont on part, et la question « qu’est-ce qui, dans un tel monde, peut encore être désiré ? » dépend toute entière de cette autre question : « Qu’est-ce qui se laisse encore inventer depuis cette scène de la dévastation ? ». On sent bien, à la fois toute la nécessité, mais aussi tout le péril de cette recherche du point de contact, entre point de relai et point de résistance.
Notes
-
[1]
Woolf, V. Journal d’un écrivain, Paris, Éditions 10/18, 2000, p. 531.
-
[2]
Farocki, H. Bilder der Welt und Inschrift des Krieges, 1988.
-
[3]
Voir Virilio, P. La Machine de vision, Paris, Éditions Galilée, 1988 ; H. Farocki, Auge/Maschine, 2000.
-
[4]
Voir Farocki, H. Ausweg, 2005 ; « Der Krieg findet immer einen Ausweg. », in Cinéma, vol. 50, 2005, p. 21-31.
-
[5]
Farocki, H. Bilder der Welt und Inschrift des Krieges, op. cit., min. 23 (je traduis).
- [6]
-
[7]
Adorno, T. W. et Horkheimer, M. La Dialectique de la raison (1944), trad. fr. E. Kaufholz, Paris, Éditions Gallimard, 1974, p. 20. ; G. Didi-Huberman pense ce lien entre Farocki et Adorno-Horkheimer dans Remontages du temps subi. L’œil de l’Histoire 2, Paris, Éditions de Minuit, 2010, p. 81-91.
-
[8]
Ibid., 26.
-
[9]
Ibid., p. 59.
-
[10]
Benjamin, W. Sens unique (1928), trad. fr. F. Joly, Paris, Éditions Payot et Rivages, 2013, p. 214.
-
[11]
Benjamin, W. Paris, Capitale du XIXe siècle. Le Livre des Passages, Paris, Les Éditions du Cerf, 2009, p. 51 ; p. 202-203 [G 6 ; G 6a, 1] ; p. 556-557 [R 2a, 1].
-
[12]
Voir « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1939) », in Œuvres III, trad. fr. M. de Gandillac et al., Paris, Éditions Gallimard, p. 313-316.
-
[13]
Benjamin, W. « Expérience et pauvreté (1933) », in Œuvres II, op. cit., p. 369 (traduction légèrement modifiée – les traducteurs ont traduit « Geheimnis » par « mystère » et non par « secret »).
-
[14]
Benjamin, W. « Le Surréalisme. Le dernier instantané de l’intelligentsia européenne (1929) », in Œuvres II, ibid, p. 118.
-
[15]
Simmel, G. Secret et sociétés secrètes (1908), Belval, Éditions Circé, 2009, p. 47-50.
-
[16]
Voir « Sur le concept d’histoire (1940) », in Œuvres III, op. cit.
-
[17]
Löwy, M. La Révolution est le frein d’urgence. Essais sur Walter Benjamin, Paris, Éditions de l’éclat, 2019, p. 40.
-
[18]
Tchernychevski, N. Que faire ? Les hommes nouveaux (1863), trad. fr. D. Sesemann, Genève, Éditions des Syrtes, 2000.
-
[19]
« Expérience et pauvreté », op. cit., p. 365.
-
[20]
Jünger, E. « Le combat comme expérience intérieure » (1922), in Journaux de guerre, tome I : 1914-1918, trad. fr. J. Hervier et al., Paris, Éditions Gallimard, 2008, p. 530-531.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Jünger, E. Orages d’acier (1961), trad. fr. H. Plard, Paris, Éditions Christian Bourgois, 2019, p. 370.
-
[23]
« Le combat comme expérience intérieure », op. cit.
-
[24]
Caillois, R. Bellone ou la pente de la guerre (1963), Paris, Éditions Flammarion, 2012, p. 193-199 ; pour la lecture de Jünger par Bataille, voir T. Berns, La Guerre des philosophes, Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 2019, p. 249-275.
-
[25]
Caillois, R. ibid., p. 195.
- [26]
-
[27]
« Expérience et pauvreté », op. cit., p. 366-367.
-
[28]
Voir Gutschow N. et al., A blessing in disguise, War and Town Planning in Europe 1940-1945, Fribourg, Dom Publishers, 2013.
-
[29]
Virilio, P. L’Insécurité du territoire, Paris, Éditions Galilée, 1993. Je m’appuie ici sur une réflexion menée en commun avec Renaud-Selim Sanli.
-
[30]
Ibid., p. 206-207.
-
[31]
Virilio, P. L’Horizon négatif, Paris, Éditions Galilée, 1984.
-
[32]
Cf. Virilio, P. Esthétique de la disparition, Paris, Éditions Galilée, 1989.
-
[33]
Cf. L’Insécurité du territoire, op. cit., p. 97.
-
[34]
Cf. L’Horizon négatif, op. cit.
-
[35]
L’Insécurité du territoire, ibid., p. 99.
-
[36]
Deleuze, G. Guattari,F. Mille plateaux, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, voir en particulier p. 434-527 et p. 592-625.
-
[37]
Je dois ces considérations aux précieuses réflexions menées par Oriane Petteni sur l’optique et l’habitat.
-
[38]
En particulier Behne, Taut et la Gläserne Kette chez les expressionnistes, Moholy-Nagy et van der Rohe pour le Bauhaus, le constructiviste soviétique Tatline, ou encore le poète futuriste Khlebnikov.
-
[39]
Voir Somaini, A. « Walter Benjamin’s Media Theory : The Medium and the Apparat », in Grey Room, 62, MIT Press Journals, 2016, p.6-41.
-
[40]
Voir notamment Scheerbart,P. Glasarchitektur (1914), Brême, Dearbooks, 2014.
-
[41]
Voir notamment Taut, B. Alpine Architektur (1919), Dresde, Fachbuchverlag-Dresden, 2017 ; ainsi que Die Gläserne Kette, Eine expressionistische Korrespondenz über die Architektur der Zukunft (1919-1920), Stuttgart, Hatje, 1996.
-
[42]
Voir notamment « Les maisons et nous (1915) », « Le rocher venu de l’avenir » (1921-1922), in Créations I-II, trad. fr. C. Frioux, Paris, Éditions L’Harmattan, 2003 ; « La ville du futur » (1920), in Zanguezi et autres poèmes, traf. fr. J.-C. Lanne, Paris, Éditions Flammarion, 1996.
-
[43]
Eisenstein, S. M. Glass House, Du projet de film au film comme projet, trad. fr. V. Pozner et al., Paris/Dijon, Éditions Kargo/Les presses du réel, 2009.
-
[44]
Voir Somaini, A. « Utopies et dystopies de la transparence. Eisenstein, Glass House, et le cinématisme de l’architecture de verre », Appareil [En ligne], 7 | 2011.
-
[45]
Jünger, E. « Le Combat comme expérience intérieure », op. cit., p. 561 et 617.